En annonçant leur divorce, Philippe Hersant et Bernard Tapie scindent ce qu’il restait du Groupe Hersant Média après son sauvetage en décembre 2012. La famille Hersant conserve les groupes Nice-Matin et France-Antilles quand le Groupe Bernard Tapie contrôle en totalité La Provence. Seul Corse-Matin reste détenu à parité entre Nice-Matin et La Provence.
En proposant 51 millions d’euros aux banques créancières du Groupe Hersant Média (GHM) le 18 décembre 2012, Philippe Hersant et Bernard Tapie ont pris le contrôle à parité de ce qu’il restait alors de GHM, à savoir les journaux antillais, Nice-Matin et ses déclinaisons, ainsi que La Provence (voir REM n°25, p.23). A cette occasion, les banques acceptaient d’abandonner 165 millions d’euros de créances pour éviter de tout perdre dans le cas où GHM aurait déposé le bilan. Moyennant environ 25 millions d’euros, Bernard Tapie prenait ainsi le contrôle de la moitié de GHM, épuré de sa dette, et pouvait annoncer aux équipes de Nice-Matin et de La Provence un plan de relance ambitieux, jusqu’à 50 millions d’investissements ayant été évoqués au printemps 2013.
Mais, depuis, l’alliance de Philippe Hersant et de Bernard Tapie a été malmenée au point de refroidir les espoirs des salariés des quotidiens régionaux de GHM. Le premier accroc dans cette alliance s’est produit en février 2013 quand Bernard Tapie a communiqué sur un chèque de 4,3 millions d’euros qu’il avait dû faire en urgence pour payer les salaires des journalistes, une communication qui témoignait moins des problèmes de trésorerie du groupe que d’un désaccord avec Philippe Hersant sur le financement de GHM. Une autre difficulté, plus sérieuse, est apparue lorsque Bernard Tapie, de nouveau inquiété à la suite de l’arbitrage rendu dans l’affaire du Crédit Lyonnais, a vu ses biens personnels saisis après une ordonnance du 28 juin 2013 des juges chargés de l’affaire. Ces derniers demandaient en même temps son avis au parquet pour la saisie d’une partie de ses parts dans GHM, accord obtenu du parquet. Dès lors, ne pouvant utiliser les actifs de Bernard Tapie dans GHM pour financer le groupe, Philippe Hersant s’est naturellement retrouvé responsable de la trésorerie du groupe, le protocole d’actionnaires prévoyant, selon Jean-Clément Texier que cite Le Figaro, « que Philippe Hersant, copropriétaire du groupe avec sa famille, est primus inter pares », donc responsable en dernier recours.
Ces difficultés, et les caractères opposés de Philippe Hersant et de Bernard Tapie, auront probablement facilité la scission du groupe, annoncée le 16 juillet 2013. La famille Hersant conserve les quotidiens antillais et Nice-Matin, ainsi que Var-Matin, qui bascule définitivement dans l’orbite du régional niçois, malgré sa proximité historique avec Marseille. Bernard Tapie prend le contrôle total de La Provence, l’opération devant être finalisée fin octobre 2013. De son côté, Corse-Matin, le quotidien régional le plus rentable du groupe, restera partagé entre les deux hommes, Corse-Matin étant détenu avant la scission à parité entre La Provence et Nice-Matin. La scission de GHM devrait ne pas se faire sans échanges financiers, parce que les investissements déjà faits par Bernard Tapie devraient être compensés par la famille Hersant, et parce que La Provence, légèrement déficitaire, constitue un ensemble moins important que le groupe Nice-Matin et France-Antilles réunis. Se pose alors la question de l’avenir de La Provence, désormais otage des juges, la saisie des biens de Bernard Tapie l’empêchant de fait d’investir dans le quotidien. C’est ce que le directeur de La Provence, Olivier Mazerolle, a tenu à rappeler dans son éditorial du 13 juillet 2013 : « Nous souhaitons que l’actionnaire ne soit pas empêché de fournir à La Provence les subsides dont elle a besoin pour son développement », rappelant « qu’il est légitime que l'Etat prenne ses précautions. Mais pas au détriment d'entreprises qui ne sont pas parties prenantes dans cette affaire ». Ces inquiétudes jouent en même temps en faveur de Bernard Tapie qui détient là un argument, la saisie de ses biens menaçant à terme l’avenir du premier quotidien de la deuxième plus grande ville de France et ses 500 salariés, dont 200 journalistes. Le 2 août 2013, le comité d’entreprise de La Provence a quand même donné son accord à la reprise du titre à 100 % par Bernard Tapie, qui a promis 15 millions d’euros d’investissement et aucun plan social.
Sources :
- « Affaire Tapie : La Provence et Nice-Matin dans l’expectative », Alexandre Debouté, Le Figaro, 12 juillet 2013.
- « Bernard Tapie bientôt seul maître à bord du quotidien La Provence », Fabienne Schmitt, Les Echos, 17 juillet 2013.
- « Bernard Tapie bientôt seul actionnaire de La Provence », Alexandre Debouté, Le Figaro, 17 juillet 2013.
- « La Provence sous la houlette de Tapie », Alexandre Debouté, Le Figaro, 24 juillet 2013