News Corp. donne naissance à 21st Century Fox

L’affaire News of the World aura fait deux victimes, le tabloïd et le groupe News Corp., qui a finalement été scindé le 28 juin 2013 avec, d’un côté, 21st Century Fox, qui regroupe les très rentables activités de cinéma et de télévision, de l’autre, un News Corp. recentré sur les activités historiques de presse, ainsi que la maison d’édition Harpers Collins.

Après l’affaire des écoutes à News of the World en 2011, le groupe News Corp. a dû se résoudre à une scission pour satisfaire les actionnaires, inquiets de la sous-valorisation du groupe (voir REM n°24, p.40). En effet, les performances des activités médias sont pénalisées par les contre-performances des activités presse, lesquelles, avec le scandale des écoutes, ont failli obliger le groupe à céder le très rentable BSkyB, et l’ont au moins provisoirement empêché d’en prendre le contrôle total (voir REM n°20, p.30). Couper la presse des autres activités médias, qui assuraient aux titres du groupe une protection financière en dernier recours, a sans aucun doute été une concession arrachée à Rupert Murdoch, actionnaire principal de News Corp. Rupert Murdoch a toujours eu une affection particulière pour la presse, grâce à laquelle il a bâti son empire et gagné son influence. Cette histoire de News Corp. avec la presse se retrouve d’ailleurs dans le nom même du groupe, comme dans les noms choisis pour les deux nouveaux groupes : le nom News Corp. est conservé pour l’ensemble des titres de presse et l’édition, le nom 21st Century Fox étant de son côté réservé aux activités cinématographiques et audiovisuelles.

Approuvée le 11 juin 2013 par les actionnaires de News Corp., la scission est effective depuis le 28 juin 2013. Elle partage en deux parts très inégales un chiffre d’affaires global de 33,7 milliards de dollars sur l’exercice 2012. Le nouveau News Corp., c’est-à-dire l’ensemble des activités de presse et d’édition, représente 8,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires, en repli de 6,8 % par rapport à 2011. A l’inverse, le cinéma et la télévision, ainsi que les activités internet, regroupés dans 21st Century Fox, représentent ensemble 25,5 milliards de dollars. 21st Century Fox fédère donc, à l’exception des activités internet et marketing (0,6 milliard de dollars), les activités les plus importantes du groupe : la télévision hertzienne et par câble, c’est-à-dire essentiellement les activités américaines (chaînes Fox, Fox News, Fox Sports, National Geographic), qui représentent 13,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2012, en hausse de 8,6 % par rapport à 2011 ; le cinéma, notamment les activités du studio 20th Century Fox, qui réalise un chiffre d’affaires 2012 de 7,3 milliards de dollars (+ 5,8 %) ; enfin la télévision par satellite, développée en Asie et leader en Europe avec Sky Italia, Sky Deutschland, qui représente 3,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires, auxquels s’ajoutent les résultats de BSkyB dans lequel News Corp. a une participation. Ces activités sont également les plus rentables : au premier trimestre 2013, les seules chaînes câblées ont engendré un profit opérationnel de 993 millions de dollars et le cinéma de 289 millions de dollars. En séparant ces activités de la presse, News Corp. donne naissance à un groupe média très performant, dont la valorisation approcherait 68 milliards de dollars, ce qui a influé sur le cours de l’action News Corp., laquelle a augmenté de 50 % en un an depuis l’annonce de la cession. D’ailleurs, pour la présentation de ses premiers résultats, alignés sur un exercice clos fin juin 2013, 21st Century Fox a annoncé un chiffre d’affaires de 27,7 milliards de dollars, en hausse de 10 % par rapport à 2012, et surtout un doublement de son bénéfice net qui passe de 3,18 à 6,82 milliards de dollars.

Concernant l’ensemble presse et édition, qui conserve le nom de News Corp., les chiffres sont moins encourageants. La presse affiche un résultat opérationnel en baisse de 35 % au premier trimestre 2013, à 85 millions de dollars, à cause de la baisse des recettes publicitaires et des difficultés de la filiale britannique après la fermeture de News of the World. Pourtant, cet ensemble conserve de véritables atouts. C’est de loin le premier groupe de presse américain, avec une valorisation aux alentours de 9 milliards de dollars, devançant largement ses plus proches concurrents (Gannett, 5,6 milliards de dollars) et le New York Times (1,6 milliard de dollars). News Corp. est aussi leader au Royaume-Uni et en Australie, pays depuis lequel Rupert Murdoch a construit son empire. Enfin, les activités presse fédèrent des marques très fortes, comme le Wall Street Journal, le New York Post aux Etats-Unis, le Times et le Sun au Royaume-Uni, ou encore l’agence Dow Jones. S’ajoute à ces actifs la maison d’édition Harpers Collins. Il reste que Rupert Murdoch aura dû défendre ce nouveau groupe auprès des actionnaires et s’impliquer très personnellement dans son avenir : le nouveau News Corp. est doté, après la scission, de 2,6 milliards de dollars, de quoi financer ses dettes et investir jusqu’à 2 milliards de dollars pour moderniser ses titres ou bien encore pour s’emparer de nouveaux journaux. Enfin, s’il a confirmé ne pas croire à une reprise importante du marché publicitaire, Rupert Murdoch a annoncé poursuivre la rationalisation de ses activités presse, afin de limiter les coûts, tout en augmentant le prix de ses journaux, moins chers que les concurrents, afin d’augmenter leur taux de marge.

La scission ne signifie donc pas le retrait de Rupert Murdoch, ni celui de sa famille, des deux nouvelles entités créées. L’ancien News Corp. était détenu par la famille Murdoch avec 39,4 % des droits de vote, les deux nouvelles entités le sont aussi. Une « pilule empoisonnée » interdit même à tout actionnaire qui monterait à plus de 15 % du capital de remettre en question les droits de vote détenus par la famille, et ce pendant un an, ce qui protège le groupe de toute attaque dans l’année, toujours délicate, qui suit la scission.

Sources :

  • « Scindé en deux, News Corp. se réinvente un avenir », Karl de Meyer, Les Echos, 28 juin 2013.
  • « L’empire Murdoch se sépare entre la presse et l’audiovisuel », Paule Gonzalès, Le Figaro, 29 juin 2013.
  • « Portée par son activité dans la télé câblée, 21st Century Fox repasse à l’offensive », Alexandre Debouté, Le Figaro, 8 août 2013.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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