L’expression désigne des objets connectés et « intelligents » que l’on porte sur soi au quotidien, comme on porte un vêtement. Futuristes, lunettes, montres, bracelets et tee-shirts sont désormais des émetteurs et des récepteurs de données numériques. La plupart des géants de l’électronique et de l’internet, notamment Google, Samsung et Apple, investissent sur ce nouveau marché de « l’ultramobilité ».
Projet annoncé dès 2012 par Google, la paire de lunettes Google Glass (voir REM n° 26-27, p.51), connectée à l’internet par Wi-Fi ou Bluetooth, est l’objet qui aura le plus contribué à familiariser le grand public à cette nouvelle tendance des « technologies que l’on porte sur soi ». Commercialisée aux Etats-Unis en 2014, cette monture de lunettes commandée à la voix et au toucher, donnant accès aux services de Google (Gmail, Google+, Google Maps…), embarquera également des applications tierces. Facebook en a développé une pour pouvoir poster sur son fil d’actualités une photo prise avec les Google Glass et ajouter un commentaire en enregistrant un message vocal. Celle de Twitter permet aussi d’envoyer des photos et des messages, ainsi que d’en retweeter. La plate-forme de blogs Tumblr et Evernote, l’outil de prise de notes, offrent pareillement à leurs utilisateurs la possibilité de partager leurs contenus sur l’écran des Google Glass. Des médias sont également prêts pour communiquer de cette façon. La chaîne américaine d’information CNN y diffuse des informations, texte, audio ou vidéo, au format court et en fonction du type d’alertes paramétrées par l’utilisateur, notamment le moment de la réception. Le magazine Elle propose, quant à lui, une galerie de photos, des articles en lecture audio et la possibilité de partager ses lectures sur les réseaux sociaux. De son côté, Google continue à enrichir ses lunettes connectées de nouvelles fonctionnalités. Parmi les dernières en date figurent l’intégration de la plate-forme YouTube dans les résultats de recherche et la reconnaissance de musique contrôlée à la voix par la question « What song is this ? ».
Un autre wearable device en vogue, la smart watch se présente comme un prolongement du téléphone portable auquel elle doit être connectée. Le géant japonais de l’électronique Sony, le premier, commercialise depuis juin 2013 une nouvelle version, équipée du système d’exploitation Android, de son modèle de montre intelligente sorti dès 2007. Au Salon de l’électronique grand public de Berlin (IFA), en septembre 2013, le sud-coréen Samsung a présenté Galaxy Gear, sa montre intelligente qui permet, sur son écran tactile, de recevoir ou d’envoyer (en les dictant) des messages (e-mails ou SMS), suivre les échanges sur les réseaux sociaux, téléphoner, prendre des photos ou faire des vidéos, le tout grâce à une connexion Bluetooth avec un smartphone ou une tablette de la marque. Les modèles de montres intelligentes de Google et Apple sont attendus. Chaque année, selon l’institut Juniper Research, 36 millions de smart watches devraient être vendus d’ici à 2018.
Au salon IFA de Berlin, de nombreuses start-up ont également présenté d’autres applications d’objets connectés, notamment dans le domaine du bien-être. Des bracelets connectés mesurent l’activité physique de la journée et la qualité du sommeil. Si les baskets avec puces électroniques existaient déjà, des vêtements équipés de capteurs surveillent le rythme cardiaque et la respiration.
Selon l’institut IDC, le nombre moyen d’accessoires connectés par individu serait de 3,5 en 2020. Le nouveau marché des lunettes connectées représenterait plus de dix milliards de dollars en 2018, selon Business Insider. Considérées comme la prochaine révolution numérique, les wearable technologies ne vont pas manquer de provoquer un certain nombre de questions, quant aux conséquences de la généralisation de leurs usages, particulièrement en matière de respect de la confidentialité et de la vie privée.
Gadget ou technologie de rupture ? Ni l’un, ni l’autre, sans doute. Les wearable technologies sont peut-être à ranger dans la première catégorie lorsqu’elles désignent le « bijou connecté » que s’apprête à sortir Apple, qui a recruté en juin 2013 l’ex-patron d’Yves Saint Laurent pour créer sa montre internet. Certains secteurs d’activités comme la médecine, la recherche, la formation, le journalisme ou le tourisme, pourraient trouver un intérêt à utiliser ces outils avant-gardistes. A moins que les wearable technologies ne soient le reflet d’une idéologie, celle du transhumanisme donnant naissance à « l’homme augmenté » (voir REM n°26-27, p.50), à laquelle adhèrent les géants de l’internet comme Google, Cisco, Nokia ou Intel. Utilisée pour les Google Glass, la technique de transmission du son par conduction osseuse – un signal vibratoire se propage dans l’oreille interne par les os du crâne – est un aperçu des prouesses technologiques promues par Google. Sa filiale Motorola a mis au point un tatouage interactif, qui prend la forme d’un patch à coller sur la peau, servant à s’identifier pour déverrouiller son smartphone ou effectuer un paiement en ligne. Un autre projet développé par Motorola vise à remplacer notre identifiant (mot de passe) en avalant une pilule contenant une micropuce électronique, comme il en existe déjà pour certains médicaments. Le corps entier communique alors avec tout appareil connecté en Bluetooth (téléphone, ordinateur, voiture, appareil ménager, terminal de paiement, compteur…).
Des années d’expérimentation seront encore nécessaires avant que les wearable technologies ne permettent aux hommes d’agir à l’égal des personnages les plus célèbres de la littérature de science-fiction. Il n’empêche que la recherche sur la fusion de l’homme et des technologies numériques avance, pour une vie meilleure selon les futurologues adeptes des NBIC (nanotechnologies, biologie, informatique et sciences cognitives), à l’image de Serguei Brin. En septembre 2013, le cofondateur de Google a annoncé la naissance de Calico (California Life Compagny), entreprise consacrée à accroître l’espérance de vie.