Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique

Présenté à l’occasion de la deuxième édition des « Assises pour la diversité du cinéma français », ce rapport est rédigé par celui qui fut notamment le « monsieur cinéma » de Canal+ et l’auteur de La vingt-cinquième image (Ed. Gallimard), ouvrage qui a fait date. Somme de sept mois de travaux menés avec une trentaine d’experts, ce rapport s’inscrit dans la continuité du Culture-acte 2 remis par Pierre Lescure en mai 2013 (voir REM n°26-27, p.55). Une polémique lancée en décembre 2012 par le producteur et distributeur Vincent Maraval, dénonçant la démesure des cachets de certains réalisateurs, scénaristes ou acteurs et un système d’aides devenu inégalitaire, eut le mérite de mettre au jour les dérives du système de financement d’un secteur immanquablement fragile. La bipolarisation de la production cinématographique avec, d’un côté, les films à gros budget et, de l’autre, les « petits films », au détriment des « films du milieu », selon l’expression de la réalisatrice Pascale Ferran, montre le détournement désormais chronique de l’esprit du dispositif français justifié par la défense de la diversité culturelle.

Avant d’avancer quelque cinquante propositions, le rapport de René Bonnell dresse un état des lieux détaillé des diverses composantes du secteur, le financement de la création, la production, la distribution, la diffusion télévisuelle, la vidéo, la télévision de rattrapage, le système d’aide, les exportations et, bien sûr, le développement du numérique avec l’arrivée imminente du géant américain de la vidéo en streaming par abonnement Netflix. S’appuyant sur les chiffres livrés par le CNC dans son étude sur l’économie des films, il souligne que les secteurs de la production et de la distribution cinématographiques sont structurellement déficitaires. Parallèlement, il démontre le processus « d’affaissement » du système de financement du cinéma français, basé sur des cotisations aux fonds de soutien et des montants d’obligations d’investissements qui sont à la baisse. Il y a donc urgence à restructurer le secteur comprenant un trop grand nombre de petites unités de production et de distribution, ainsi qu’à rénover le dispositif de financement public et le cadre réglementaire. Deux points essentiels du rapport concentreront assurément les discussions dans le cadre des arbitrages à venir : la transparence du financement des films et la chronologie des médias.

Le manque de transparence dans le financement des films a permis notamment une augmentation significative des cachets distribués, une dérive qui ne concerne au demeurant qu’une minorité de films. Prônant l’autorégulation de la profession, le rapport préconise néanmoins une modération des rémunérations, en incitant au partage du risque commercial par un intéressement aux recettes calculé sur des données facilement vérifiables par tous, comme le nombre d’entrées en salle. Pour limiter l’inflation des devis, l’obtention de certains soutiens ou investissements pourrait être conditionnée à la maîtrise des coûts. De même, la pratique du préfinancement, qui se transforme pour 20 % des productions en un sur- financement permettant au producteur de s’assurer une marge, avant même que ne débute l’exploitation commerciale, contribue également aux déséquilibres économiques du secteur en reportant les risques sur les autres partenaires financiers.

Concernant la chronologie des médias, calendrier de sortie d’un film par support, le rapport Bonnell insiste sur la nécessité de conserver un délai de quatre mois d’exclusivité aux salles. En revanche, dans la lignée du rapport Lescure, il préconise de raccourcir le délai imposé à la vidéo à la demande par abonnement à 18 mois, à compter du jour de sortie en salle, au lieu de 36 mois aujourd’hui, avec en contrepartie des obligations de financements pour les opérateurs des services en ligne. Plus inattendue est la proposition de René Bonnell de remettre en cause la règle de la sortie obligatoire en salle d’un film pour avoir accès aux aides du CNC, proposant de résoudre ainsi le problème des embouteillages, conséquence de la sortie simultanée d’une dizaine de films en moyenne chaque semaine, par l’exploitation directe en vidéo dont pourraient faire l’objet les films les plus fragiles. Reste cette incertitude : comment miser à l’avance sur le succès d’un film ?

Si rien n’est fait, l’avenir du cinéma français, premier en Europe avec un système d’aide internationalement salué pour son efficacité, sera « hypothéqué », selon le mot de l’auteur du rapport.

Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique, René Bonnell, culturecommunication.gouv.fr, décembre 2013

Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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