Des chercheurs néerlandais de l’université de Delft ont inventé le plus petit drone du monde. L’utilisation de ces outils d’observation, par les professionnels comme par les amateurs, se répand très rapidement, non sans soulever de nombreuses interrogations d’ordre éthique.
DelFly Explorer est le résultat de neuf années de développement. Ce mini-drone pèse à peine 20 grammes, l’équivalent de quatre feuilles de papier au format A4, et il mesure 28 centimètres d’envergure. Contrairement aux autres drones qui possèdent quatre hélices, DelFly Explorer bat des ailes comme une libellule. Deux caméras miniatures à basse résolution embarquées produisent des images en 3D, celles-ci sont transmises à un ordinateur de bord capable de les analyser instantanément pour guider son vol en lui faisant éviter les obstacles aux alentours. Des accéléromètres similaires à ceux qui équipent les smartphones et des baromètres participent au calcul de sa trajectoire. Une batterie au lithium polymère lui assure une autonomie de neuf minutes.
Par rapport à un drone à hélices grand public qui pèse 100 fois plus lourd, ce mini-drone autonome pourrait notamment être utilisé pour survoler sans danger certains rassemblements (matchs de football ou concerts). Si les applications militaires ou sécuritaires de cet insecte-robot sont faciles à imaginer, ses concepteurs envisagent plutôt des usages civils, tel le survol des vastes serres des Pays-Bas pour surveiller le mûrissement des fruits.
Les différents algorithmes qui pilotent ce robot permettent également de le faire fonctionner dans des lieux clos ou d’un accès difficile. Néanmoins, si le prototype a fait ses preuves, la production en grand nombre ne sera pas lancée avant plusieurs années. Quant à la production de quadricoptères électriques grand public et professionnels, c’est un marché en pleine croissance. La France est bien placée avec une quarantaine de fabricants et elle compte même une école de pilotage de drone, créée par la société Delta Drone, à Grenoble. Embarquant une caméra ou un appareil photo et pilotés en Wi-Fi à l’aide d’un smartphone ou d’une tablette, les drones pour amateurs sont commercialisés à un prix très abordable.
La société française Parrot, qui fabrique le modèle AR Drone, en a vendu plus de 500 000 dans le monde depuis son lancement en 2010. Beaucoup plus sophistiqués, des drones réservés à l’usage professionnel sont utilisés par de nombreuses entreprises (RFF, EDF, SNCF, Veolia, etc.) pour surveiller leurs installations. C’est notamment avec un drone fabriqué par la société Helipse, installée à Angoulême, qu’a pu être inspectée la centrale nucléaire détruite à Fukushima. En avril 2014, plus de 600 opérateurs ont reçu une autorisation de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile). Deux arrêtés ministériels du 11 avril 2012 encadrent l’utilisation de ces caméras volantes ; l’un concernant leur conception, les conditions de leur emploi et les capacités requises pour les utilisateurs ; l’autre déterminant l’occupation de l’espace aérien. La France est en avance ; aux Etats-Unis, l’utilisation des drones à des fins commerciales est encore illégale. Estimant à 30 000 le nombre de drones qui pourraient survoler le territoire américain d’ici à 2020, la FAA (Federal Aviation Administration) réfléchit à établir un cadre réglementaire, qui ne devrait cependant pas être annoncé avant septembre 2015.
Néanmoins, le premier Drone Journalism Lab a été lancé par l’université du Nebraska en novembre 2011. Enseignants et étudiants en journalisme y mènent pour l’heure des expérimentations sur les conditions d’utilisation des drones comme moyen de reportage dans le respect des règles déontologiques. Dans une autre université américaine, en Pennsylvanie, une équipe de chercheurs a équipé un drone du système expérimental Tango, développé à l’origine pour un smartphone par Google. Équipé de capteurs et de caméras, ainsi que de processeurs capables de modéliser en 3D et en temps réel son environnement, l’appareil sait se localiser et se déplacer sans GPS.
De l’exploration des sites archéologiques à la surveillance des frontières, les drones semblent avoir un bel avenir devant eux. L’industrie, l’armée, l’agriculture, la prévention des incendies, la sécurité sont autant de débouchés. En Suède, le Conseil national de la police (Rikspolisstyrelsen) réfléchit aux applications possibles de cette technologie. De même, les professionnels des médias (cinéma, publicité, journalisme) ont eux aussi de plus en plus souvent recours aux drones. La couverture des manifestations réprimées par la police à Varsovie en 2011 fut l’une des premières expériences journalistiques du genre. Depuis, la pratique du « drone journalisme » s’est répandue au sein des rédactions, à la télévision comme dans la presse écrite. Le Lab Innovation de L’Express a lancé son projet « Drone it » en mars 2013. Début 2014, une agence de presse allemande rendit compte de la violence des émeutes de Kiev, grâce à un drone. Il reste la question essentielle du respect de la vie privée par ces nouveaux « espions ». Le projet de règlement sur la protection des données personnelles en cours d’élaboration à Bruxelles devrait apporter une réponse pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. La CNIL, quant à elle, milite pour une information des citoyens, en temps réel, de la présence d’un drone les survolant et pour que la collecte des données par cet appareil corresponde strictement aux objectifs de sa mission première. Aux Pays-Bas, une loi votée en avril 2014 interdit l’usage de drones par les municipalités dans le cadre de la vidéosurveillance, sauf en cas de force majeure. En février 2014, un jeune homme de 18 ans vient d’être condamné à verser une amende de 400 euros pour avoir filmé un espace urbain (en l’occurrence sa ville de Nancy) avec un drone, sans autorisation.
Sources :
- « Drones, innovations, vie privée et libertés individuelles », Lettre innovation et prospective de la CNIL, n° 6, décembre 2013.
- « Envol vers le futur avec le DelFly, un «insecte drone»», AFP, tv5.org, 23 février 2014.
- « Droit des drones : la France en pointe », Vincent Bouquet, Les Echos, 14 avril 2014.
- « La police suédoise intéressée par les drones », Henri Borreill, Le Dronologue, dronologue.fr, 22 mai 2014.
- « Drones de vie, les nouveaux usages des drones », Orange, Le Monde FESTIVAL, LeMonde.fr, 22 mai 2014.
- « Drones en civil », Jean-Michel Normand, Le Monde, 24 mai 2014.
- « Drone d’époque », Serge Michel, Le Monde, 25-26 mai 2014.
- « Le projet Tango de Google intégré dans un drone multirotor », Henri Borreill, Le Dronologue, dronologue.fr, 28 mai 2014. »