Taux de TVA réduit pour la presse en ligne : deux affaires à suivre

D’initiative française, la mesure est récusée par la Commission européenne, et il n’y aura pas d’amnistie fiscale pour Mediapart.

Après le vote, conforme et à l’unanimité, du Sénat, la loi n° 2014-237 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne a été promulguée le 27 février 2014. L’application de la baisse du taux de TVA à 2,1 %, au lieu de 20 %, pour la presse en ligne est rétroactive au 1er février 2014 (voir REM n°29, p.5). Il en coûtera près de cinq millions d’euros à l’Etat. A la suite du vote en France, une déclaration commune des ministres de la culture allemande et française défend l’application de la même mesure à l’échelle européenne. Le rapport sur la fiscalité numérique remis à la Commission européenne fin mai 2014 par l’ancien ministre des finances portugais Vítor Gaspar préconise l’application d’un même taux de TVA pour les biens et services similaires, qu’ils soient distribués par voie électronique ou sous forme physique, mais il défend l’alignement sur le taux normal de TVA, et non sur le taux réduit.

D’autre part, des éditeurs de presse français spécialisés dans les jeux (mots croisés, mots fléchés et sudokus) ont déposé plusieurs plaintes auprès de la Commission européenne, en juin 2014, contre la nouvelle disposition fiscale en faveur des pure players sur le marché français. Parmi eux se trouve notamment l’Association des éditeurs de presse de loisirs culturels (AEPLC). Ces éditeurs, dont les titres ne disposent pas d’un numéro attribué par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) et sont, par conséquent, redevables du taux de TVA normal de 20 %, réclament eux aussi, depuis dix ans, un taux réduit à 2,1 %, revendiquant réaliser 10 % du chiffre d’affaires total de la presse magazine. Ainsi, le 10 juillet 2014, la Commission européenne a lancé une procédure d’infraction contre la France afin que le gouvernement français revienne sur sa décision d’appliquer un taux réduit à la presse en ligne, la mettant en infraction au regard du droit européen. La France disposait d’un délai de deux mois pour se conformer aux règles européennes, avant que la Commission ne décide alors de porter l’affaire devant la Cour européenne de justice.

Par ailleurs, alors qu’il vient de franchir le nombre de 100 000 abonnés, le site Mediapart fait l’objet, fin septembre 2014, d’un redressement fiscal d’un montant de 4,2 millions d’euros pour les années 2008 à 2013 : 3 millions d’euros correspondant au manque à gagner pour l’Etat après la décision du pure player de s’appliquer à lui-même un taux de TVA à 2,1 %, au lieu de 20 %, plus 200 000 euros de pénalités de retard à la suite d’un premier recours déposé par le site d’information, et 1 million d’euros pour « mauvaise foi », c’est-à-dire pour fraude fiscale intentionnelle. Appuyant sa défense sur le statut juridique de la presse en ligne de 2009, ainsi que sur le flou juridique laissé par un décret de 2011, le journaliste Edwy Plenel, l’un des fondateurs de Mediapart, a qualifié cette procédure de « vengeance de l’affaire Cahuzac de la part de l’administration fiscale », le site ayant révélé l’existence d’un compte bancaire en Suisse détenu par le ministre des finances en exercice. Pour l’année 2013, le succès du site d’information en ligne sur abonnement se traduit par un chiffre d’affaires de l’ordre de 7 millions d’euros et un bénéfice d’environ 1 million. Une bataille judiciaire va s’engager, concernant également d’autres membres du Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne) comme Indigo publications (La Lettre A et Presse News) et Arrêt sur images.

Sources :

  • « Le rapport Gaspar remis à la Commission européenne préconise l’application d’un taux normal de TVA à la presse en ligne et papier en lieu et place de taux réduits », La Correspondance de la Presse, 30 mai 2014.
  • « Presse en ligne : bras de fer fiscal en vue entre Paris et Bruxelles », Renaud Honoré, Les Echos, 20 juin 2014.
  • « L’UE s’en prend à la TVA réduite sur la presse en ligne en France », Le Monde.fr avec AFP, 11 juillet 2014.
  • « Le fisc réclame 4,2 millions d’euros à Mediapart », AFP, tv5.org, 29 septembre 2014.
  • « Pourquoi Mediapart fait l’objet d’un redressement fiscal… et le conteste », Maxime Vaudano, Le Monde.fr, 30 septembre 2014.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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