Foot, rugby : nouveaux records pour les droits sportifs

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Après des enchères au montant record sur la Premier Ligue britannique, la plus chère au monde pour le football, la France a confirmé être le pays où les droits de retransmission du rugby sont les plus élevés. Les conséquences de cette inflation sont différentes au Royaume-Uni et en France.

Alors que l’appel d’offres pour les droits de retransmission de la Ligue 1 de football pour les saisons 2016-2020 a pu être considéré en France comme exceptionnel, Canal+ et BeInSport déboursant ensemble 726 millions d’euros (voir La REM n°30-31, p.32), les montants restent finalement dérisoires au regard des enchères britanniques. Outre-Manche, le coût d’accès à la Premier Ligue semble presque à même de menacer l’équilibre économique de la télévision payante. La facture de 3 milliards de livres (4 milliards d’euros) était déjà élevée pour les saisons 2013-2016 où, pour la première fois, les enchères avaient opposé Sky au groupe BT, ce dernier étant en quête de droits exclusifs pour renforcer l’attrait de ses offres d’abonnement à l’internet (voir La REM n°24, p.28). Sky avait ainsi dû débourser 760 millions de livres par saison, soit en tout 2,3 milliards de livres (2,8 milliards d’euros) pour 75 % des matchs, le maximum autorisé par la Ligue britannique de football. BT s’était de son côté engagé à dépenser 246 millions de livres par saison, soit 738 millions de livres en tout (1,2 milliard d’euros) pour le reste des matchs. Ces montants sont néanmoins dérisoires au regard des sommes déboursées lors de l’appel d’offres pour les saisons 2016-2019, qui s’est achevé le 11 février 2015. En effet, si les gagnants sont les mêmes, les montants sont en augmentation de 72 %, la Premier Ligue récupérant ainsi 5,1 milliards de livres (6,9 milliards d’euros), soit trois fois plus par saison que la Ligue 1 française. De nouveau, Sky s’empare de 75 % des matchs moyennant 4,2 milliards de livres, un montant en hausse de 83 % pour le leader de la télévision payante au Royaume-Uni, quand BT récupère le reste pour 960 millions de livres. Cette inflation a pesé sur le cours en Bourse de Sky dès l’annonce des résultats de l’appel d’offres, obligeant Sky à annoncer, le lendemain de sa victoire, un plan d’économies de 200 millions de livres par an et une augmentation du prix de l’abonnement à Sky Sports. A l’évidence, les chaînes premium, y compris les chaînes sportives haut de gamme, deviennent un luxe, quand le dynamisme de Sky est surtout assuré au Royaume-Uni par son offre de streaming bon marché, Now TV, à 6,99 ou 9,99 livres par mois.

La même situation est rencontrée en France par le groupe Canal+ qui bénéficie du dynamisme de son offre de streaming illimité Canal Play Infinity, mais qui a de plus en plus de mal à retenir ses abonnés aux offres premium, pour lesquelles il est obligé de renchérir sans cesse sur les droits. Ainsi, après s’être mis d’accord avec la Ligue nationale de rugby (LNR) en janvier 2014 pour diffuser l’intégralité du Top 14 pour les saisons 2014-2019 (voir La REM n°29, p.38), Canal+ avait été obligé de renoncer à ses droits chèrement acquis – 71 millions d’euros par an – à la suite de la décision de l’Autorité de la concurrence rendue le 30 juillet 2014 (voir La REM n°32, p.15). A cause d’une plainte de BeIn Sports, l’Autorité de la concurrence avait jugé que les droits de retransmission du Top 14 sont des droits premium, qui influencent les décisions d’abonnement, et qui à ce titre doivent relever d’une procédure transparente d’appel d’offres. A l’exception de la saison 2014-2015, sur le point de commencer lors de la décision de l’Autorité de la concurrence, les saisons 2015-2019 ont donc dû faire l’objet d’un appel d’offres organisé par la LNR, qui s’est achevé le 20 janvier 2015. Canal+ remporte la diffusion face à BeIn Sports pour un montant très légèrement supérieur à ce que le groupe devait payer après l’accord initial avec la LNR, à savoir 74 millions d’euros par saison contre 71 millions d’euros dans l’accord initial. Mais ces montants restent très importants : si la Premier Ligue britannique est la compétition de football la plus chère au monde, le Top 14 en France occupe cette place pour le rugby. Et Canal+ pourra aussi bénéficier des matchs du mondial de rugby du 18 septembre au 31 octobre 2015. TF1, qui en détient les droits, a rétrocédé 27 matchs à Canal + sur les 48 que compte la compétition, TF1 conservant les plus belles affiches.

Pour BeIn Sports, l’échec sur le Top 14 confirme le positionnement du groupe qatari, qui préfère ne pas jouer la surenchère sur les droits premium et limités en nombre, ceux que convoite Canal+, mais au contraire s’assurer de détenir le maximum de droits de second choix, soit les compétitions moins prestigieuses parmi les sports les plus populaires (football, rugby), soit les compétitions premium des sports plus minoritaires à la télévision. BeIn Media Group, qui coiffe BeIn Sport, s’est ainsi emparé, le 2 février 2015, de l’exclusivité de la Coupe Davis et de sa version féminine, la Fed Cup, pour les saisons 2015-2021. Le montant des droits n’est pas connu, même si la Fédération internationale de tennis a qualifié le montant payé de « plus gros contrat de son histoire »,une évidence puisque les droits sont cédés à l’échelle mondiale pour une retransmission de la compétition dans 32 pays.

Après avoir remporté les droits de Wimbledon, des Masters 1000 (sauf Monte-Carlo et Bercy) et de l’ATP 500, BeIn Sports s’impose donc comme la chaîne de référence en matière de tennis. Elle l’est aussi en grande partie pour les compétitions étrangères de football, avec les championnats italien et allemand, autant de droits qui finissent par vider de sa substance Sport+, la chaîne multisport et de second choix du groupe Canal+, proposée dans CanalSat. Faute de droits en nombre suffisant, Canal+ n’ayant pas surenchéri sur BeIn Sports pour les droits secondaires, Sport+ sera arrêté à l’été 2015 et remplacé, à partir de la rentrée 2015, par la diffusion en exclusivité d’Eurosport sur CanalSat. Racheté par Discovery, Eurosport devient désormais le concurrent direct de BeIn Sports sur les droits secondaires, ce qui risque de compliquer la tâche pour le groupe qatari, confronté à deux concurrents solides financièrement sur les deux marchés des droits  : Canal+ pour les plus belles affiches des sports populaires ; Eurosport et Canal+, qui conserve toutefois Canal+Sport, sur les autres droits.

Sources :

  • « Rugby : Canal+ s’impose face à BeIn et garde la haute main sur le Top 14 », Christophe Palierse et Nicolas Madelaine, Les Echos, 21 janvier 2015.
  • « BeIn Media Group met la main sur la Coupe Davis », Caroline Sallé, Le Figaro, 3 février 2015.
  • « Facture géante en vue pour les droits de retransmission du football anglais », Vincent Collen, Les Echos, 6 février 2015.
  • « Sky et BT paient 7 milliards d’euros pour le foot anglais », Vincent Collen, Les Echos, 11 février 2015.
  • « Droits du foot : Sky sous pression », Vincent Collen, Les Echos, 12 février 2015.
  • « Clap de fin pour Sport+ », Fabienne Schmitt, Les Echos, 26 mars 2015.
  • « Mondial de rugby sur TF1 : 255 000 euros le spot de pub si la France est en finale », Caroline Sallé, Le Figaro, 28 mars 2015.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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