A la faveur d’un partenariat avec l’opérateur satellitaire européen Eutelsat, le patron du plus grand réseau social du monde opte pour le satellite géostationnaire afin d’élargir la couverture internet à l’Afrique subsaharienne.
Nombreux sont désormais les projets alternatifs au lancement de satellites géostationnaires pour connecter au réseau mondial les zones géographiques encore mal desservies (voir La REM n°33, p.21). Certains s’appuient sur une constellation de petits satellites en orbite basse, comme OneWeb de Greg Wyler – soutenu notamment par le numéro 1 mondial, l’américain Intelsat – ou le projet de Space X, l’entreprise d’Elon Musk. Ces deux projets sont également cofinancés par Google, (devenu en août 2015 Alphabet), qui prévoit par ailleurs d’utiliser ses ballons gonflés à l’hélium au Sri Lanka au printemps 2016. Viennent compléter la liste le projet O3B, construit également à partir d’une flotte de mini-satellites mais placés en orbite moyenne, qui a été repris par l’opérateur luxembourgeois SES, ou encore celui du coréen Samsung et ses 4 600 satellites. A l’origine du projet Internet.org lancé en 2013 (voir La REM n°30-31, p.22), Facebook s’était lui aussi donné pour mission de fournir un accès internet aux régions trop pauvres pour financer les infrastructures nécessaires, par exemple en fabriquant des appareils légers comme son drone Aquila, qui fonctionne à l’énergie solaire.
Pourtant, en octobre 2015, Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, a finalement choisi une solution beaucoup moins révolutionnaire, mais beaucoup plus onéreuse, que celles annoncées précédemment. A la faveur d’un partenariat avec Eutelsat, opérateur européen de satellites géostationnaires, Facebook prend une longueur d’avance en apportant dès 2016 l’internet à haut débit en Afrique. Selon un accord pluriannuel avec Spacecom, opérateur des satellites Amos, Eutelsat et Facebook disposeront de la totalité de la charge utile dédiée à l’internet haut débit d’Amos-6 qui sera opérationnel au second semestre 2016 dans quatorze pays d’Afrique subsaharienne, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Nigéria et l’Afrique du Sud. Eutelsat se chargera de la commercialisation des équipements de réception au sol à des prix avantageux. Pour les deux partenaires, il s’agit de conquérir la clientèle des petites entreprises, des commerçants et des artisans, en leur proposant une connexion internet de meilleure qualité et moins chère que celle dont ils disposent aujourd’hui.
Pour l’opérateur européen Eutelsat, à la tête d’une flotte d’une quarantaine de satellites placés en orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres de la Terre, cet accord avec le géant internet constitue un signal significatif à l’adresse de ses concurrents, tels SES ou Intelsat, investis dans les projets en orbite basse ou moyenne, prouvant ainsi que le géostationnaire reste une technologie indispensable. « Il y a beaucoup de ballons d’essai en ce moment. La technologie géostationnaire, elle, est éprouvée et a déjà démontré son efficacité », a déclaré Michel de Rosen, PDG d’Eutelsat au moment de la signature de cet accord, avant la prise de fonction de Rodolphe Belmer qui lui a succédé en décembre 2015. Pour les nouveaux entrants, l’un des avantages majeurs d’une constellation de satellites placés en orbite moyenne ou basse, outre les coûts de production et de lancement peu élevés, réside dans la fourniture d’une transmission en temps réel, sans temps de latence, contrairement aux satellites géostationnaires. C’est l’affaire de « quelques dixièmes de seconde », précise le PDG d’Eutelsat.
Un « internet spatial » low cost émerge. D’après les estimations d’Euroconsult, 15 milliards de dollars suffiraient à déployer les constellations OneWeb et Space X, pour 5 000 petits satellites (seuls 2 milliards ont été investis depuis un an), contre 66 milliards de dollars pour les 550 satellites géostationnaires commerciaux lancés entre 2015 et 2024 (+ 30 % par rapport à la période 2005-2014). Néanmoins, en 2015, le carnet de commandes de satellites géostationnaires affiche une dizaine de lancements au lieu d’une vingtaine annuelle ces dernières années. Si le marché de l’espace dépend toujours en grande partie des commandes publiques, l’activité des opérateurs commerciaux historiques qui est celle de la télévision payante par satellite subit, quant à elle, la concurrence des nouveaux modes de consommation délinéarisés par le développement de l’usage des ordinateurs, des tablettes et des smartphones pour regarder des programmes audiovisuels.
Sources :
- « Facebook se convertit aux satellites », Romain Gueugneau, Les Echos, 6 octobre 2015.
- « Eutelsat s’allie à Facebook pour offrir de l’Internet haut débit en Afrique dès 2016 », La Correspondance de la Presse, 6 octobre 2015.
- « Internet à la conquête du ciel », Dominique Gallois, Le Monde, 6 octobre 2015.
- « Le bel avenir du marché des satellites », D.G., Le Monde, 6 octobre 2015.