Galileo, le « GPS européen », est partiellement opérationnel

Au terme d’une gestation qui aura débuté en 1999, et après de nombreux déboires (voir La rem n°32, p.25), Galileo, le système européen de positionnement par satellites, est partiellement entré en service le 15 décembre 2016. L’Agence spatiale européenne déplore une panne d’horloges atomiques.

Le 17 novembre 2016, le lanceur Ariane 5 a mis en orbite Antonianna, Lisa, Kimberley et Tijmen, 15e, 16e, 17e, 18e satellites venus rejoindre les onze autres déjà opérationnels du système Galileo. Sur dix-huit satellites lancés au total, un seul est définitivement hors service. Quant aux 4e et 5e dont le lancement a été manqué en août 2014 (voir La rem n°32, p.25), l’ESA a annoncé en mars 2015 qu’ils sont « réassignés à une orbite de travail et qu’ils pourront être utilisés pour des missions de sauvetage ».

Le récent lancement fut opéré depuis le centre spatial guyanais à Kourou, où Ariane 5 a mis en orbite quatre satellites d’un coup. Jusqu’à présent, les satellites avaient été mis en orbite deux par deux par le lanceur russe Soyouz depuis la Guyane. Deux autres lancements sont normalement prévus au second semestre 2017 et début 2018, afin de mettre en orbite huit nouveaux satellites. Les lancements se poursuivront ensuite pour que Galileo devienne entièrement opérationnel en 2020, s’appuyant ainsi sur une flotte de trente satellites en orbite et vingt stations terrestres réparties autour du globe.

Depuis le 15 décembre 2016, Galileo est capable de fournir ses premiers « services initiaux, avec un engagement de la Commission européenne sur la fiabilité, la disponibilité du signal et l’assurance que les satellites ainsi que l’infrastructure au sol de Galileo sont opérationnels », annonçait le Centre national d’études spatiales (CNES).

Grâce à l’accord d’interopérabilité technique signé avec les États-Unis le 26 juin 2004, le service Galileo, fort d’un positionnement au mètre près, est actuellement attaché au GPS américain. Pour l’instant, seuls quelques équipements grand public sont compatibles. Selon la Commissaire européenne à l’industrie, Elzbieta Bienkowska, les nouveaux véhicules vendus en Europe devraient être équipés de capteurs Galileo dès 2018. Au-delà des services grand public, ouverts et gratuits, Galileo proposera des services de localisation payants et plus précis, des services réservés à la recherche et aux secours, ainsi que des services cryptés utilisés pour la sécurité et la défense (voir La rem n°32, p.25). Selon le CNES, « quelque 10 % du PIB européen dépend aujourd’hui des systèmes de positionnement par satellites,et d’ici à 2030 ce pourcentage pourrait grimper à environ 30 % ».

Cependant, la route est encore longue avant que le système ne soit entièrement opérationnel, d’autant que persistent des déboires techniques. Le 18 janvier 2017, l’Agence spatiale européenne (ESA) a annoncé que plusieurs horloges atomiques de certains satellites étaient en panne, même si, selon Jan Woerner, son directeur, « cela n’affecte pas pour le moment le système de navigation ». Les horloges atomiques sont au cœur du système, puisque ce sont elles qui assurent la très grande précision de positionnement et de datation, en quantifiant le temps parcouru par les ondes radio circulant entre les satellites et le sol : « Si vous n’aviez pas d’horloge précise et si vous ne teniez pas compte de la théorie de la relativité d’Einstein, l’erreur serait de plus de 500 mètres sur une heure », expliquait Jan Woerner lors d’une conférence de presse à Paris.

Par précaution, chaque satellite dispose de quatre horloges atomiques de deux types, des masers (Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation) à hydrogène passif et des horloges atomiques au rubidium. Pour qu’un satellite soit opérationnel, il faut qu’au moins l’une de ces quatre horloges atomiques fonctionne. Jan Woerner précise que « six masers à hydrogène passif et trois horloges atomiques au rubidium sont en panne », soit neuf horloges atomiques sur les 72 qui équipent les dix-huit satellites déjà lancés, tout en ajoutant que « sur chaque satellite, il y a au moins deux horloges qui marchent ». Les propos de Jean-Yves Le Gall, directeur du CNES se veulent également rassurants : « Les pannes sont intervenues progressivement depuis les premiers lancements en 2011. Il n’y a pas une épidémie soudaine. »

Ces horloges atomiques sont fabriquées en Suisse par la société Spectratime, filiale du groupe français Orolia, spécialisé dans la mesure du temps et les balises de détresse. Les causes de ces défaillances sont encore inconnues et pourraient venir des horloges ou de leur environnement sur le satellite : « Les défaillances des horloges au rubidium semblent avoir une signature consistante, liée à de probables courts-circuits ainsi qu’à, possiblement, une procédure de test effectuée au sol », a ainsi expliqué Paul Verhoef, directeur du programme Galileo au quotidien helvétique Le Temps. Selon La Tribune, des pannes d’horloges atomiques similaires affecteraient également le système de géolocalisation indien IRNSS, avec lequel l’ESA échange des informations. La décision de poursuivre le lancement des satellites Galileo dès l’automne prochain représente un choix cornélien pour ses responsables : « Nous pouvons attendre d’identifier la cause, mais cela peut signifier une réduction des capacités de Galileo au cas où d’autres horloges [déjà dans l’espace] tomberaient en panne. Ou l’on peut poursuivre les lancements et assurer, voire augmenter, les possibilités du système, mais ceci en prenant le risque de ne pas considérer un problème systématique ». L’enquête est en cours.

Sources :

  • « Galileo, le GPS européen, pourrait être opérationnel d’ici la fin de l’année », Dominique Gallois, Le Monde, 15 novembre 2016.
  • « Lancement de Galileo, le « GPS européen » », Ekaterina Dvinina, Le Monde, 15 décembre 2016.
  • « Horloge atomique : ça cloche aussi pour le système de navigation satellitaire indien », Michel Cabirol, LaTribune.fr, 21 novembre 2016.
  • « Galileo : plusieurs horloges atomiques sont tombées en panne », LeMonde.fr avec AFP, 18 janvier 2017.
  • « Dans l’espace, le temps atomique suisse s’est arrêté », Olivier Dessibourg, LeTemps.ch, 18 janvier 2017.
  • « Le « GPS européen » Galileo en butte à des pannes en série », Derek Perrotte, Bureau de Bruxelles, Les Echos, 24 janvier 2017.
Docteur en sciences de l’information et de la communication, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, responsable des opérations chez Blockchain for Good

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