Renforcement des moyens de lutte contre les messages discriminatoires

Modifications de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Afin de renforcer les moyens de lutte contre les messages discriminatoires de toute nature, la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté apporte quelques légères modifications à la loi du 30 septembre 1986 portant statut de la communication audiovisuelle (concernant des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel à cet égard) et amende surtout le texte de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et de l’ensemble des moyens d’expression publique dont elle détermine une part du régime de responsabilité.

Tant l’emploi du terme de « race » apparaît contestable, on appréciera qu’il soit, dans certaines dispositions du code pénal, remplacé par l’expression de « prétendue race », mais on regrettera évidemment qu’il ne soit pas fait de même dans la loi de 1881.

Aux modifications relatives à quelques dispositions de fond, définissant diverses infractions, s’ajoutent celles qui concernent certaines règles de procédure très particulières de ladite loi qui, en pratique, font souvent obstacle à la juste sanction des abus qu’elle prétend dénoncer. À l’exception de celles qui, votées par le Parlement, ont été déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 26 janvier 2017, les dispositions de fond introduites dans la loi de 1881 déterminent des infractions nouvelles de discrimination et modifient certaines des peines qui leur sont applicables.

Dans les articles de la loi de 1881 réprimant les provocations à la discrimination et les diffamations et les injures de même nature, à la référence faite à la notion d’« orientation ou d’identité sexuelle » est substituée celle d’« orientation sexuelle ou d’identité de genre », termes que le Conseil constitutionnel a considérés comme « suffisamment clairs et précis ».

Pour en assurer la répression, sont introduites les infractions nouvelles d’apologie de l’esclavage et celles liées au fait de nier, minorer ou banaliser l’existence de crimes de génocide ou « d’un autre crime contre l’humanité » ainsi que d’un « crime de guerre ». S’agissant de ces infractions, sont diversifiés et adaptés les moyens de leur sanction par l’introduction de « la peine de stage de citoyenneté » et par l’aggravation des peines pour les faits d’injures discriminatoires désormais passibles des mêmes peines que les diffamations de ce type.

Pour en assurer la répression sont dans le même temps remises en cause à leur égard certaines des particularités de procédure de la loi de 1881. À l’encontre de certaines de ces infractions de caractère discriminatoire, est élargie la possibilité de l’action d’associations et, alors qu’il leur était précédemment nécessaire, en cas de mise en cause de « personnes considérées individuellement », d’« avoir reçu l’accord de ces personnes », pour quelques-unes d’entre elles au moins, il leur suffit désormais de justifier que « ces personnes ne s’opposent pas aux poursuites », sans qu’il soit précisé dans quelles conditions, celles-ci pourraient le faire.

À la possibilité, pour le juge des référés, d’ordonner l’arrêt d’un service de communication au public en ligne comportant des éléments de provocation à des crimes et délits de toute nature, ainsi qu’à l’égard des contestations des crimes contre l’humanité, sont ajoutées les diffamations et les injures de caractère discriminatoire.

Au pouvoir du juge d’instruction d’ordonner la saisie d’exemplaires d’un écrit, d’un journal ou d’un dessin, est ajoutée celle de tracts ou d’affiches. Ceux-ci ne prennent-ils pourtant pas nécessairement la forme d’un écrit ou d’un dessin, dans des conditions telles que cela pouvait probablement être préalablement envisagé ? Ne conviendrait-il pas, par ailleurs, d’inclure aussi les supports de paroles, sons et gestes ?

De manière très spécifique, la loi de 1881 posait jusqu’ici, pour principe, que le réquisitoire et la citation fixent définitivement la nature de l’infraction poursuivie, sans possibilité, pour la juridiction saisie, de sa requalification en cas d’erreur. Cela est désormais envisagé à l’égard des infractions de nature discriminatoire. La prescription, dont le délai raccourci constitue une autre des particularités de procédure de ladite loi, pourra également être interrompue en dépit d’une erreur de qualification initiale.

Pour renforcer « la lutte contre le racisme et les discriminations », la loi du 27 janvier 2017 modifie certaines dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et notamment quelques-unes de ses particularités de procédure qui font fréquemment obstacle à la sanction des abus de la liberté d’expression qu’elle identifie. Cela conduira-t-il, en l’occurrence, à une contestation prochaine plus générale des spécificités de cette loi ? Soumise à de nombreuses révisions partielles, elle mériterait au moins, pour plus de rigueur et de clarté, de faire l’objet d’une refonte générale, à défaut de son abrogation ou de son intégration dans un code des médias ou de la communication, regroupant l’ensemble des textes, aujourd’hui dispersés, applicables à ce secteur d’activité, qui resterait à élaborer.

Professeur à l’Université Paris 2

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