Ce programme européen d’observation et de surveillance de la Terre pour l’environnement et la sécurité scrute la surface terrestre en temps réel. Livrant au monde de grandes quantités de données sur l’état de la planète, il promeut la création de services spatiaux révolutionnaires.
«Nous sommes vraiment dans le monde du big data, puisque le programme Copernicus produit tous les six mois un pétaoctet de données, ce qui correspond à un « 1 » suivi de 15 zéros. C’est l’ordre de grandeur de toutes les données traitées par Google ou Amazon. Et toutes ces informations, qui sont accessibles librement et gratuitement, intéressent beaucoup de monde, puisque nous avons déjà 60 000 utilisateurs » : c’est ainsi que Philippe Brunet, directeur de la politique spatiale à la Commission européenne, décrit la réussite de l’ambitieux programme européen d’observation de la Terre conçu et mis en œuvre par Bruxelles, en partenariat avec l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). Lancée en 2001, afin de doter l’Europe d’une capacité autonome d’observation et de surveillance de la Terre, l’initiative baptisée « Global Monitoring for Environment and Security » (GMES) a pour ambition de promouvoir le développement de services d’accès aux informations environnementales.
En 2012, GMES devient le programme Copernicus, qui comporte notamment le développement d’une flotte de six familles de satellites baptisés Sentinels, et qui a été inauguré en avril 2014 avec la mise en orbite par le lanceur Soyouz du satellite Sentinel 1A, suivi de Sentinel 2A lancé par Vega en juin 2015, Sentinel 3A par Rockot en février 2016 et Sentinel 1B à nouveau par Soyouz en avril 2016. Les Sentinel 1 sont équipés de radars qui scannent la Terre jour et nuit, même par temps nuageux, tandis que Sentinel 3A assure l’observation des océans en moyenne résolution et avec un altimètre. Les données des différents types de satellites se complètent pour un résultat de très grande précision.
Le 6 mars 2017, depuis le pas de tir de Kourou, en Guyane, le lanceur européen Vega a placé en orbite, sans encombre, le cinquième satellite du programme Copernicus, Sentinel 2B, qui rejoint son homologue Sentinel 2A, embarquant tous deux des instruments optiques de haute résolution. Durant les trois mois suivant sa mise en orbite, de mi-mars à fin juin 2017, le satellite Sentinel 2B sera en phase de « recette en vol », période de tests et de réglage des instruments de prise de vue assurés par le CNES (Centre national d’études spatiales), avant d’être opérationnel et livré à l’European Space Research Institut, branche de l’ESA consacrée à l’observation de la Terre. Construits à l’identique par Airbus Defence and Space, les satellites d’imagerie Sentinel 2A et Sentinel 2B pourront alors balayer ensemble – placés à l’opposé l’un de l’autre à une altitude de 786 km – toute la surface de la planète à une fréquence record, avec une période dite de revisite de cinq jours, au lieu de dix auparavant.
Les deux satellites jumeaux fourniront en continu des photographies de la Terre d’une qualité inédite, reflet le plus fidèle possible des terres émergées, des eaux intérieures et des côtes, avec des images dans 13 couleurs jusqu’à l’infrarouge et une précision de 10 mètres. « L’instrument est notamment capable de distinguer plusieurs teintes de vert, ce qui donne des informations précieuses sur l’état de maturité de la végétation, ce qui est utile pour l’agriculture de précision, explique Vincent Chorvalli, responsable des instruments d’optique chez Airbus Defence & Space. En plus de ces bandes optiques, le satellite voit aussi dans le proche infrarouge, ce qui renseigne sur le taux de chlorophylle de la végétation, et permet notamment de distinguer un champ de maïs d’une forêt par exemple. »
En outre, chacun des satellites a une « fauchée » (surface couverte) de 300 km, contre 180 km pour le système pionnier, l’américain Landsat, qui n’utilise encore que neuf bandes spectrales. « Avec Copernicus, je peux affirmer sans fausse honte que l’Europe a remplacé les États-Unis pour prendre le leadership dans le domaine de l’observation de la planète », déclare Josef Aschbacher, directeur des programmes d’observation de la Terre à l’ESA. La NSA et l’USGS, service géographique et géologique fédéral américain, ont d’ailleurs négocié avec l’Europe un accès privilégié aux serveurs de données du programme Copernicus.
Copernicus devient donc le plus important programme spatial au monde consacré à l’observation de l’état environnemental de la planète ; ses fruits sont en accès libre pour les agences gouvernementales, les instituts de recherche et les industriels, étudiant des phénomènes aussi variés que l’urbanisation, la déforestation, l’occupation des sols, la pollution des eaux, la qualité de l’air, ainsi que le suivi des situations d’urgence ou du changement climatique. « À charge ensuite aux utilisateurs de ces données de développer les algorithmes permettant d’en exploiter au mieux les ressources », explique Josef Aschbacher.
C’est comme cela, qu’à l’initiative du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (organisation intergouvernementale soutenue par 18 États membres européens) Météo France et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) ont pu lancer le service Atmosphère, en novembre 2016. En partenariat avec les services météorologiques finlandais, norvégien, suédois, et avec l’Institut hollandais de gestion des risques environnementaux et le laboratoire de recherches environnementales de l’université de Cologne, cette plate-forme en accès libre et gratuit informe, avec une précision inédite, sur l’état de la pollution en Europe. Grâce au programme Copernicus, Atmosphère délivre, chaque matin, une prévision à trois jours des niveaux de concentration d’une dizaine de polluants sur l’Europe. Les grandes villes européennes peuvent désormais connaître à l’avance l’origine géographique et la nature de la pollution qu’elles doivent s’apprêter à subir. Outre les pouvoirs publics et les collectivités locales, Atmosphère est un outil sans précédent utilisé par de nombreuses entreprises de conseil, ainsi que par des start-up à l’origine de services d’information destinés au grand public.
Conformément au projet de l’Union européenne d’organiser un accès libre aux données fournies par les satellites Sentinel du programme Copernicus, le CNES a pris en charge le développement d’une plate-forme web baptisée PEPS (Plate-forme d’exploitation des produits Sentinel). Ouverte à tous, acteurs privés et publics ou particuliers, cette plate-forme en ligne distribue gratuitement les données fournies par les satellites Sentinel. Opérée par le CNES, PEPS offre, sans restriction, la possibilité de rechercher, sélectionner, visualiser et télécharger l’ensemble de ces informations publiées en moins de trois heures après leur recueil. Plus de 2 millions de produits (images variées d’une même zone et métadonnées associées) sont disponibles, l’équivalent de 7 péta-octets stockés et 4 téraoctets de données nouvelles par jour. PEPS compte aujourd’hui 1 400 utilisateurs et une centaine de nouveaux inscrits chaque mois.
À travers PEPS, le CNES envisage de stimuler l’innovation dans des domaines aussi variés que l’océanographie, la géologie, l’agriculture, l’archéologie. Il permet notamment aux utilisateurs de bénéficier d’outils de traitement et d’analyse disponibles en ligne, afin d’éviter les contraintes dues au stockage d’énormes quantités de données. À partir de la plate-forme PEPS, le groupe ACRI, par exemple, commercialise notamment un service de détection des constructions illégales sur le littoral italien. La société Exwexs, quant à elle, est spécialisée dans la détection et la prévision de zones soumises à des vents forts. L’ouverture des données va jusqu’au divertissement grand public, avec l’application du nom de SnapPlanet, créée par un membre de l’équipe du CNES, disponible sur l’Apple Store, qui permet à chacun de réaliser une sorte de selfie dans l’espace.
À l’horizon 2020, la plate-forme installée au sein du CNES à Toulouse devrait être structurée au niveau européen, en partenariat avec les industriels du big data et de l’informatique en nuage, afin de construire un vaste écosystème de l’information numérique géolocalisée, ouvert à tous les habitants de la planète.
Sources :
- PEPS, plateforme d’exploitation des produits Sentinel, rubrique Plus, CNES, peps.cnes.fr
- « Des prévisions sur la qualité de l’air en open data », Laetitia Van Eeckhout, Le Monde, 23 novembre 2016.
- « Retour sur les débuts d’une plateforme pleine de PEPS ! », entretien avec Vincent Garcia, responsable d’exploitation et Mireille Polin, chef de projet, rubrique Actus et agenda, CNES, cnes.fr, 9 février 2017.
- « Copernicus, fournisseur mondial de data en open source », Olivier Lascar, Sciencesetavenir.fr, 6 mars 2017.
- « Copernicus : l’Europe surveille la planète », Cyrille Vanlerberghe, Le Figaro, 8 mars 2017.
- « Sentinel-2B : une recette en vol pour refléter la réalité », rubrique Actus et agenda, CNES, cnes.fr, 3 avril 2017.
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