Alors qu’en France les concurrents d’Orange reprochent de plus en plus à l’opérateur historique de reconstituer son monopole dans la fibre, grâce à son contrôle de la boucle locale, l’Ofcom a opté au Royaume-Uni pour la séparation des activités de réseau et des activités commerciales de BT, sans pour autant exiger une scission de l’entreprise.
Les opérateurs historiques, qui ont été régulés à la libéralisation du marché des télécommunications en raison de leur monopole sur le réseau téléphonique en cuivre, sont de plus en plus pointés du doigt sur le marché du haut et du très haut débit, où ils bénéficieraient encore d’avantages leur permettant de reconstituer, d’une autre façon, leur ancien monopole. C’est notamment le cas en France où les concurrents d’Orange reprochent à ce dernier de menacer le développement de la fibre optique, parce que l’opérateur freinerait leur accès aux immeubles en ayant installé avant les autres un premier accès fibre. À vrai dire, l’opérateur s’est emparé de 75 % des parts de marché, mais son investissement – 3 milliards d’euros prévus entre 2015 et 2018 – est à la hauteur de la performance commerciale. Ainsi, sur les 2,2 millions d’abonnés français à la fibre optique en 2016, l’ARCEP indique que 1,5 million d’abonnés le sont chez Orange. Sur le marché des entreprises, la domination d’Orange, concurrencé principalement par le seul SFR, est encore plus marquée et les opérateurs alternatifs, qui ne possèdent pas de réseau, espèrent obtenir de l’ARCEP qu’elle impose à Orange de commercialiser des offres de gros.
Au Royaume-Uni, le même type de récriminations a été adressé à BT, l’ex-British Telecom, concernant cette fois l’accès à la boucle locale, donc la gestion du réseau historique en paire de cuivre qu’il contrôle. Au Royaume-Uni comme en France, une obligation de dégroupage s’impose. Pour la renforcer, une division de BT dédiée à la seule gestion du réseau historique a été créée en 2005. Cette division, baptisée Openreach, investit dans le réseau national britannique et se finance en facturant l’accès au réseau à tous les opérateurs, de Sky à Talk Talk pour le fixe, en passant par Vodafone pour le mobile. L’internet mobile dépend en effet de plus en plus du réseau fixe pour le transfert des données sur de longues distances. Or les opérateurs concurrents de BT, qui est présent dans le fixe et désormais le mobile depuis le rachat de EE en 2015 (voir La rem n°33, p.31), se plaignaient des faibles performances du réseau fixe du fait d’un sous-investissement de BT dans le déploiement de la fibre optique.
Ils avaient donc saisi l’Ofcom, l’autorité de régulation des télécommunications outre-Manche, qui s’est accordée avec BT en mars 2017 pour que cette dernière sépare Openreach de ses activités et la gère comme une entité indépendante, une exigence que l’Ofcom avait formulée depuis le 29 novembre 2016, mais sans parvenir à l’imposer à BT. Cette séparation n’est pas une véritable scission de BT en deux entreprises distinctes, mais elle impose à BT de gérer Openreach de manière indépendante, ce qui lui permettra de conserver ses bénéfices pour les réinvestir dans le réseau, au profit donc de tous les clients d’Openreach, à savoir BT, mais également ses concurrents. Autant dire que BT va perdre, en partie, ses marges de manœuvre financières : déjà en 2014, BT avait utilisé une partie des bénéfices générés par Openreach pour s’emparer d’EE. Depuis, les investissements conséquents dans les droits sportifs imposent à l’opérateur britannique de développer ses revenus (voirsupra). En conservant ses bénéfices, Openreach devrait priver BT de marges de manœuvre pour financer des investissements nouveaux, puisque les bénéfices ne peuvent désormais qu’être investis dans le réseau national britannique, critiqué pour la piètre performance de ses débits : en janvier 2016, 5,7 millions d’abonnés britanniques au haut débit avaient des connexions d’un débit inférieur au seuil minimal exigé par l’Ofcom, dont 3,2 millions d’abonnés dans les zones rurales.
Le 27 mars 2017, l’Ofcom a par ailleurs infligé à BT une amende de 49 millions d’euros. L’Ofcom reproche à BT d’avoir minoré les sommes qu’il doit reverser aux autres opérateurs clients d’Openreach quand il ne garantit pas les temps de connexion sur lesquels il s’est engagé. Le sous-investissement dans le réseau est donc ici pointé du doigt de manière indirecte, même si c’est le non-respect des contrats signés par BT qui est dénoncé.
Sources :
- « What is Openreach and why it is BeINg spun out from BT ? », Rhiannon Bury, Jon Yeomans, telegraph.co.uk, 10 mars 2017.
- « BT accepte de séparer son réseau », Vincent Collen, Fabienne Schmitt, Les Echos, 13 mars 2017.
- « La fibre optique au cœur du programme des opérateurs télécoms », Fabienne Schmitt, Romain Gueugneau, Les Echos, 21 mars 2017.
- « Paris, première ville 100 % fibre en France », Elsa Bembaron, Le Figaro, 21 mars 2017.
- « Télécoms : le britannique BT écope d’une amende record », Vincent Collen, Les Echos, 28 mars 2017.
- « Les opérateurs alternatifs attaquent le monopole d’Orange dans la fibre », Elsa Bembaron, Le Figaro, 7 avril 2017.