Livre : Editis mise sur l’impression à la commande

Par l’intermédiaire de sa filiale de distribution Interforum, le numéro 2 français de l’édition a investi dans un système industriel d’impression à l’unité qui fonctionne en un temps record.

En juin 2017, Interforum, filiale de diffusion (commercialisation) et de distribution du groupe Editis (La Découverte, Le Cherche midi, Robert Laffont, Bordas, Nathan, Retz…) a inauguré un nouveau mode de fabrication des livres, dans son imprimerie installée juste à côté de ses entrepôts situés à Malesherbes dans le Loiret. Ce nouveau système d’impression, baptisé Copernics, a été conçu par le groupe américain EPAC. Ses performances techniques font entrer l’impression à la demande dans une logique industrielle de compression des coûts ; dans l’édition en l’occurrence, il s’agit d’éviter le stockage à perte et le transport inutile. Lancé à partir d’un fichier PDF issu d’une bibliothèque numérique comptant 15 000 références à ce jour, ce procédé de fabrication robotisé permet de sortir un livre différent toutes les quatre secondes. « Pour la première fois au monde, un dispositif d’automatisation, de la production à la distribution, est appliqué à l’écosystème de l’édition », explique Eric Lévy, président d’Interforum, qui préfère parler d’une « impression à la commande » afin d’insister sur la flexibilité de la logistique mise en place, de la fabrication jusqu’à la livraison, pour répondre aux commandes de livres.

Grâce à des imprimantes à jet d’encre à grande vitesse, Copernics permet d’enchaîner l’impression de 10 000 livres uniques par jour, sur dix qualités différentes de papier et avec des couvertures en couleur semblables à s’y méprendre à celles imprimées sur des machines traditionnelles. Dans cette usine qui tourne 24 heures sur 24, avec l’aide d’une quinzaine de techniciens, la coordination des différentes étapes de production est assurée par Stanly, grand robot oblong qui se déplace à toute vitesse pour apporter les blocs de feuilles d’une machine à l’autre afin que soient effectués le pliage, le découpage et l’assemblage avec la couverture. Les dernières étapes du façonnage, le collage et le massicotage, sont réalisées de façon traditionnelle. Depuis septembre 2017, une nouvelle imprimante numérique, fonctionnant en couleur, permettra à l’avenir la production de livres scolaires et de livres pour enfants, et d’atteindre une capacité de 20 000 unités par jour. Enfin, gain de temps considérable au niveau de la logistique, les ouvrages achevés transitent par une longue passerelle qui relie directement l’outil de production au lieu mitoyen de stockage et d’expédition d’Interforum.

« Copernics va résoudre l’inefficience qui était jusqu’à maintenant dans l’ADN de l’édition : on produit soit trop, soit pas assez, et nous devons gérer à la fois des sur-stocks et des manquants », a déclaré Eric Lévy, PDG d’Interforum, lors du salon Livre Paris 2017. Réservé aux commandes des éditeurs pour des ouvrages dont le tirage est inférieur à 3 000 exemplaires, ce nouveau système d’impression servira également à assurer le réassortiment auprès des libraires. Lancer la réimpression à la commande contribue à pallier le problème chronique, et endémique, de la gestion des stocks – entre « tirer trop long » et être en rupture – qui grève la rentabilité des maisons d’édition et constitue un écueil quotidien pour les libraires. « Imprimer un livre à l’unité, même si cela reste plus cher que de le tirer à 1 000 exemplaires, sera plus rapide et plus économique que d’aller le chercher dans un site de stockage situé à 100 kilomètres », explique Nicolas Gonçalves, directeur de fabrication. L’impression à l’unité devrait représenter au maximum 15 à 20 % de la production, selon Interforum. Il reste que cette performance technique permettra aux libraires d’être livrés au plus tard sous 48 heures et de faire ainsi face à la concurrence du géant Amazon.

Pionnières en France, les éditions PUF ont investi dans un système d’impression à l’unité avec leur Espresso Book Machine (voir La rem n°34-35, p.14) mise à la disposition de leurs clients dans leur librairie parisienne depuis mars 2016. Elles ont réalisé à ce jour leur meilleure vente, par ce procédé, avec la réimpression du dernier ouvrage de Stefan Zweig, Montaigne, paru dans leur collection Quadrige, pour un tirage inférieur à 100 exemplaires. Mais avec Copernics, l’impression à la commande passe à la vitesse supérieure.

D’après une étude réalisée par l’institut GFK à l’occasion des Rencontres nationales de la librairie, en juin 2017, les livres vendus de 1 à 49 exemplaires et de 50 à 999 exemplaires représentent une part non négligeable du chiffre d’affaires de l’édition imprimée en 2016, respectivement 2,5 % et 21 %, comparés aux 43 % réalisés par les livres vendus de 1 000 à 9 999 exemplaires, 26 % de 10 000 à 99 999 et 7,5 % pour les best-sellers de plus de 100 000 exemplaires. Le nombre de titres vendus est en augmentation constante, passant de 486 000 en 2007 à 723 000 en 2016, avec une inflation de l’offre particulièrement forte, sur cette période, pour les livres vendus à moins de 50 exemplaires, + 79 %.

Sources :

  • « Interforum présente Copernics, son système d’impression à la demande », Hervé Hugueny, Livreshebdo.fr, 24 mars 2017.
  • « 2007-2016, dix ans en librairie », présentation de l’étude GFK réalisée pour Les Rencontres nationales de la librairie de La Rochelle, lesrencontresnationalesdelalibrairie.fr, 25 juin 2017.
  • « De Gutenberg à Copernics, l’impression des livres fait sa révolution », interview d’Eric Lévy, PDG d’Interforum par Elizabeth Sutton, IDBOOX, idbook.com, 19 septembre 2017.
  • « L’édition à la demande imprime sa marque », Nicole Vulser, Le Monde, 30 septembre 2017.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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