CBS et Viacom regroupés à nouveau

Après douze ans de séparation, CBS et Viacom fusionnent de nouveau. Mais le nouveau géant américain des médias est encore loin d’avoir la taille critique nécessaire pour faire face à Netflix, Amazon ou Disney.

Télévision gratuite et chaînes payantes du câble, production audiovisuelle et cinématographique : tous ces secteurs sont amenés à repenser leurs modèles d’affaires parce que Netflix a imposé avec succès la SVoD par abonnement. Après la fusion entre AT&T et Time Warner puis le rachat de la Fox par Disney (voir La rem n°45, p.43), c’est au tour de Viacom et de CBS de fusionner pour disposer d’une taille critique mieux adaptée à la nouvelle configuration du marché.

Annoncé le 13 août 2019, l’accord de fusion met fin à plusieurs années de tensions entre les deux sociétés qui partagent pourtant le même actionnaire, National Amusements, holding de la famille Redstone. Ainsi, en avril 2018, CBS avait proposé de racheter Viacom, une offre retirée dès septembre 2018 : les équipes de CBS craignaient une dilution dans Viacom alors que leur groupe était pourtant plus performant. C’est ce point que tranche l’acte de fusion, dans un jeu de balan­cier entre les deux groupes. La fusion réunit au sein d’un même groupe deux entreprises qui ont été réunies déjà à deux reprises. Créés en 1971, les deux groupes sont issus d’une scission imposée par les autorités de la concurrence, une première séparation qui durera jusqu’en 1999, date à laquelle Viacom pourra racheter CBS. À l’époque, les activités de Viacom dans les chaînes câblées (MTV, Nickelodeon, Comedy) sont très rentables alors que les activités de télévision en clair du Networks CBS, engagé également dans la musique (Columbia Records) et l’affichage (CBS Outdoor) sont plus malmenées. En 2006, les deux groupes se séparent de nouveau, afin que les performances de Viacom ne soient pas entravées par les déboires de CBS.

Depuis, les équilibres se sont inversés. CBS s’est débarrassé de ses activités d’affichage en 2013 et de radio en 2017 pour se concentrer sur ses activités de network (le réseau CBS, un des diffuseurs américains de sport en clair) et ses chaînes payantes haut de gamme, avec notam­ment le développement d’une production interne de séries de qualité (Showtime). Le groupe s’est par ailleurs positionné sur le marché de la SVoD avec CBS All Access et un service de SVoD siglé Showtime qui fédèrent ensemble 8 millions d’abonnés. En 2018, CBS a ainsi réalisé 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour une valorisation boursière de 18 milliards de dollars.

Pour Viacom, les performances sont plus décevantes parce que le groupe est victime du cord cutting alors qu’il avait bâti son succès sur les chaînes jeunesse (Nickelodeon), sur la musique (MTV) et l’humour (Comedy). Le groupe contrôle également les studios Paramount, ses activités de production étant désormais plus porteuses que ses activités de télévision payante parce que les services de SVoD ont fait s’envoler le coût des droits. Il reste que Viacom paie cher la dégradation de l’environnement économique des chaînes du câble : le groupe a réalisé en 2018 un chiffre d’affaires de 13 milliards de dollars pour une valorisation boursière de 12,6 milliards de dollars. En 2006, quand Viacom s’était séparé de CBS, il valait plus du double, à 26 milliards de dollars, sa valorisation boursière ayant même grimpé jusqu’à 38 milliards de dollars au début des années 2010 avant que le succès de Netflix n’inverse la tendance.

Avec la fusion, les deux entités représentent ensemble une valorisation boursière de 30 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires légèrement inférieur. Le rapprochement devrait améliorer leurs perspec­tives financières puisqu’il doit produire 500 millions d’économies. Rebaptisé ViacomCBS, le nouveau géant américain des médias devrait aussi mieux peser dans les négociations avec les annonceurs ou avec les opérateurs du câble quand il s’agira de commercia­liser ses espaces publicitaires comme ses chaînes.

ViacomCBS est cependant très loin de la taille critique qui lui permettrait de contrer Netflix ou de répondre aux initiatives d’Apple, d’Amazon ou de Disney dans la SVoD. Le nouvel ensemble s’est donc présenté comme fournisseur de programmes pour les plateformes plus que comme un acteur totalement intégré ayant vocation à conserver ses productions en exclusivité, sauf s’il grossit encore pour s’imposer face aux géants américains. Quelques actifs stratégiques sont d’ailleurs sur le marché. Le studio Lionsgate cherche à se débarrasser de la chaîne payante Starz et de ses activités de production, dont le profil est proche de Showtime. Des discussions avec CBS avaient d’ailleurs été engagées en ce sens. Enfin, Discovery fait partie des cibles, le groupe contrôlé par John Malone proposant aux États-Unis de nombreuses chaînes payantes de télévision.

Sources :

  • « Lions Gate is still interested in selling Starz to CBS — then might have to merge with MGM to stay relevant », Alex Sherman, cnbc.com, 21 mai 2019.
  • La mégafusion entre CBS et Viacom de nouveau sur la table », Nicolas Richaud, Les Echos, 21 mai 2019.
  • « MTV, Paramount et CBS à nouveau réunis dans le même empire », Nicolas Madelaine, Les Echos, 16 août 2019. 
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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