Le rapprochement d’O2 et de Virgin Media fait émerger un nouvel acteur convergent au Royaume-Uni et isole Vodafone, seul grand acteur à proposer une offre exclusivement mobile.
Le marché britannique des télécommunications est atypique en Europe. Alors que partout ailleurs la convergence fixe-mobile domine, les consommateurs continuent outre-Manche à payer pour deux forfaits, un fixe et un mobile. Pourtant, le rapprochement des opérateurs fixe et mobile avait été initié : en 2015, BT a racheté EE à Deutsche Telekom et Orange (voir La rem n°33, p.31). Mais BT n’a jamais eu intérêt à développer les offres convergentes de type quadruple play. Ces dernières, plus avantageuses pour le consommateur, auraient immanquablement nui à sa compétitivité, laquelle était déjà mise à mal par les lourdes dépenses engagées dans l’achat de compétitions sportives (voir La rem n°29, p.38). L’ex-opérateur historique devra toutefois s’y résoudre si la consolidation annoncée du marché britannique des télécoms aboutit.
En effet, le 7 mai 2020, O2 et Virgin Media, filiale de Liberty Global, ont confirmé leur rapprochement, ce qui fait émerger un nouvel opérateur convergent au Royaume-Uni. O2 est le deuxième opérateur mobile britannique, avec un peu plus du quart du marché. Son propriétaire, le groupe espagnol Telefónica, cherchait depuis longtemps à le céder. Il avait échoué une première fois en 2016 quand son rachat par un autre opérateur mobile, Three, avait été interdit par les autorités de la concurrence qui défendent le principe de quatre opérateurs mobiles par marché national (voir La rem n°38-39, p.42). Telefónica avait ensuite renoncé à introduire O2 en Bourse : avec les coûts de la 4G et les investissements à consentir dans la construction d’un réseau 5G, les perspectives pour les investisseurs étaient trop incertaines. Restait donc la possibilité d’une alliance. C’est cette option qu’a choisie Telefónica après avoir risqué très gros. En effet, en s’entendant sur plusieurs marchés européens pour fusionner leurs activités de téléphonie mobile et de câble, Vodafone et Liberty Global ont accéléré la convergence des offres en Europe (voir La rem n°46-47, p.48). Si le marché britannique avait fait partie de l’accord, O2 se serait retrouvé isolé, mais Liberty n’est pas parvenu à s’entendre avec Vodafone pour qu’il lui rachète ses activités britanniques. Telefónica s’est donc imposée comme alternative, Liberty cherchant à se séparer de ses activités dans le câble en Europe. Avec deux sociétés vendeuses, l’opération imaginée n’a pas été celle d’un rachat mais la création d’une société tierce qui fusionnera les actifs d’O2 et de Liberty au Royaume-Uni. Le nouvel ensemble, détenu à parité, est valorisé 31,4 milliards de livres, soit 36 milliards d’euros, et s’impose comme le premier opérateur britannique avec une part de marché globale de 34 % contre 32 % pour BT, selon Bankinter.
Dans la fusion, les deux entités sont gagnantes. Outre les synergies habituelles liées à l’effet de taille et la possibilité de proposer des offres quadruple play, qui fidélisent mieux les abonnés, O2 accède au réseau fixe de Virgin Media. Ce dernier, issu des activités de télévision par câble du groupe, lui a permis de développer l’une des premières offres très haut débit fixe au Royaume-Uni en s’appuyant sur sa boucle locale en câble et en développant la fibre sur le reste de son réseau. Or la 4G est fortement consommatrice de données et a besoin d’un réseau fixe robuste pour relier entre elles les stations de base mobiles : c’est ce que Virgin apporte à O2. De son côté, Virgin, qui dispose de seulement 3,2 millions de clients au câble (3e acteur du fixe au Royaume-Uni, 18 % de parts de marché), pourra bénéficier d’un accès privilégié aux 32 millions d’abonnés mobiles d’O2. Une fois convertis au quadruple play, ces abonnés peuvent permettre de bien mieux optimiser le coût du réseau fixe de Virgin qui fait par ailleurs face aux nombreux investissements exigés par la bascule en fibre optique de bout en bout. Virgin, qui proposait une offre mobile grâce à un partenariat avec Vodafone, va également pouvoir basculer ses 3 millions d’abonnés Virgin Mobile sur le réseau d’O2, ce qui va encore permettre de générer des économies. À cet égard, la taille d’O2 par rapport à Virgin est compensée dans l’opération, Liberty Global reversant 2,5 milliards de livres à Telefónica pour que la coentreprise soit détenue à parité entre les deux groupes.
Parce qu’elle ne fait disparaître aucun opérateur fixe ou mobile, l’opération a de bonnes chances d’être approuvée par les autorités de la concurrence. Elle aura deux effets immédiats. Pour BT, elle obligera l’ex-opérateur historique à investir dans son réseau fixe afin de mieux résister à la concurrence du nouvel ensemble, Virgin Media étant en avance dans le très haut débit. Pour Vodafone, les perspectives britanniques vont se compliquer très fortement car le groupe restera le dernier grand acteur à ne pas proposer d’offre convergente.
Sources :
- « O2 et Virgin veulent créer un poids lourd britannique des télécoms », Sébastien Dumoulin, Les Echos, 5 mai 2020.
- « Mariage à 32 milliards dans les télécoms britanniques », Elsa Bembaron, Le Figaro, 5 mai 2020.
- « Telefónica et Liberty Global fusionnent », Elsa Bembaron, Le Figaro, 8 mai 2020.
- « Royaume-Uni : mariage géant entre O2 et Virgin », Sébastien Dumoulin, Les Echos, 11 mai 2020.