Prévue en avril 2020 et reportée en septembre 2020 pour cause de crise sanitaire, l’attribution des fréquences 5G en France arrive après les autres grands pays européens. L’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne comme d’ailleurs les pays scandinaves avaient tous lancé la 5G au moment de l’organisation des enchères en France. L’opération aurait même pu être retardée puisque les militants anti-5G, qui suspectent des risques pour la santé, ont tenté de bloquer le processus en demandant des preuves scientifiques de l’innocuité des fréquences, comme ils l’avaient fait pour la 2G, pour la 3G et pour la 4G. Les deux opérateurs, Bouygues et SFR, plaidaient également pour un report des enchères en arguant des dépenses qu’ils doivent déjà effectuer pour déployer la 4G en France dans le cadre du New Deal mobile signé en 2018. Les enchères ont cependant bien eu lieu.
Arrivant après les autres, les enchères françaises ont été organisées de sorte que soient évités les excès constatés dans certains pays. Ainsi, en Italie, l’attribution de super-lots de fréquences a conduit à des folles enchères qui ont rapporté quelque 6,5 milliards d’euros à l’État mais qui vont grever les capacités d’investissement des opérateurs dans la Péninsule. Iliad va ainsi devoir débourser 1,2 milliard d’euros pour son réseau 5G en Italie, alors que le groupe est encore un outsider qui vise 10 % de parts de marché. Tim et Vodafone vont payer le double pour leurs fréquences 5G. Le dispositif français visait à éviter ces excès tout en garantissant un minimum de 2,17 milliards d’euros à l’État. Sur les 310 mégahertz (Mhz) de spectre cédés pour quinze ans, 200 Mhz ont été vendus aux quatre opérateurs, par bloc de 50 Mhz, au prix forfaitaire de 350 millions d’euros. Les enchères ont donc porté sur les 110 Mhz restants avec un prix de départ de 70 millions d’euros par bloc de 10 Mhz, sans possibilité d’aller au-delà de 100 Mhz de spectre en tout. Chaque opérateur pouvait donc au mieux acheter encore 50 Mhz de fréquences. Finalement, un équilibre a émergé à l’issue des enchères le 1er octobre 2020 : Orange repart avec 90 Mhz moyennant 854 millions d’euros, SFR avec 80 Mhz pour 728 millions d’euros, Free et Bouygues Telecom avec 70 Mhz avec 602 millions d’euros chacun. L’État percevra donc 2,8 milliards d’euros, preuve de la modération qui a caractérisé les enchères en contrepartie de quoi les opérateurs ont des obligations renforcées de déploiement de la 5G. Pour Bouygues et SFR, le déploiement de la 5G entraînera également des coûts spécifiques liés à la désinstallation progressive de leurs antennes Huawei puisque la France a finalement autorisé le matériel Huawei dans la 5G, en dehors des centres-villes et seulement pour trois ou huit ans.
Souhaitant profiter de l’arrivée d’une nouvelle technologie mobile pour augmenter le prix des forfaits, les premiers opérateurs à lancer la 5G en France l’ont facturée plus cher, en général de 5 euros : SFR a lancé une première offre à Nice le 19 novembre 2020, suivi par Bouygues le 1er décembre et Orange le 3 décembre. Mais Free a réfréné leurs ardeurs tarifaires comme il l’avait fait pour la 4G en 2013 : le 15 décembre 2020, l’opérateur lançait ses forfaits 5G au prix de la 4G et annonçait une couverture record du territoire français. Certes, la 5G de Free ne sera pas la 5G superpuissante de la seule bande des 3,5-3,8 gigahertz mise aux enchères, au moins dans un premier temps, parce qu’elle utilise en grande partie la bande des 700 Mhz dédiée à la 4G. Mais, pour l’instant, les applications n’existent pas qui vont faire de la 5G un « must have » pour les abonnés, ce qui évite une insatisfaction générale quant aux performances du réseau de Free. Il reste que la construction du réseau 5G et les lourds investissements qui vont avec sont inéluctables. En effet, de nouveaux services pour les particuliers mais surtout pour les entreprises vont conduire à mobiliser plus amplement la bande de fréquence mise aux enchères.