Télévisions locales : après l’échec de Vià, la presse à l’affût

La crise sanitaire a fait une victime : la télévision locale et les chaînes du réseau Vià. À Paris, Perpignan, Montpellier et Toulouse, la presse prend le relais, interdisant à Altice de faire émerger un réseau national de télévisions locales.

En lançant BFM Paris en 2016 (voir La rem n°40, p.45), Altice dessinait un avenir économique nouveau pour les chaînes locales de télévision longtemps dépendantes des soutiens des collectivités locales. Avec l’autorisation progressive de la publicité locale à la télévision (voir La rem n°54bis-55, p.35), permise grâce à la distribution des programmes via les box des fournisseurs d’accès à internet, l’intérêt pour la publicité locale doit en effet se renforcer progres­sivement pour les annonceurs de télévision. Mais, pour attirer des annonceurs nationaux vers la publicité locale, un maillage du territoire est nécessaire même si la détention de chaînes locales est limitée à 12 millions d’habitants : depuis, Altice a ainsi racheté TLM à Lyon en octobre 2018, puis a investi dans Grand Lille TV en 2019 et, en février 2021, dans Azur TV, une chaîne qui émet de Menton à Marseille et qui était contrôlée depuis 2019 par l’industriel franco-libanais Iskandar Safar.

En mars 2021, Altice a lancé deux autres télévisions locales dans le quart sud-est du pays : BFM DICI Hautes-Alpes et BFM DICI Alpes du Sud. Le groupe a déjà imposé sa marque dans le nord de la France, Grand Lille TV étant devenue BFM Grand Lille le 3 février 2020, une offre complétée par BFM Littoral pour la Côte d’Opale et la Flandre maritime. Il développe également sur ces marchés une offre de publicité à destination des annon­ceurs locaux, majoritaires dans les recettes de ces chaînes locales, et fait la preuve qu’il est possible d’accroître le nombre d’annonceurs à la télévision en proposant des formats nouveaux de communication.

Le même constat a conduit Christophe Musset, fondateur du groupe Médias du Sud, et Bruno Ledoux, ancien actionnaire majoritaire de Libération et ancien associé de Patrick Drahi, à lancer le réseau de chaînes locales Vià sur le modèle des Indés Radios en juillet 2018. À l’exception des cinq chaînes du groupe Médias du Sud (Perpignan, Toulouse, Montpellier, Nîmes, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane), Vià ne contrôle pas directement les autres chaînes mais propose une structure de tête afin de mutualiser certains contenus et surtout d’offrir une régie unique aux annonceurs. Avec plus d’une vingtaine de chaînes locales fédérées, dont ViàGrandParis, le réseau n’est pas parvenu à trouver son équilibre économique, la chute des recettes publicitaires en 2020 liée à la crise sanitaire ayant fragilisé encore davantage les chaînes partenaires qui s’étaient regroupées pour trouver ensemble les voies de la rentabilité. Cette dernière devait passer par un accord avec Altice, avec qui Vià était entré en négociations en 2019 afin de créer une structure commune et de faire émerger un réseau unique en France.

Les déboires de Vià en 2020 auront toutefois convaincu Altice de renoncer à ce projet en décembre 2020, préci­pitant ainsi la chute du réseau. Fin novembre 2020, la chaîne ViàGrandParis avait déjà été placée en redressement judiciaire. En février 2021, ViàGroupe déposait à son tour le bilan. Paradoxalement, les difficultés de Vià permettent à la presse de redevenir un acteur central du développement de la télévision locale alors que les groupes de presse avaient préféré quelques années plus tôt céder leurs chaînes à Altice. Ainsi, ViàGrandParis a été rachetée par Secom et le Groupe Figaro en mars 2021. Certes, Secom est un acteur de la télévision locale puisqu’il est présent au capital de BFM Grand Lille et de BFM Littoral qu’il contrôlait avant d’en céder en partie le capital à Altice. Secom possède en outre des chaînes thématiques, dont Museum TV, sur laquelle va s’appuyer ViàGrandParis pour se relancer comme chaîne « régionale orientée sur la culture et l’art en Île-de-France ». Mais c’est Le Figaro, fort de ses studios parisiens de production depuis qu’il s’est lancé dans la vidéo en ligne, qui va donner les moyens de la développer. Quant à ViàOccitanie, ex-Médias du Sud, trois de ses chaînes, celles de Perpignan, Toulouse et Montpellier ont été reprises par le groupe La Dépêche du Midi en avril 2021 devant le tribunal de commerce de Nîmes. Là encore, le dévelop­pement des activités vidéo au sein des titres de presse justifie le retour de la presse quotidienne régionale dans la télévision locale. Altice était aussi sur les rangs. Le sort de la télé­vision de Nîmes reste en suspens, comme celles des chaînes des outremers.

Sources :

  • « Le réseau de chaînes de télévision locales Vià en difficulté », Marina Alcaraz, Les Echos, 15 décembre 2020.
  • « Altice (BFM TV) va acheter la chaîne de télévision Azur TV, basée à Nice », capital.fr, 4 février 2021.
  • « ViàGrandParis rachetée par Secom et le groupe Figaro », Marina Alcaraz, Les Echos, 22 mars 2021.
  • « La Dépêche du Midi reprend trois télévisions locales de ViàOccitanie », Laurent Marcaillou, Les Echos, 19 avril 2021. 
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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