Premier État au monde à anticiper les conséquences du recours aux neurotechnologies, le Chili entend prémunir sa population contre de potentielles dérives.
Si les implants dans le cerveau humain sont envisagés avec espoir comme moyen de guérir un jour la surdité et la cécité, de lutter contre la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer, ils font également l’objet de toutes les rêveries, dystopiques ou pas, issues d’expériences sur les animaux destinées à inventer des interfaces homme-machine. Imaginant un « homme connecté » qui interagira avec des machines par télépathie, l’inventeur américain Elon Musk investit avec sa société Neuralink dans la recherche sur les interfaces cerveau-machine. De son côté, Facebook développerait une interface cerveau-ordinateur permettant de se passer de clavier pour commander un ordinateur.
Implanter des images dans un cerveau qu’en réalité celui-ci n’a jamais vues est une expérience menée avec succès sur des souris, les rongeurs intégrant parfaitement ces informations dans leur comportement. Demain, les neurotechnologies parviendraient à « lire » et à « écrire » dans le cerveau humain, afin de modifier des données mentales ou d’en introduire de nouvelles.
Ainsi, au Chili, à la suite du Sénat qui s’était déjà prononcé sur ce sujet à l’unanimité, la Chambre des députés a voté une loi sur les droits du cerveau, ou « neurodroits », le 29 septembre 2021 – dispositions qui devraient être intégrées à la nouvelle Constitution chilienne prévue pour 2022. Cette loi établit que, dans le respect de « l’intégrité physique et psychique » d’une personne, « aucune autorité ou individu » ne pourra, à partir des technologies sur le cerveau humain, « augmenter, diminuer ou perturber cette intégrité individuelle sans le consentement approprié ». Quatre domaines fondamentaux sont légalement définis : la sauvegarde des données de l’esprit humain ou « neurodonnées », l’établissement des limites de la neurotechnologie de la lecture et surtout de l’écriture dans le cerveau, la détermination d’une distribution équitable de l’accès à ces technologies et la fixation des limites des « neuroalgorithmes ».
Pour le sénateur Guido Girardi, coauteur du texte de loi, c’est « le début d’une évaluation au niveau mondial de la façon dont les technologies doivent être utilisées pour le bien de l’Humanité ». En attendant qu’un jour peut-être les « neurodroits » soient inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Si l’on en croit Rafael Yuste, chercheur à l’université Columbia de New York et expert en neurotechnologies, il serait envisageable, dans une dizaine d’années, d’augmenter les capacités cognitives du cerveau humain avec des idées et des connaissances produites par des algorithmes.
Sources :
- « Neurodroits : le Chili veut protéger le cerveau de ses citoyens contre les technologies », Le HuffPost avec AFP, www.huffingtonpost.fr, 29 avril 2021.
- « Chili : vote d’une loi protégeant les « neurodroits » ou droits du cerveau », AFP, tv5monde.org, 30 septembre 2021.