L’illectronisme est aussi une barrière à l’emploi

Ils ont entre 15 et 29 ans, ils possèdent un smartphone, ils passent du temps sur les réseaux sociaux, mais ils ne savent pas utiliser un logiciel de bureautique. Ainsi, selon les secteurs d’activité, un nombre important d’offres d’emploi leur échappent.

Parmi les 13 millions de Français qui ne maîtrisent pas bien ou pas du tout les outils numériques, on ne compte pas que des retraités. Certains jeunes âgés de 15 à 29 ans sont eux aussi mal à l’aise devant un ordinateur pour effectuer des formalités de la vie quotidienne auprès des services publics en ligne, comme la Caisse d’allocations familiales (CAF), l’administration fiscale (impots.gouv.fr) ou encore Pôle emploi.

Ils appartiennent à la génération des digital natives et leur tranche d’âge est celle qui est la mieux équipée en smartphone : 94 % selon l’Insee. Pourtant, 29 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans se déclarent « pas compétents du tout » ou « pas très compétents » pour accéder à l’admi­nistration en ligne et 18 % expriment également leur désarroi concernant la pratique des logiciels de bureautique, selon le baro­mètre du numérique 2020 de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse). Comme Yoan, 19 ans, cité par Le Monde, qui est à la recherche d’un emploi : « Je suis le roi sur TikTok et Instagram, mais Word, c’est du chinois. » S’ils sont à peine 2,5 % à considérer n’être « pas très compétents » ou « pas compétents du tout » pour utiliser un smartphone, en revanche, 7,5 % des 15-29 ans s’estiment ainsi s’agissant du maniement d’un ordinateur et 8 % d’une tablette. Rien d’intuitif dans le numérique pour ces jeunes qui n’ont pas acquis, en famille ou à l’école, le minimum de savoir informatique nécessaire dans la vie personnelle et professionnelle – envoyer un mail, taper un CV, scanner une pièce d’identité – afin d’être autonome, notamment dans leur recherche d’emploi.

Directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), Dominique Pasquier explique que, « au sein des classes populaires, la démocratisation d’internet est passée par le smartphone et les écrans tactiles, mais pas par le clavier d’ordinateur ni par l’usage du mail ». Une analyse que complète le témoignage d’Antoine Guimbaud, responsable Emmaüs Connect de la Seine-Saint-Denis : « Il faut comprendre que la génération « digital native » n’existe pas. Tous les jeunes ont des besoins numériques différents, qu’ils soient collégiens, demandeurs d’emploi ou demandeurs d’asile. L’un des problèmes, c’est que l’apprentissage de compétences numériques professionnelles telles que les tableurs ou les traitements de texte est souvent une difficulté. »

Selon les données de la Commission européenne, les pays européens qui comptent le plus faible pourcentage de jeunes concernés par l’illectronisme, à l’instar de la Croatie et de l’Islande, sont ceux qui ont choisi de moderniser leur système éducatif en y intégrant les ressources et les pratiques numériques.

Sources :

  • « Illectronisme : les laissés-pour-compte du tout-numérique », Marie Charrel et Zeliha Chaffin, lemonde.fr, 7 septembre 2021.
  • « Les jeunes Français, victimes insoupçonnées de la précarité numérique », Arthur Bamas, Louis Pasquier-Avis et Théo Uhart, lemonde.fr, 28 janvier 2022.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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