Réseaux sociaux et informations : « une bombe à retardement civique »

Il y a urgence à immuniser les jeunes contre la mésinformation.

Mésinformation et fréquence d’utilisation des réseaux sociaux : une nouvelle étude de la Fondation Jean-Jaurès et de la Fondation Reboot confirme le lien de cause à effet. « Peu importe l’âge, le niveau d’éducation, l’affiliation politique, plus on consulte les réseaux sociaux, plus le jugement est altéré, constate Helen Lee Bouygues, créatrice de la Fondation Reboot. Il est urgent d’armer nos jeunes face à cette bombe à retardement civique. »

La science apporte-t-elle plus de bien ou plus de mal aux hommes ? En 2022, 17 % des jeunes Français âgés de 18 à 24 ans déclarent « plus de mal que de bien » ; ils étaient seulement 6 % en 1972 (Sofres). Ils ne sont plus aujourd’hui que 33 % à avoir le sentiment que la science apporte « plus de bien que de mal », un sentiment qui emportait la majorité (55 %) il y a cinquante ans. Tandis que la part de ceux qui ont l’impression que la science apporte « à peu près autant de bien que de mal » est relativement stable sur cinq décennies, passant de 38 % en 1972 à 41 % en 2022.

Parmi les Français âgés de 11 à 24 ans, un sur trois (33 %) déclare « avoir confiance » dans la fiabilité des informations sur les questions d’actualité et de société diffusées sur les réseaux sociaux en 2022, contre 21 % qui n’ont « pas du tout confiance » et 46 % qui n’ont « pas vraiment confiance ». Le taux de confiance atteint 45 % chez les jeunes qui utilisent les réseaux sociaux plusieurs fois par jour. Pour 41 % des TikTokeurs, le grand nombre d’abonnés d’un créateur de contenus ou influenceur constitue un gage de fiabilité.

La logique des algorithmes, bien identifiée, qui consiste à polariser l’attention des utilisateurs des réseaux sociaux sur ce qu’ils souhaitent lire, voir ou entendre, sans jamais faire diversion, renforce immanqua­blement leur crédulité, un risque majeur que les auteurs de l’étude désignent comme le « biais de confirmation des croyances ».

« De nombreux pans d’internet deviennent des décharges toxiques où se déversent la haine et les mensonges pernicieux. Ce sont des catalyseurs qui, ayant le profit pour moteur, banalisent l’extrémisme », a déclaré le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, à l’occasion de la cérémonie de commémoration de l’Holocauste le 27 janvier 2023. « Par le recours à des algorithmes qui attisent la haine pour garder les utilisateurs rivés à leurs écrans, les plateformes de réseaux sociaux se rendent complices. Idem pour les annonceurs qui subventionnent ce modèle économique. »

Par conséquent, le secrétaire général des Nations unies a lancé « un appel urgent à toutes celles et ceux qui exercent une influence sur l’écosystème de l’information – les autorités de contrôle, les décideurs, les entreprises technologiques, les médias, la société civile et les pouvoirs publics. Faites cesser la haine. Installez des garde-fous. Et faites-les respecter. Nous ne pouvons ouvrir de nouveaux exutoires aux vieilles haines et laisser l’impunité régner sur les plateformes numériques. Ensemble, nous devons opposer les faits aux mensonges, l’éducation à l’ignorance, la mobilisation à l’indifférence ».

En 2022, 4,76 milliards de personnes utilisent les médias sociaux, selon le Digital Report 2023 de We Are Social et Meltwater. Depuis la crise sanitaire en 2020, les dépenses publicitaires y ont largement doublé, atteignant un montant de l’ordre de 220 milliards de dollars dans le monde.

Sources :

  • « Enquête sur la mésinformation des jeunes et leur rapport à la science et au paranormal à l’heure des réseaux sociaux », étude Ifop pour la fondation Reboot et la Fondation Jean-Jaurès, jean-jaures.org, 6 décembre 2022.
  • « La mésinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux », François Kraus, Helen Lee Bouygues, Rudy Reichstadt, Fondation Jean-Jaurès, jean-jaurès.org, 12 janvier 2023.
  • « Le secrétaire général de l’ONU lance un appel pour faire cesser la haine au sein de l’écosystème de l’information et fustige « la complicité » des réseaux sociaux et les annonceurs qui subventionnent ce modèle économique », La Correspondance de la Presse, 30 janvier 2023. 
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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