L’accessibilité aux aides de l’État à la presse soumise à la nécessaire contribution des journalistes

CE, 10e et 9e ch., 13 novembre 2023, n°461835.

Le Conseil d’État a été saisi par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) et par une société éditrice de presse d’une demande d’annulation, pour excès de pouvoir, du décret n° 2021-1746, du 21 décembre 2021, modifiant le Code des postes et des communications électroniques, le Code général des impôts et le décret n° 2009-340, du 29 octobre 2009, en ce qu’ils déterminent les conditions d’admission des publications de presse à certaines modalités d’aides de l’État, en ajoutant, par rapport à leur formulation antérieure, la condition que « les journaux et écrits périodiques présentant un lien direct avec l’actualité, apprécié au regard de l’objet de la publication », doivent « présenter un contenu original composé d’informations ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, notamment dans la recherche, la collecte, la vérification et la mise en forme de ces informations », et en précisant que « ce traitement, qui peut être apporté par des agences de presse agréées […] est réalisé par une équipe rédactionnelle composée de journalistes professionnels » et dont la composition « est appréciée en fonction de la taille de l’entreprise éditrice, de l’objet de la publication et de sa périodicité ».

Le Conseil d’État rappelle avoir déjà, par une décision du 7 avril 2023, « jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée » par la société éditrice, portant sur la non-conformité des dispositions de la loi du 1er août 1986 avec les articles de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il considère que les nouveaux critères contestés, concernant la nécessaire contribution de journalistes professionnels, « ne sont ni équivoques, ni insuffisamment précis, et que la Commission paritaire des publications et agences de presse applique à la variété des publications qui lui sont soumises, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, ne méconnaissent pas l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme, ni le principe d’égalité devant la loi ».

Se référant à l’article 10 de la Convention (européenne) de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, consacrant le principe de « liberté d’expression », le Conseil d’État estime que les dispositions contestées « n’ont pas pour objet d’autoriser ou d’interdire les publications, mais de les faire bénéficier d’avantages économiques en vue de garantir le pluralisme de la presse », mais que, renforçant « les exigences de contenu journalistique dans les critères d’accès au régime économique de la presse », elles répondent « ainsi au but légitime et nécessaire dans une société démocratique ».

Il en est conclu que les requêtes en annulation « doivent être rejetées ». L’exigence, parmi les conditions nouvelles d’admission des publications périodiques à diverses modalités d’aides de l’État à la presse, « d’un traitement à caractère journalistique » de leur contenu, « réalisé par une équipe rédactionnelle composée de journalistes professionnels », est en l’occurrence nécessaire et justifiée.

Professeur à l’Université Paris 2