BBC : un gros manque à gagner

Née en 1922, la Beeb détient depuis toujours et dans le monde entier une réputation incontestée de télévision grand public de qualité. Près de 92 % de la population britannique suit au moins une fois dans une journée un programme radio ou télévision de la BBC. Néanmoins, le groupe audiovisuel public de Grande-Bretagne avec ses huit chaînes nationales, ses télévisions locales, ses dix réseaux de radio et près de cinquante stations locales s’apprête à subir une réduction drastique de ses activités. Financée principalement par la redevance dont le montant annuel par foyer est de 183 euros (135,50 livres), pour 116 euros en France, la BBC dispose d’un budget total de l’ordre de 5,4 milliards d’euros (4 milliards de livres) dont près de 840 millions d’euros (620 millions de livres) proviennent de ses activités commerciales (ventes de programmes, chaînes payantes diffusées à l’étranger, édition de magazines et de livres…) gérées par sa filiale BBC Worldwide. En revanche, la radio internationale d’information BBC World Service diffusée en trente-trois langues à travers le monde, avec une audience de plus de 180 millions de personnes par semaine, est financée par une subvention du Foreign Office de l’ordre de 350 millions d’euros (260 millions de livres) par an. Fabriquant elle-même une grande partie de ses programmes, la BBC est également l’un des producteurs de télévision les plus importants en Europe. Le contrôle de la gestion du groupe est assuré par le BBC Trust, conseil de surveillance ayant pour tâche d’assurer son indépendance sur le plan financier comme sur le plan politique. La décision du gouvernement britannique en janvier 2007 de limiter l’augmentation de la redevance à un niveau inférieur à celui de l’inflation sur une période de six ans, est à l’origine de la politique drastique d’économies que doit subir la BBC. Ce plan d’austérité est baptisé « Delivering creative future ».

Avec un budget amputé de près de 3 milliards d’euros (2 milliards de livres) sur la période 2007-2012, Mark Thompson, ancien dirigeant de la chaîne privée Channel 4, à la tête du groupe public depuis 2004, affiche deux objectifs afin de réduire les coûts de 3 % par an jusqu’en 2012-2013 : la suppression de 2 500 emplois sur les 23 000 restants après l’éviction programmée en 2005 de 3800 postes administratifs, et la réduction de 10 % des productions maison d’information et de documentaires. La fusion des rédactions de la télévision, de la radio et du Web entraînera la suppression de près de 370 postes à BBC News, tandis que près de 600 postes devraient disparaître au département des documentaires. La vague de restructuration touche également les antennes de la BBC au Pays de Galles et en Ecosse. Le temps de programmation des chaînes BBC1, BBC2, BBC3 diminuera de 10 % en éliminant notamment les plages horaires nocturnes. En prévision du basculement définitif en numérique en 2012, les chaînes numériques BBC3 et BBC4, un temps menacées, sont sauvegardées mais elles n’échappent pas pour autant aux mesures de restriction. Le site Web bbc.com sera ouvert à la publicité avec l’assentiment du BBC Trust, à condition que celle-ci soit exclusivement accessible aux internautes étrangers. A plus long terme, c’est le siège du groupe à Londres, le BBC Television Center, qui sera vendu. Au total ce sont 8 % des effectifs qui seront licenciés, Mark Thompson ayant annoncé par ailleurs la création de 700 emplois résultant des nouveaux investissements prévus au sein du groupe.

La BBC est fragilisée depuis sa critique du gouvernement lors de l’entrée en guerre en Irak et qui entraîna le suicide de l’expert en armement David Kelly et, plus récemment, à cause d’un documentaire au montage douteux présentant la Reine sous un mauvais jour, ce qui obligea la chaîne à des excuses publiques, mais également à cause du scandale de jeux télévisés truqués, ce qui provoqua la démission du directeur de BBC1. Aujourd’hui, en pleine crise financière et soumise à un plan d’austérité sans précédent, la BBC s’en tient pourtant rigoureusement à son principe d’exemption de publicité sur ses chaînes de télévision, radios et sites Web. Le « modèle » audiovisuel reste intact. Jusqu’à quand ? Avec 34 % d’audience, les chaînes généralistes BBC1 et BBC2 sont pourtant doublement menacées. D’une part, le Parlement britannique souhaite reconsidérer, à partir de 2012, le mode de financement du service public et son remplacement éventuel par l’abonnement. D’autre part, l’autorité de régulation, l’Ofcom (Office of Communication), envisage de soumettre à la concurrence la production des programmes dits de service public, en affectant une part de la redevance à des producteurs retenus selon le processus de l’appel d’offres.

Sources :

  • « Licenciements à la BBC : l’info en première ligne », Sabine Limat, La Tribune, 17 octobre 2007.
  • « La BBC annonce la suppression de 1800 emplois », AFP in tv5.org, 18 octobre 2007.
  • « Austérité programmée pour l’ensemble de la BBC », Rémi Godeau, Le Figaro, 18 octobre 2007.
  • « La BBC réduit la voilure pour faire face aux restrictions budgétaires », Andrea Morawski, La Tribune, 19 octobre 2007.
  • « La BBC s’inflige une sévère cure d’austérité », Isabelle Chaperon, Les Echos, 19 octobre 2007.
  • « La BBC n’est pas vraiment un modèle », Jean-Claude Sergeant, professeur à Paris-III, Le Monde, 18 janvier 2008.
  • BBC Annual Report and Accounts 2006/2007, BBC Trust, bbc.co.uk.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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