Annoncée le 24 octobre 2007, l’entrée de Microsoft au capital de Facebook pour 240 millions de dollars (168 millions d’euros) a rappelé combien le contrôle des audiences sur Internet se révèle aujourd’hui stratégique, à l’heure où la publicité en ligne accapare partout dans le monde une part de marché toujours plus importante, au détriment des autres médias.
En effet, la somme versée par Microsoft pour obtenir seulement 1,6 % du capital du site de socialisation ne s’explique qu’à travers l’« alliance stratégique » conclue entre les deux entreprises dans le domaine de la publicité en ligne. En 2006, Microsoft avait déjà passé un accord avec Facebook pour la commercialisation des bannières publicitaires sur le site américain jusqu’en 2011. Son entrée au capital du site de socialisation lui assure désormais une exclusivité à l’échelle internationale pour la commercialisation de la publicité provenant de tiers, sur toutes les déclinaisons de Facebook en dehors des Etats-Unis. Ainsi, au-delà de la valorisation excessive de Facebook rapportée à la prise de participation de Microsoft, le site voyant sa valorisation passer d’un milliard de dollars en 2006 (la somme proposée en vain par Yahoo! pour le racheter, à quelque 15 milliards de dollars en 2007), c’est à coup sûr le droit de la régie de Microsoft à s’imposer sur une des plates-formes les plus génératrices d’audience que valorisent les 240 millions d’euros d’investissements dans Facebook.
Facebook, créé en 2004 par Mark Zuckerberg, étudiant d’Harvard, s’est rapidement imposé comme l’un des premiers sites de socialisation au monde, notamment durant l’année 2007, lorsque le site, d’abord réservé aux étudiants, s’est ouvert au grand public en septembre 2006. Aujourd’hui, Facebook est le deuxième site communautaire au monde, avec 40 millions de profils recensés et 73,5 millions de visiteurs uniques en septembre 2007, selon Comscore, juste derrière le leader MySpace, racheté en juillet 2005 par News Corp. pour 580 millions de dollars. Actuellement sixième site le plus visité au monde, Facebook offre aux annonceurs la possibilité de faire de la publicité ciblée en profitant des informations données par ses utilisateurs, lesquels remplissent un pro- fil pour s’inscrire sur le site et s’affilient à des réseaux d’amis. Par ailleurs, le recoupement des profils et des centres d’intérêt permet de cerner encore mieux l’identité et les goûts de chacun des membres de Facebook.
C’est à l’aune de ces possibilités inédites de marketing direct en ligne, renforcées par les effets commu- nautaires et de prescription au sein des réseaux d’internautes, que se comprennent tout à la fois les valorisations grandissantes des sites communau- taires et le positionnement des acteurs de l’Internet sur ce secteur stratégique. A cet égard, l’arrivée de Microsoft au capital de Facebook peut s’interpréter comme une réponse ou une riposte à la prise de contrôle de YouTube par Google en 2006, moyennant 1,65 milliard de dollars.
En définitive, ces rachats et alliances stratégiques conditionnent plus l’avenir des régies publicitaires des grands géants du Net, Google, Yahoo!, Microsoft, qu’ils ne traduisent les promesses de rentabilité des sites de socialisation. En effet, selon le cabinet eMarketer, et en l’absence de récession aux Etats-Unis, les sites de socialisation pourraient attirer quelque 2,5 milliards d’investissements publicitaires à l’horizon 2011, une part significative mais limitée des 42 milliards de dépenses en ligne prévues à la même date. Aussi, la survalorisation de Facebook constitue- t-elle avant tout pour Microsoft un moyen de refréner les ambitions de ses concurrents, en faisant monter les enchères sur les opérations de rachat d’audience par acquisition de sites communautaires.
Sources :
- « Microsoft négocie une participation dans Facebook », Laetitia Mailhes, Les Echos, 25 septembre 2007.
- « Le site Facebook, nouvelle coqueluche de la Silicon Valley », S.C., La Tribune, 26 septembre 2007.
- « Microsoft fait son entrée au capital de Facebook », J.H., Les Echos, 25 octobre 2007.
- « Microsoft rachète 1,6 % de Facebook et valorise ainsi le site à 15 milliards de dollars », Claire Gatinois, Le Monde, 26 octobre 2007.