Loi du 9 décembre 2016 : lanceurs d’alerte, transparence et probité de la vie économique.
La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qualifiée de « loi Sapin 2 », intervient après la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique, dite « loi Sapin ». Avaient notamment pu en être relevées les dispositions relatives aux prestations de publicité. Sont considérés ici les apports législatifs visant les manquements à la probité susceptibles d’être dénoncés par les « lanceurs d’alerte » et, grâce notamment aux exigences de « transparence », les garanties de la probité de la vie économique et publique.
Lanceurs d’alerte
La loi institue un régime général de protection des lanceurs d’alerte. Est cependant envisagée la possibilité qu’ils soient sanctionnés pour diffamation.
Protection des lanceurs d’alerte
Un chapitre de la loi est consacré à la « protection des lanceurs d’alerte ». En cas de révélations dans les médias, ils bénéficient déjà de la protection accordée aux sources d’information des journalistes. Est définie comme étant un « lanceur d’alerte », une personne qui révèle des faits ou comportements contraires au droit.
Il est posé que « n’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause ». Les « faits, informations ou documents […] couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client » sont cependant exclus de la protection des lanceurs d’alerte.
Pour qu’un lanceur d’alerte bénéficie du régime protecteur, trois étapes dans la dénonciation sont envisagées. Tout d’abord, « le signalement d’une alerte » doit être « porté à la connaissance du supérieur hiérarchique […], de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci ». Puis, « en l’absence de diligence » de la personne à laquelle les faits ont ainsi été dénoncés, le signalement « est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ». Enfin, et seulement, « à défaut de traitement », par eux, de cette alerte, « dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public ». Ce n’est normalement qu’à ce moment-là que les médias peuvent s’en faire l’écho.
Il est toutefois posé que, « en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles », le signalement peut être immédiatement « rendu public ». Le lanceur d’alerte peut s’adresser « au Défenseur des droits afin d’être orienté vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte ». Il est ajouté que « les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’avec le consentement de celui-ci ».
Des dispositions introduites dans différents codes du travail ainsi que dans le statut des fonctionnaires assurent la protection des lanceurs d’alerte contre les mesures de représailles dont ils pourraient être victimes. Ainsi protégés, les lanceurs d’alerte peuvent néanmoins être sanctionnés en cas de dénonciations non fondées.
Sanction des lanceurs d’alerte
Les lanceurs d’alerte sont susceptibles d’être sanctionnés pour diffamation. Appliquera-t-on, aux poursuites engagées de ce fait, les règles de procédure particulières de la loi du 29 juillet 1881 et y fera-t-on abstraction des dispositions relatives à la preuve de la vérité des faits diffamatoires, dont les lanceurs d’alerte seraient ainsi dispensés, pour leur accorder le bénéfice de la dite « bonne foi » et de la justification de toute dénonciation sous couvert d’« intérêt général » ?
L’atteinte subie par une personne ainsi injustement dénoncée ne peut-elle être constitutive que d’une diffamation ? N’y aurait-il pas là d’autres causes de préjudices potentiels (atteinte à la réputation, atteinte à la vie privée, violation de la présomption d’innocence, violation du secret des affaires…) ?
À l’action des lanceurs d’alerte, la loi ajoute diverses autres garanties de la probité de la vie publique et économique.
Garanties de la probité
Les garanties de probité dans la vie publique et économique devraient notamment provenir de l’encadrement desdits « représentants d’intérêts » et des exigences de qualité de l’information.
Encadrement des représentants d’intérêts
Sont introduites diverses dispositions qui encadrent l’activité de ceux que la loi identifie comme étant des « représentants d’intérêts ». Il s’agit de personnes agissant au sein de groupes d’influence ou de pression. On les qualifie plus souvent de « lobbyistes ».
La loi dénomme ainsi les individus qui ont « pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication avec » une personne susceptible de participer à ladite décision. Ils sont tenus de communiquer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, des renseignements concernant leur identité et leurs domaines d’activité. Ces données sont réunies dans un « répertoire numérique » rendu public.
Il est posé que « les représentants d’intérêts exercent leur activité avec probité et intégrité » et que, « lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate […] un manquement », du fait de l’un d’entre eux, elle lui adresse « une mise en demeure, qu’elle peut rendre publique ». À ces mesures s’ajoutent des exigences de qualité de l’information.
Exigences de qualité de l’information
Supposées contribuer à la « transparence » et ainsi à la probité de la vie publique et économique, les exigences d’exactitude et de qualité de l’information concernent notamment les membres de diverses institutions publiques et la diffusion d’informations financières.
Membres d’institutions publiques
Sont énumérées les autorités publiques et administratives indépendantes dont les membres sont tenus d’adresser au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique « une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts ».
Sont notamment mentionnés l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, la Commission nationale d’aménagement cinématographique, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la Commission d’accès aux documents administratifs, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur l’internet…
Informations financières
Sont introduites des dispositions relatives à la « protection des droits des consommateurs en matière financière », s’agissant de messages susceptibles de leur être adressés.
Dans le code de commerce, sont intégrées des « règles relatives aux personnes produisant ou diffusant des recommandations d’investissement ». Il y est posé que « les prestataires de services d’investissement ne peuvent adresser […] par voie électronique, des communications à caractère promotionnel à des clients susceptibles d’être non professionnels, notamment des clients potentiels, relatives à la fourniture de services d’investissement portant sur des contrats financiers ».
Dans le code de la consommation, il est posé que « la publicité, directe ou indirecte, adressée par voie électronique […] relative à la fourniture de services d’investissement portant sur les contrats financiers […] est interdite » sous peine de sanction. Une amende est encourue par « tout annonceur […] qui diffuse ou fait diffuser une publicité interdite » en matière financière et par tous les professionnels de la publicité qui y concourent. Il en est de même à l’égard de « toute opération de parrainage ou de mécénat […] lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la publicité, directe ou indirecte, en faveur de services d’investissement portant sur les contrats financiers ». Est également réglementée la « publicité relative à une opération d’acquisition de logement destiné à la location et susceptible de bénéficier » d’incitations fiscales.
Dans le code monétaire et financier, sont introduites des dispositions selon lesquelles « toutes les informations, y compris les communications à caractère publicitaire, relatives à des parts sociales présentent un contenu exact, clair et non trompeur ». Il y est ajouté que « les communications à caractère publicitaire sont clairement identifiées comme telles ».
C’est essentiellement en raison d’une protection de principe accordée aux « lanceurs d’alerte », dénonçant – conformément à la directive européenne du 8 juin 2016, dite « secrets d’affaires » (voir La rem n°40, p.5) – des « manquements à la probité » dans la vie publique et économique, que la loi du 9 décembre 2016 retient l’attention. Au nom de la « lutte contre la corruption », l’activité des lobbyistes est également encadrée. Des exigences « de transparence » sont imposées aux membres de diverses autorités publiques, de même qu’est réglementée la diffusion d’informations financières.