Alors que les éditeurs cherchent à consolider leurs ventes grâce à des auteurs stars, le rapprochement de Médias-Participation et de La Martinière poursuit le mouvement de consolidation de l’édition française.
L’institut d’études GFK s’attend à une baisse des ventes de livres pouvant aller jusqu’à 5 % en 2017, hors édition scolaire : le marché de l’édition, longtemps épargné, semble à son tour touché par l’évolution des pratiques de consommation des biens culturels. S’il n’est pas menacé comme d’autres secteurs par le piratage, il doit toutefois faire face à des acteurs puissants venus de l’internet, à l’instar d’Amazon. Aussi la concentration s’apparente de plus en plus à une réponse appropriée à l’évolution du marché parce qu’elle permet de limiter la concurrence, de mieux s’imposer dans les négociations avec les distributeurs et, enfin, de diversifier ses collections pour moins dépendre d’un type d’ouvrages en particulier. Ainsi, après le rachat de Flammarion par Gallimard en 2012 (voir La rem n°24, p.19), l’annonce de négociations exclusives entre La Martinière et Média-Participations confirme cette tendance à la concentration dans l’édition française.
La Martinière est le septième éditeur français en chiffre d’affaires. Ce groupe indépendant est dirigé par Hervé de la Martinière qui, grâce au rapprochement avec Média-Participations, organise l’avenir du groupe qu’il a construit. En acceptant de s’allier à Média-Participations dans un joint-venture (coentreprise) où La Martinière sera minoritaire, il donne naissance au troisième groupe français d’édition, derrière le leader Hachette (2,2 milliards d’euros en 2016), suivi d’Editis (816 millions d’euros). Le nouvel ensemble représentera en effet 560 millions d’euros de chiffre d’affaires et passera devant Madrigal (437 millions d’euros), issu de la fusion du rachat de Flammarion par Gallimard. L’opération est originale car Médias-Participation, jusqu’alors cinquième éditeur français avec 355 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016, a un positionnement particulier : il est le leader européen de la BD, présent aussi dans le manga, les comics et les livres pratiques, quand La Martinière est d’abord un groupe spécialisé dans la littérature générale (il possède les éditions du Seuil). Le nouvel ensemble est donc complémentaire et permet à Media-Participations d’entrer de plain-pied dans le secteur de la littérature générale, qu’il avait commencé à investir avec le rachat, en juin 2017, de l’éditeur Anne Carrère (éditeur de Paulo Coelho et de Marcel Rufo). D’autres éditeurs indépendants devraient à terme intégrer les grands groupes d’édition en train d’émerger en France, dans le sillage des deux leaders historiques, Hachette et Editis.
Forts de la diversité de leurs catalogues, ces deux géants sont engagés dans une lutte féroce, celle de la conquête des auteurs à succès et des prix littéraires, gages à chaque fois d’une consolidation des ventes. Ainsi Hachette Livres a convaincu Guillaume Musso, premier vendeur de romans en France devant Marc Levy, de rejoindre les éditions Calman-Lévy que le groupe contrôle, et de quitter son éditeur Xo, propriété d’Editis. Pour les autres auteurs, comme pour leurs éditeurs, la course aux prix littéraires reste encore le meilleur moyen d’augmenter les ventes, GFK estimant qu’un prix littéraire génère entre 40 000 et 440 000 ventes additionnelles. C’est d’ailleurs le Goncourt des lycéens qui soutient le mieux les ventes, avec 443 100 exemplaires vendus en moyenne sur la période 2012-2016, suivi du prix Goncourt avec 398 100 exemplaires vendus en moyenne. Cette préférence donnée au Goncourt des lycéens traduit chez les acheteurs une reconnaissance du travail effectué par ce jury atypique.
Sources :
- « Mariage choc dans l’édition : Dargaud épouse le Seuil », Véronique Richebois, Les Echos, 22 septembre 2017.
- « La Martinière et Média-Participations créent le numéro 3 de l’édition », Chloé Woitier, Le Figaro, 22 septembre 2017.
- « Guillaume Musso change d’éditeur : le transfert de la décennie pour Hachette », Alexandre Debouté, Le Figaro, 28 septembre 2017.
- « Le Goncourt et le Renaudot, une manne pour les maisons d’édition », Véronique Richebois, Les Echos, 7 novembre 2017.
- « La rentrée littéraire d’œuvre sur une note positive grâce aux bonnes ventes de Noël », Véronique Richebois, Les Echos, 9 janvier 2018.