« La concentration des médias à l’ère du numérique. Quelle prévoyance pour le marché et le citoyen ? » fut le thème débattu en novembre 2006 par les experts, professionnels, chercheurs et journalistes européens réunis à Berlin sous l’égide du CIRAC (Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine) et des instances de régulation des Länder de Thuringe (TML) et de Rhénanie de Nord-Westphalie (LfM). Ces réflexions franco-allemandes pour l’Europe répondaient à un double objectif : d’une part, contribuer à une meilleure compréhension des politiques nationales dans le domaine des médias à l’ère du numérique ; d’autre part, grâce à la mise en perspective des choix nationaux, contribuer à la définition d’un « nouveau modèle médiatique » pour demain, tant au niveau national que sur le plan communautaire.
Face aux interrogations surgies de par la numérisation des médias, quelles réponses l’Europe doit-elle apporter, afin de veiller à la fois au libre accès de tous au marché et à la libre circulation de l’information ? La généralisation de l’usage d’Internet et l’émergence de nouveaux acteurs, le développement de la téléphonie mobile et les usages inédits qui en émanent, la convergence des deux univers, l’audiovisuel et les télécommunications, jusque-là séparés, ainsi que le rapprochement des métiers d’éditeurs, de diffuseurs et de fournisseurs d’accès, tous ces sujets réclament une nouvelle approche. La réponse réside-t-elle dans une régulation plus forte ou, au contraire, plus souple, au niveau national ou à l’échelle européenne ?
Pour nourrir le débat, cinq grands thèmes ont été abordés : Dans la jungle des nouveaux services. L’audiovisuel a-t-il vécu ? ; Nouveaux défis pour la régulation et le contrôle. Quels niveaux et quelles instances ? ; Parts de capital ou parts d’audience. Ces critères sont-ils encore adaptés à l’ère du numérique ? ; Segmentation de l’offre, individualisation de la réception, atomisation de la société. Quelles bases de légitimité pour la régulation des médias ? ; Les entreprises s’européanisent : faut-il un contrôle des concentrations pour les médias à l’échelon européen ?
Selon Victor Henle, président de la TLM, une question primordiale s’est posée au cours des discussions : celle de l’éducation : « …La classe politique a grand besoin d’apprendre ce que sont les médias et quelles lois régissent leurs activités. […] … si les médias diffusent leur message (celui des responsables politiques, ndlr), […] si le politique est en situation d’interdépendance avec le monde médiatique, la « classe politique » manque cruellement de ce savoir indispensable pour comprendre réellement les effets des médias et leur évolution. En Allemagne, nous avons compris depuis longtemps que, pour contrer les effets de la concentration des médias, il faut développer les compétences médiatiques des citoyens et des consommateurs, donc leur dispenser les savoirs nécessaires à la compréhension des lois inhérentes à la communication et au monde des médias. Ce sont là les nouvelles compétences requises non seulement pour que chacun puisse s’orienter dans l’immensité de l’offre, choisir un contenu en connaissance de cause, mais bien plus généralement aussi celles qu’il nous faut à tous pour entrer de plain-pied dans l’ère de l’information ».
Les médias à l’ère du numérique. Réflexions franco-allemandes pour l’Europe, sous la direction d’Isabelle Bourgeois, CIRAC, cirac.u-cergy.fr, 151 pages, juillet 2008.