Deux opérateurs satellite européens, Inmarsat et Solaris, ont été sélectionnés par la Commission européenne pour assurer la diffusion de services de communication nomades tels que l’accès à Internet haut débit, la télévision et la radio mobiles ainsi que les communications d’urgence.
En Europe, le marché de la télévision mobile personnelle (TMP) ne parvient pas à se développer, alors que tous les spécialistes le qualifient de pro- metteur. En France, son lancement a été plusieurs fois repoussé, faute de modèle économique pertinent. Les opérateurs de téléphonie mobile d’une part, et les chaînes de télévision d’autre part, ne parviennent pas à s’entendre sur la répartition des charges inhérentes à un réseau de diffusion terrestre hertzien qu’ils considèrent trop élevées. Les premiers expliquent qu’ils diffusent déjà des programmes de télévision grâce à leur réseau 3G.
Pour lancer leur offre de chaînes de télévision pour téléphone portable, les acteurs européens de la TMP pourront peut-être désormais compter sur une autre technologie de diffusion : le satellite qui permet de couvrir, à moindre coût, une zone de diffusion beaucoup plus étendue. En avril 2009, l’opérateur européen Eutelsat, allié à un autre européen SES Astra, a lancé le premier satellite en Europe destiné notamment à diffuser des programmes audiovisuels en situation de mobilité. Avec la mise en orbite de ce satellite, baptisé W2A, Eutelsat a anticipé la décision de Bruxelles.
En août 2008, la Commission européenne a lancé un appel d’offre, dans le cadre d’une procédure unique pour les 27 pays de l’Union européenne, afin d’attribuer à un ou plusieurs opérateurs satellite des fréquences (bande S) permettant d’assurer la diffusion de services de communication mobile. Pour la première fois, la Commission s’est substituée aux autorités nationales de régulation des télécommunications « afin de garantir l’introduction coordonnée des systèmes mobiles par satellite » dans l’ensemble de l’Union européenne.
Deux opérateurs européens, Solaris Mobile et Inmarsat, ont été sélectionnés en mai 2009, face à deux américains, ICO Global, propriété de l’homme d’affaires Craig McCaw, et TerreStar, ayant pour actionnaires l’opérateur Echostar et le fonds américain Harbinger. Solaris Mobile est une société commune (50/50) créée par les deux opérateurs, SES Astra et Eutelsat, concurrents sur d’autres marchés. Les deux opérateurs européens choisis utilisent la norme de diffusion DVB-SH conçue par Alcatel-Lucent.
En 2007, Bruxelles s’était prononcé en faveur d’une autre norme, le DVB-H (voir le n°2-3 de La revue européenne des médias, printemps-été 2007). C’est la norme la plus utilisée en Europe, avec déjà 1 à 2 millions d’utilisateurs, alors que le DVB-SH est encore peu répandu. Cette dernière technologie pré- sente néanmoins de nouveaux avantages. De nature hybride, le DVB-SH combine la diffusion hertzienne terrestre et la diffusion satellitaire. Requérant environ 30 % d’émetteurs terrestres en moins, il permet de réduire les coûts de déploiement d’un réseau de diffusion dédié à la TMP. Selon Eutelsat, la diffusion satellitaire peut représenter une économie de l’ordre de 50 % à 60 % du prix de diffusion de la télévision mobile. Le système DVB-SH nécessite néanmoins l’installation d’une infrastructure terrestre de complément. En France, les éditeurs de chaînes de télévision défendent cette solution, même si aucun n’a encore signé de contrat avec Solaris Mobile. La diffusion satellitaire pour téléphone portable des programmes d’une chaîne comme Canal+ ne coûterait que 3 à 5 euros supplémentaires mensuels à ses abonnés, selon l’opérateur.
Le lancement de services de communication mobile, grâce au satellite, ne se limite pas à la diffusion de programmes de télévision sur des terminaux portables personnels ou encore embarqués dans une voiture, un bateau ou un train. Il s’agit aussi de permettre le développement d’autres types de services comme l’accès à Internet haut débit nomade, la radio mobile et les communications d’urgence. L’empreinte satellitaire permet également de couvrir les régions rurales et les moins peuplées d’Europe, pauvres en infrastructures de télécommunications. L’appel d’offre comportait d’ailleurs deux conditions : une couverture initiale d’au moins 60 % de l’ensemble du territoire de l’Union européenne, ainsi qu’à terme, une couverture d’au moins 50 % de la population de chacun des 27 pays européens et au minimum 60 % de leur territoire respectif. Le satellite W2A de Solaris Mobile a coûté 220 millions d’euros, dont 20 % attribués à l’équipement nécessaire à la diffusion de la télévision mobile. Eutelsat et Astra misent essentiellement sur le développement des services pour l’automobile, allant du GPS aux programmes TV. Afin de rentabiliser leur investissement, Inmarsat et Solaris Mobile bénéficient d’une autorisation d’émettre pendant 18 ans. Les deux opérateurs se sont engagés à lancer leur service au plus tard dans les deux ans à dater de leur désignation par la Commission européenne. Solaris Mobile a déjà son satellite en orbite.
Sources :
- « Services mobiles par satellite : l’Europe choisit ses opérateurs », Emmanuel Paquette, Les Echos, 6 octobre 2008.
- « Quatre projets de TV mobile par satellite », Jamal Henni, La Tribune, 10 octobre 2008.
- « La télévision par satellite ne connaît pas la crise », Serge Siritzky, Ecran total, n° 748, 25 mars 2009.
- « La télévision sur mobile espère trouver son salut dans le satellite », Guillaume de Calignon, Les Echos, 10 avril 2009.
- « Bruxelles donne le coup d’envoi de la télévision mobile par satellite », Jamal Henni, La Tribune, 28 avril 2009.
- « La Commission européenne ouvre la voie aux services mobiles par satellite européens », Press releases, IP/09/770, Bruxelles, europa.eu, 14 mai 2009.