Meta acquiert Lofelt, start-up berlinoise qui stimule le sens du toucher et du mouvement

L’entreprise de technologie haptique Lofelt, créée à Berlin en 2014, vient de tomber dans le giron de Meta, la maison mère de Facebook. Une manière pour Mark Zuckerberg de prendre une revanche après son bras de fer estival perdu contre la Federal Trade Commission aux États-Unis, qui l’a empêché de mettre la main sur le studio américain de réalité virtuelle Within.

Meta Platforms, Inc., propriétaire des réseaux sociaux Facebook et Instagram, de la messagerie instantanée WhatsApp et du casque de réalité virtuelle Oculus VR (récemment renommé Meta Quest), consolide la vision de son fondateur, Mark Zuckerberg, qui prédit la réalité virtuelle et les métavers comme successeurs du World Wide Web accessibles depuis un ordinateur ou un smartphone. Dans sa « Lettre du fondateur de 2021 », le patron de Facebook imaginait que, dans les dix prochaines années, « le métavers touchera un milliard de personnes, hébergera des centaines de milliards de dollars de commerce numérique et fournira des emplois à des millions de créateurs et de développeurs ». Et d’ajouter : « Pensez au nombre d’objets physiques que vous possédez aujourd’hui et qui pourraient n’être que des hologrammes à l’avenir. Votre télévision, votre configuration de travail parfaite avec plusieurs écrans, vos jeux de société et bien d’autres choses encore – au lieu d’objets physiques assemblés dans des usines, ce seront des hologrammes conçus par des créateurs du monde entier. » Pour immerger l’utilisateur au sein d’un univers virtuel, après avoir couvert la totalité de son champ de vision à l’aide d’un casque, encore faut-il lui donner l’illusion sensorielle totale de s’y trouver réellement. Un dispositif haptique (du grec haptikós, tactile), s’intégrant sur des gants, un bracelet, un casque ou même des vêtements donnent l’impression à son utilisateur d’interagir avec des objets dans un environnement virtuel au moyen d’une sensation tactile ou d’une perception kinesthésique, un retour de force par exemple, une vibration.

Entreprise de technologie haptique créée à Berlin en 2014, la société Lofelt, qui réservera désormais le fruit de son travail à Meta, développait une suite logi­cielle permettant aux développeurs informatiques d’intégrer facilement des effets haptiques aux applications mobiles pour smartphone et aux manettes de jeux PlayStation 5. Meta va ainsi pouvoir s’appuyer sur l’équipe de 25 personnes de la société berlinoise, qui avait levé 10 millions d’euros d’investissements depuis ses débuts, pour intégrer ces technologies dans les futurs accessoires de son métavers.

Qualcomm, Inc., l’un des leaders mondiaux de la conception de processeurs pour smartphone, travaillait déjà avec Lofelt avant son acquisition par Meta, et Mark Zuckerberg a annoncé, dans un communiqué de presse conjoint des deux entreprises, une collaboration visant à construire des puces personnalisées pour « les futurs casques de réalité virtuelle et autres appareils ».

En octobre 2021, Meta avait annoncé son rachat de l’entreprise Within, studio de réalité virtuelle basé en Californie, mais la Federal Trade Commission (FTC) s’est inquiétée de la puissance financière de Meta qui pourrait lui permettre d’acquérir une position dominante en rachetant toute la chaîne de valeur du secteur de la réalité virtuelle. En juillet 2022, la Federal Trade Commission a donc porté plainte contre Meta. « Au lieu de rivaliser sur les mérites, Meta essaie d’acheter son chemin vers le sommet », a déclaré John Newman, directeur adjoint du Bureau de la concurrence de la Federal Trade Commission. « Meta possède déjà une application de fitness en réalité virtuelle qui se vend bien, et elle avait les moyens de concurrencer encore plus étroitement la populaire application Supernatural de Within. Mais Meta a choisi d’acheter sa position sur le marché au lieu de la gagner par ses mérites. Il s’agit d’une acquisition illégale, et nous allons poursuivre toutes les mesures appropriées. » Le bras de fer a pris fin en août 2022, la Federal Trade Commission cessant ses poursuites en échange du renoncement de Meta à acheter le studio Within.

Le rachat de Lofelt en Allemagne permet à Meta d’échapper à la surveillance de la Federal Trade Commission. L’entrepreneur américain cherche coûte que coûte à devenir un leader mondial de la réalité virtuelle, malgré un net ralentissement de la croissance du marché publicitaire et un chiffre d’affaires en recul pour la première fois depuis 2007. Si les effectifs du groupe ont augmenté de 32 % entre juin 2021 et 2022 pour atteindre 83 553 employés, Meta cherche aujourd’hui à reclasser certains salariés et, selon le Wall Street Journal« prévoit de réduire ses dépenses d’au moins 10 % dans les mois à venir, en partie par des réductions de personnel ». Pour disposer d’argent frais, Meta va s’endetter et émettre des obligations afin de lever 10 milliards de dollars, se mettant ainsi à l’affût des pépites de la réalité virtuelle à ne pas rater.

Sources :

  • « Founder’s Letter, 2021 », Meta, https://about.fb.com/news, October 28, 2021.
  • « I Traveled To Facebook’s Soulless (But Popular) Metaverse So You Don’t Have To », Zack Zwiezen, kotaku.com, January 27, 2022.
  • « Comment Meta (Facebook) veut siphonner les revenus du métavers », Sylvain Rolland, latribune.fr, 30 juin 2022.
  • « FTC Seeks to Block Virtual Reality Giant Meta’s Acquisition of Popular App Creator Within », ftc.gov, Press Release, July 27, 2022.
  • « Meta se résout à s’endetter, et lance un emprunt obligataire de 10 milliards de dollars », Léna Corot, usine-digitale.fr, 5 août 2022.
  • « Meta (Facebook) : ces signaux qui font craindre un échec du virage stratégique dans la réalité virtuelle », François Manens, latribune.fr, 31 août 2022.
  • « Meta Acquires Berlin Startup to Boost Virtual-Reality Ambitions », Salvador Rodriguez, The Wall Street Journal, wsj.com, September 2, 2022.
  • « Pour la réalité virtuelle, Meta acquiert la technologie haptique de Lofelt », Célia Seramour, lemondeinformatique.fr, 5 septembre 2022.
  • « Meta has begun quietly nudging out a significant number of staffers », Jeff Horwitz, Miles Kruppa, The Wall Street Journal, wsj.com, September 21, 2022.
  • « Chez Meta, des licenciements qui ne disent pas leur nom », Raphaële Karayan, usine-digitale.fr, 22 septembre 2022.
Docteur en sciences de l’information et de la communication, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, responsable des opérations chez Blockchain for Good

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