Alors que le gouvernement espagnol remodèle le paysage audiovisuel, Prisa, fortement endetté, cherche de nouveaux partenaires. Après l’échec de la fusion de sa chaîne en clair Cuatro avec La Sexta, détenue par son concurrent Mediapro, est évoqué un rapprochement avec Telecinco qui ne dérogerait pas aux nouvelles lois anticoncentration. L’échec du rapprochement avec La Sexta pénalise par ailleurs Digital+, qui aurait ainsi pu régler la question de son accès aux matchs du championnat de football espagnol et être mieux valorisée auprès de potentiels repreneurs.
Avec une dette de près de 5 milliards d’euros après l’OPA réussie sur sa filiale Sogecable, éditrice du bouquet de chaînes payantes Digital+ (voir le n° 8 de La revue européenne des médias, automne 2008), le groupe espagnol Prisa est contraint de se désendetter au prix d’une réorganisation de sa filiale audiovisuelle. Alors que les activités de production audiovisuelle de Prisa sont fusionnées au sein de Plural Entertainment Espana, que la chaîne en clair Cuatro est désormais le nouveau fer de lance du groupe sur le marché de la télévision, le bouquet Digital+ est mis en vente, bien qu’il soit en perte de vitesse, avec 2 millions d’abonnés, quand il a pu compter jusqu’à 2,5 millions d’abonnés. Valorisé initialement à 3,85 milliards d’euros par Prisa, Digital+ peine à trouver preneur, même après que Prisa a abaissé ses prétentions à 2,6 milliards d’euros. Les deux candidats les plus crédibles pour le rachat, Telefonica et surtout Vivendi, ne sont toujours pas parvenus à s’entendre avec Prisa, ce qui a conduit le groupe ibérique à renégocier l’étalement de sa dette, le groupe ayant obtenu un répit jusqu’au 31 mars 2010 pour rembourser un emprunt de 1,95 milliard d’euros.
Pour sortir de cette situation délicate, Prisa devra en outre s’adapter au nouveau cadre réglementaire audiovisuel espagnol. En effet, Prisa est confronté à plusieurs menaces sur le marché audiovisuel. Sur le marché de la télévision payante, Digital+ va devoir faire face à de nouvelles concurrences. En avril 2010, le gouvernement espagnol a procédé à une réallocation des canaux des chaînes de la TNT espagnole qui vont désormais comporter un bouquet de chaînes payantes, une décision qui pourrait déprécier à terme la valeur de Digital+ et qui ne favorise pas les négociations entre Prisa et de potentiels repreneurs. Sur le marché de la télévision hertzienne, où la chute des recettes publicitaires fragilise les activités de sa chaîne Cuatro, le groupe Prisa pourrait toutefois bénéficier de certaines opportunités. Après que le gouvernement espagnol a autorisé, le 23 février 2009, les concentrations dans le secteur de la télévision, à condition toute- fois que les fusions ne conduisent pas un groupe à détenir plus de 27 % de part d’audience nationale (voir le n° 10-11 de La revue européenne des médias, printemps-été 2009), le rapprochement des nouveaux entrants sur le marché de la télévision espagnole, la chaîne Quatro de Prisa (8,6 % de part d’audience) et la Sexta (5,5 % de part d’audience), contrôlée par Mediapro, s’est imposé comme un moyen pour les deux groupes de régler leurs nombreux contentieux tout en bénéficiant de synergies nouvelles.
Les deux chaînes, créées à la faveur de la réforme de 2005 de l’audiovisuel espagnol, se livrent en effet à une guerre sans merci pour gagner des parts d’audience face aux leaders Telecinco (18,1 % de part d’audience) et Antena 3 (16 % de part d’audience). La principale victime de cette guerre a été le groupe Prisa : Mediapro, actionnaire principal de la Sexta, s’est emparé des droits du football qu’il a ravis progressivement à Digital+ en négociant directement avec les clubs, ce qui a conduit Sogecable à porter plainte devant l’autorité de concurrence espagnole. Quand Sogecable et La Sexta ont annoncé être parvenus à un accord, le 4 juin 2009, pour la fusion de La Sexta et de la Cuatro, désormais autorisée, tout en s’accordant également sur la diffusion des matchs du championnat de football espagnol sur Digital+, la guerre entre les deux groupes semblait oubliée.
L’alliance de La Sexta et de la Cuatro devait faire naître un concurrent de poids face à Antena 3 et Telecinco, en même temps qu’elle permettait à Digital+ de retrouver son attrait et à Mediapro, qui a payé 2 milliards d’euros pour s’emparer des droits du football, de trouver un diffuseur solide pour ses programmes. Ce retournement de situation, favorable à Prisa, a conduit le groupe à revaloriser ses actifs dans La Cuatro. Le 10 août 2009, Prisa rompait les négociations avec Imagina, qui contrôle La Sexta, ne parvenant plus à s’entendre sur la répartition des parts dans la nouvelle entité fusionnée. La fusion entre les deux chaînes, initialement prévue à parité, n’a donc pas pu aboutir et la diffusion du championnat de football espagnol par Digital+ est de nouveau remise en question.
Pour Prisa, qui doit se désendetter, un rapprochement de la Cuatro avec une autre chaîne reste donc d’actualité, une fusion avec le leader Telecinco étant envisageable dans la mesure où le nouveau groupe finirait par frôler, mais sans le franchir, le seuil des 27 % de part d’audience nationale. Enfin, le 21 août 2009, Prisa annonçait la montée dans son capital du groupe américain InStore Broadcasting Network (IBN), à hauteur de 4,5 %, par l’intermédiaire de Talos, la filiale financière d’IBN. Une joint-venture entre IBN et Prisa va être créée, baptisée Prisa IBN International, afin de développer les activités de diffusion de musique et de publicité en grande surface d’IBN sur le territoire espagnol et sur le continent latino-américain.
Sources :
- « Prisa se réorganise faute d’avoir réussi à vendre Digital+ », G.S., Les Echos, 13 février 2009.
- « Le rival de Prisa convoite la TNT payante espagnole », Thierry Maliniak, La Tribune, 10 avril 2009.
- « Fusion dans la télé espagnole », Diane Cambon, Le Figaro, 8 juin 2009.
- « Télévision espagnole : Prisa et Mediapro lancent les concentrations », Gilles Sengès, Les Echos, 8 juin 2009.
- « Télé : le groupe espagnol Prisa cherche un nouvel allié », Marie-Laetitia Bonavita, Le Figaro, 11 août 2009.
- « Presse : Prisa a trouvé un partenaire américain », Les Echos, 21 août 2009.
- « InStore Broadcating to pick up 5% Prisa stake », Mark Mulligan, Financial Times, August 24, 2009.