Le marché allemand de la télévision payante à l’aube d’une nouvelle ère ?

En devenant Sky Deutschland, Premiere entre dans l’univers News Corp., le leader européen de la télévision payante, qui applique à sa nouvelle chaîne une stratégie déjà expérimentée avec succès au Royaume-Uni et en Italie. Aujourd’hui dominé par un seul acteur, le marché allemand de la télévision à péage pourrait connaître un bouleversement avec le basculement vers un modèle payant des chaînes de ProSiebenSat.1, premier groupe de télévision en clair en Allemagne.

Le 4 juillet 2009 à minuit, Premiere a abandonné son ancien nom pour devenir Sky Deutschland, un changement décisif pour la chaîne payante de télévision créée il y a vingt ans par Leo Kirch. En effet, le changement de nom fait entrer de plain-pied Sky Deutschland dans l’univers du groupe News Corp., leader européen de la télévision payante, avec notamment BSkyB au Royaume-Uni et Sky Italia en Italie. Cette évolution entérine le contrôle effectif de News Corp. sur Sky Deutschland, après une première montée au capital de la chaîne en janvier 2008 (voir le n°5 de La revue européenne des médias, hiver 2007-2008). Début août 2009, News Corp. annonçait avoir augmenté de nouveau sa participation dans Sky Deutschland, passant de près de 30 % à 39,96 % du capital, sans avoir à lancer une OPA sur le reste de la chaîne malgré le franchissement du seuil obligatoire des OPA fixé à 30 %. Ce dispositif, autorisé par les autorités allemandes de concurrence en février 2009, constitue une exception accordée aux entreprises allemandes ayant besoin d’une recapitalisation pour se restructurer (voir le n°9 de La revue européenne des médias, hiver 2008-2009). Début janvier 2010, News Corp. annonçait une nouvelle augmentation de sa participation dans Sky Deutschland en lui apportant 110 millions d’euros supplémentaires, faisant ainsi passer sa participation de 39,96 à 45,42 % du capital de la chaîne.

Afin de retrouver la rentabilité, Sky Deutschland devra conquérir près d’un million d’abonnés supplémentaires. Avec actuellement un peu plus de 2,3 millions d’abonnés, la chaîne est déficitaire et vise l’équilibre opérationnel, une fois atteint, de 3 à 3,4 millions d’abonnés. Le changement de nom comme la campagne publicitaire massive qu’il entraîne doivent relancer les abonnements pour accéder notamment aux matchs de la Bundesliga. Forte de la Ligue 1 dont elle regagné l’exclusivité après avoir été obligé de la partager avec Arena pour les saisons 2006-2009, la chaîne a procédé, en même temps qu’elle changeait de nom, à une augmentation significative du coût de l’abonnement. Pour voir les matchs de foot en direct, les Allemands ne peuvent plus s’abonner au seul bouquet Bundesliga, ils doivent s’abonner également au bouquet de base de Sky Deutschland, soit débourser chaque mois 32,90 euros contre 19,99 euros précédemment. Sky Deutschland applique ici la stratégie déjà mise en place par News Corp. sur ses autres marchés. Mais le pari est risqué en Allemagne, un pays qui compte plus de 30 chaînes en accès gratuit et où le facteur prix est un élément décisif dans le choix des consommateurs comparé à des pays comme le Royaume-Uni et l’Italie, où le foot justifie des dépenses importantes. D’autant que Sky Deutschland pourrait bientôt avoir un nouveau concurrent sur le marché de la télévision payante.

En effet, fragilisé par la baisse de ses recettes publicitaires, ProSiebenSat. 1, le premier groupe privé de télévision en clair en Allemagne, envisage de rendre payant l’accès à certaines de ses chaînes pour ramener à 70 %, contre 85 % actuellement, la part de son chiffre d’affaires générée par la publicité. Dans les faits, ProSiebenSat. 1 pourrait faire basculer en accès payant ses chaînes Pro7, Sat 1 et Kabel 1, qui cumulent à elles seules 30 % de l’audience nationale de la télévision.

Sources :

  • « La télé allemande Premiere croit à la recette Murdoch », Romaric Godin, La Tribune, 6 juillet 2009.
  • « Sky Deutschland vise un retour aux profits en 2011 », G.P., Les Echos, 14 août 2009.
  • « L’allemand ProSiebenSat.1 veut se lancer dans la télévision à péage », Les Echos, 28 octobre 2009.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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