A la suite de la décision de l’Ofcom concernant la position dominante de BSkyB sur les événements sportifs et les films en exclusivité, British Telecom diffuse sur son propre bouquet, depuis le 1er août 2010, les chaînes sportives de BSkyB. L’opérateur de télécommunications a lancé une guerre des prix à laquelle BSkyB répond par une montée en gamme, stratégie qui ne déplaît pas à son actionnaire principal, le groupe News Corp., qui a fait une offre pour s’emparer de la totalité du capital de BSkyB.
British Telecom accède à Sky Sports 1 et Sky Sports 2 et lance la guerre des prix sur le marché de la télévision payante
Après le décision de l’Ofcom rendue le 31 mars 2010, obligeant BSkyB, en position dominante sur le marché des droits sportifs, à mettre à la disposition de ses concurrents ses deux chaînes sportives Sky Sports 1 et Sky Sports 2 (voir le n°14-15 de La revue européenne des médias, printemps-été 2010), l’opérateur de télécommunications British Telecom a annoncé être parvenu, le 28 juin 2010, à un accord avec BSkyB sur la reprise de ses chaînes de football. Top Up TV et Virgin Media pourront également commercialiser les deux chaînes sportives indépendamment des offres Sky.
La perte de contrôle de Sky sur ses offres, distribuées déjà par le câblo-opérateur Virgin, change profondément la donne sur le marché audiovisuel britannique payant. En effet, en disposant des matchs de la Premiere Ligue, diffusés par Sky Sports 1 et Sky Sports 2, les opérateurs concurrents de Sky vont pouvoir proposer des bouquets de chaînes avec une offre sportive de qualité sous une autre marque. Ainsi, Sky Sports 1 et Sky Sports 2 sont disponibles, depuis le 1er août 2010, dans le bouquet BT Vision de British Telecom. Pour concurrencer BSkyB, British Telecom a opté pour des prix agressifs, les chaînes Sky Sports 1 et Sky Sports 2 étant vendues ensemble 16,99 livres par mois, contre 35 livres chez BSkyB. Avec cette stratégie, British Telecom espère gagner plus d’un million de nouveaux abonnés en couplant son offre ADSL et son bouquet de chaînes. La concurrence est donc intense puisque Britsih Telecom vend à perte les chaînes Sky Sports 1 et Sky Sports 2, l’Ofcom ayant fixé le prix de revente par Sky à 17,14 livres par mois pour les deux chaînes. Dans cette guerre des prix, Sky a réagi en mettant la pression sur les marges de British Telecom : le groupe a augmenté fin juin 2010 de 35 à 38 livres par mois l’accès à Sky Sports 1 et Sky Sports 2 pour ses abonnés, ce qui, par le système de réduction imposé par l’Ofcom, conduit désormais Sky à revendre les deux chaînes à British Telecom pour 19,07 livres par mois. La vente à perte, pour British Telecom, est donc supérieure de 2 euros par mois et par abonné, ce qui pèse incontestablement sur le revenu moyen par abonné (ARPU) de l’opérateur. Pour British Telecom, dont le bouquet BT Vision compte 500 000 abonnés, l’enjeu est toutefois d’augmenter l’ARPU sur l’ensemble de son parc d’abonnés ADSL, qui compte 4,1 millions de clients, en leur facturant de nouveaux services audiovisuels. L’opérateur devra donc conquérir en partie les abonnés à la télévision de ses deux concurrents : Virgin compte 3,7 millions d’abonnés à son offre de chaînes et BSkyB vise les 10 millions d’abonnés fin 2010.
BSkyB monte en gamme et réalise des performances exceptionnelles …
Face à la nouvelle concurrence de Britsih Telecom, BSkyB a opté de son côté pour une montée en gamme de son offre. Le groupe, dont le bouquet compte à lui seul cinq chaînes de sport, propose désormais 43 chaînes en haute définition, y compris Sky Sports 1 et Sky Sports 2 qu’il conserve en exclusivité en haute définition (HD). Le 1er octobre, le bouquet Sky comptera parmi son offre la première chaîne 3D en relief lancée en Europe, consacrée au sport (voir le n° 14-15 de La revue européenne des médias, printemps-été 2010). Enfin, BSkyB a signé, le 29 juillet 2010, un accord avec la chaîne américaine HBO pour l’accès en exclusivité à son catalogue (Six feet under, The Wire). Grâce à cette stratégie en faveur de la HD et une offre de films et séries en exclusivité, en plus du football, BSkyB a présenté, pour son exercice clos au 30 juin 2010, des performances annuelles exceptionnelles, alors que le marché audiovisuel britannique vient d’être frappé par une des plus sévères crises de son histoire. Le groupe, qui vend des chaînes payantes et des offres triple play, a augmenté son chiffre d’affaires de 10 % à 5,9 millions de livres et dégagé un bénéfice opérationnel de 855 millions d’euros, en hausse également de 10 %. Ces résultats sont d’abord dus au succès de l’offre HD, à laquelle se sont convertis 30 % des abonnés de BSkyB, ainsi qu’à l’augmentation du nombre d’abonnés (+ 400 000 en un an). BSkyB, qui cumulait, fin juin 2010, 9,86 millions d’abonnés, a d’ailleurs annoncé qu’il comptait passer la barre des 10 millions d’abonnés avant la fin de l’année 2010.
… qui conduisent News Corp. à faire une offre pour s’emparer de la totalité de son capital
Le 15 juin 2010, Rupert Murdoch, fondateur de Sky, associé à British Satellite Broadcating, pour donner naissance à BSkyB en 1990, a annoncé vouloir s’emparer de la totalité du capital de BSkyB et a fait une offre de 7,8 milliards de livres (9,4 milliards d’euros) pour prendre le contrôle des 61 % de capital qu’il ne contrôle pas encore. A 700 pence par action après une offre à 675 pence immédiate- ment refusée par le conseil d’administration de BSkyB, cette offre correspond à une prime de 22 % par rapport au cours de l’action au 9 juin 2010. A ce jour, l’offre de News Corp. est refusée, le conseil d’administration espérant 800 pence par action, soit 10,7 milliards d’euros au regard des bonnes performances du groupe pour son exercice 2009. Mais les négociations se poursuivent, News Corp. et BSkyB s’étant déjà accordés sur le principe du rachat par News Corp. de sa filiale afin de permettre au groupe de soumettre son projet aux autorités de concurrence britanniques.
Si News Corp. cherche à s’emparer de la totalité du capital de BSkyB, qu’il contrôle déjà avec sa participation de 39 %, c’est d’abord parce qu’il s’agit d’un actif rentable qui, avec une base d’abonnés proche de 10 millions, assure des revenus récurrents et stables. Enfin, l’offre tombe au bon moment, après que BSkyB a réalisé de lourds investissements dans la HD et ses offres d’accès à Internet et alors même que la livre a perdu 15 % vis-à-vis du dollar en un an.
Sources :
- « Rupert Murdoch veut la pépite BSkyB pour lui seul », Eric Albert, La Tribune, 16 juin 2010.
- « Murdoch veut mettre la main sur la pépite Sky », Cyrille Vanlerbergue, Le Figaro, 16 juin 2010.
- « News Corporation veut monter à 100 % dans sa filiale BSkyB », La Correspondance de la Presse, 16 juin 2010.
- « BT teams up with BSkyB on football deal », Ben Fenton, Financial Times, 28 juin 2010.
- « BSkyB to raise costs for sports channels », Ben Fenton, Financial Times, 30 juin 2010.
- « Guerre des chaînes sportives outre-Manche », Nicolas Madelaine, Les Echos, 2 juillet 2010.
- « BSkyB mise sur le haut de gamme face à la concurrence », Eric Albert, La Tribune, 30 juillet 2010.
- « BSkyB, dopé par la haute définition, vise les 10 millions de clients », Nicolas Madelaine, Les Echos, 30 juillet 2010.