En octobre 2010, le gouvernement britannique a confirmé son objectif de réduire d’ici à 2015 les dépenses publiques de 83 milliards de livres (95 milliards d’euros). Cumulées à 30 milliards de livres (34 milliards d’euros) d’impôts supplémentaires pour ramener le déficit public à environ 1 % en 2015 contre 10 % en 2010, les coupes budgétaires annoncées concernent notamment la BBC.
Après avoir tout d’abord décidé un mois auparavant de geler l’augmentation de la redevance pour l’année 2011-2012 (voir le n°16 de La revue européenne des médias, automne 2010), le ministère de la culture, des médias et du sport s’est mis d’accord en octobre 2010, avec le service public de l’audiovisuel britannique, sur la réduction de 16 % de son budget annuel sur six ans, soit un manque à gagner de 340 millions de livres (384 millions d’euros) par an jusqu’en 2017.
La BBC devra désormais assumer seule le financement du World Service, un service radiophonique diffusé dans plus de 30 langues, relevant jusqu’ici du ministère des affaires étrangères, ainsi que BBC Monitor, un service d’écoute des médias du monde entier, et une partie du budget de la chaîne de télévision galloise S4C. Il est également attendu de la BBC qu’elle réduise les dépenses engendrées par ses services internet afin, notamment, de ne pas concurrencer davantage les médias locaux. Le groupe audiovisuel britannique se verra confier de nouvelles missions comme le financement de l’installation de lignes à haut débit dans les zones rurales et d’émetteurs de radio numérique ou la création de nouvelles stations d’information locale. Des économies avaient pourtant déjà été engagées par Mark Thompson, directeur général de la BBC, comme l’allégement de 25 % de la masse salariale de la direction générale, soit la suppression de 20 % de ses effectifs (les salaires des hauts dirigeants sont désormais publiés) ou encore la vente du pôle magazines. Mais elles n’ont apparemment pas suffi à répondre aux exigences budgétaires du gouvernement. Anticipant les conséquences à venir des coupes budgétaires sur l’emploi, les syndicats des employés de la télévision ont accusé la BBC de faire le jeu de gouverne- ment, tandis que la chaîne galloise S4C a annoncé, au même moment, son intention d’engager une procédure judiciaire à l’encontre des décisions gouvernementales. Par l’imposition de ses décisions, le gouvernement britannique est passé outre l’organisme de contrôle et de gestion de la BBC, le BBC Trust, mettant ainsi à mal le principe historique d’indépendance du service public de l’audiovisuel en Grande-Bretagne. Néanmoins, le premier groupe public audiovisuel au monde continuera donc à bénéficier de la totalité de la redevance télévisuelle, soit un montant de 3,7 milliards d’euros, contrairement à ce que préconisait le rapport gouvernemental Digital Britain publié en juin 2009 sur son éventuel partage avec d’autres diffuseurs (voir le n°12 de La revue européenne des médias, automne 2009).
Premier service concerné par les coupes gouvernementales, le budget internet de la BBC sera réduit de 25 % d’ici à 2013. Consultés par plus de 100 millions d’internautes par mois, les services en ligne gratuits de la BBC emploient 1 600 personnes. Environ 200 services devraient disparaître, entraînant la suppression de 360 emplois selon l’annonce faite par la BBC le 24 janvier 2011. Accusée de concurrence déloyale par les sites web commerciaux, la BBC réduira son offre de contenus sportifs diffusés en direct et de nouvelles du show-business, tout en augmentant les informations concernant le secteur culturel et artistique. Après BBC Online, dont le budget est de 137 millions de livres (161 millions d’euros), la radio et la télévision subiront à leur tour les conséquences des économies programmées.
A commencer par le World Service, service international dont le rôle a été primordial durant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide, qui devra réaliser 16 % d’économie d’ici à 2014, date à laquelle il ne bénéficiera plus d’aucun financement du Foreign Office. Le 26 janvier 2011, le groupe a annoncé que certains services en cinq langues étrangères allaient être immédiatement interrompus : l’albanais, le serbe, le macédonien, l’anglais pour les Caraïbes et le portugais pour l’Afrique ; auxquels viennent s’ajouter les services radiophoniques en sept langues (azéri, russe, espagnol pour Cuba, turc, vietnamien, ukrainien et également le mandarin pour cause de brouillage systématique par les autorités chinoises), qui continueront cependant à être utilisées pour la télévision, Internet et les téléphones portables. En outre, la BBC fermera progressivement à partir de mars 2011 ses programmes en ondes courtes, à l’instar de toutes les grandes radios internationales.
La perte d’audience à l’étranger du prestigieux World Service est estimée à 30 millions d’auditeurs sur les 180 millions actuels. Il en résultera la suppression de 650 emplois sur un effectif total de 2 400 d’ici à 2013. La direction du groupe a néanmoins pris un engagement : « veiller à protéger ses employés « vulnérables », à commencer par les Iraniens, qui veulent échapper à un rapatriement forcé du fait des économies de la BBC ».
Sources :
- « Le budget de la BBC amputée de 16 % sur six ans », AFP, tv5.org, 21 octobre 2010.
- « Le gouvernement britannique prescrit une sévère cure d’amaigrissement à la BBC », Marc Roche, Le Monde, 22 octobre 2010.
- « La BBC annonce une réduction de 25 % de son budget pour l’Internet », AFP, tv5.org, 24 janvier 2011.
- « BBC : le World Service privé de 25 % de ses effectifs et de nombreuses langues », AFP, tv5.org, 26 janvier 2011.