A l’issue de longues négociations, le fonds Liberty Acquisition Holding s’est dissous dans Prisa pour le recapitaliser, les nouveaux actionnaires détenant désormais la majorité du capital du plus grand groupe en langue espagnole au monde. Une des premières conséquences non financières de la recapitalisation a été l’annonce d’un plan de suppression d’emplois portant sur 18 % des effectifs du groupe dans le monde.
Après l’accord conclu en mars 2010 entre Prisa et le fonds Liberty Acquisition Holding, une SPAC (Special Purpose Acquisition Company) (voir le n°14-15 de La revue européenne des médias, printemps-été 2010), les actionnaires de Prisa ont finalement voté, le 27 novembre 2010, en faveur de la recapitalisation. Celle-ci aura été plus longue que prévue, la chute de l’action de Prisa faisant augmenter la part de capital à laquelle prétendait le fonds Liberty en échange de son apport, en même temps que les banques créancières de Prisa posaient leurs conditions.
En effet, l’accord visait d’abord à assainir la situation financière de Prisa, pénalisé par une dette de 4,8 milliards d’euros en mai 2010, assainissement qui passait par la cession d’actifs, les banques exigeant un refinancement à hauteur de 450 millions d’euros. Prisa s’est ainsi débarrassé des 25 % qu’il détenait dans sa maison d’édition Santillana, revendus finalement 278,6 millions d’euros au fonds DLJ South America. En revanche, la cession pour 100 millions d’euros au groupe portugais Ongoing Strategy Investments de 35 % de Media Capital, la société audiovisuelle portugaise détenue à 95 % par Prisa, s’est heurtée au refus des autorités portugaises de la concurrence. Enfin, la cession de 44 % de Digital+ à Telefonica et Telecinco, ainsi que celle de la chaîne Cuatro à Telecinco, effective le 28 décembre 2010, a permis à Prisa, en plus d’une participation de 18 % dans Telecinco, de récupérer 500 millions d’euros en numéraire afin de faire face à ses échéances bancaires. A la suite de la cession de la Cuatro, Prisa a mis fin à l’activité de sa chaîne d’information CNN+ le 28 novembre 2010, alors qu’il pouvait conserver cette fréquence à condition d’y diffuser uniquement de l’information. CNN+ était déficitaire et n’affichait qu’une part d’audience de 0,6 %. Telecinco récupère ainsi une fréquence supplémentaire sur la TNT espagnole.
Enfin, les difficultés bancaires de Prisa et la chute de son action depuis l’annonce de l’accord ont conduit le groupe espagnol à devoir céder finale- ment au fonds Liberty plus que les 57 % de capital initialement prévus. Le fonds, qui apporte 650 millions d’euros, se dissout en fait dans Prisa en lui rachetant une part majoritaire de son capital, quand la part détenue par la famille Polanco chute à 35 %, avant même une nouvelle émission d’actions courant 2011, laquelle devrait rapporter 482 millions d’euros supplémentaires. Celle-ci portera la part détenue par les actionnaires de Liberty à 65 % du capital (pour un apport total de 1,132 milliard d’euros) et fera tomber à 30 % la part de capital détenue par la famille Polanco. En attendant, l’arrivée de nouveaux actionnaires au capital de Prisa a déjà des répercussions : pour tirer la rentabilité du groupe, Prisa a annoncé, le 25 janvier 2011, un plan de suppression de 2 500 emplois, soit 18 % de ses effectifs mondiaux, qui concernera essentiellement l’Espagne (2 000 postes).
Sources :
- « Prisa sous la pression de ses créanciers », Gilles Sengès, Les Echos, 19 mai 2010.
- « Prisa et Liberty boucle leur accord de fusion », Gilles Sengès, Les Echos, 5 août 2010.
- « La recapitalisation du groupe de médias espagnol Prisa touche à sa fin », Pierre de Gasquet, Les Echos, 23 novembre 2010.
- « Groupe Prisa : feu vert à un nouveau tour de table », Sandrine Morel, Le Monde, 27 novembre 2010.
- Chief Executive Officer and Chairman of PRISA’s Executive Commission Speech – Extraordinary General Meeting ,Madrid, November 27, 2010.
- « Prisa finalise la cession de ses actifs TV à l’italien Mediaset », Isabelle Repiton, La Tribune, 28 décembre 2010.
- « Le géant espagnol Prisa va supprimer 2 500 emplois », Jessica Berthereau, Les Echos, 26 janvier 2011.