Endemol élargit ses activités et restructure sa dette

Ecrasée par une dette de 2,8 milliards d’euros à cause de son rachat par Telefonica en 2001, Endemol a dû, faute de pouvoir faire face à ses échéances de remboursement, transformer cette dette en actions au profit de ses créanciers, au premier rang desquels le fonds Apollo. La stratégie actuelle de diversification des formats d’émission et l’arrivée de nouveaux clients doit permettre à la société de production audiovisuelle de retrouver des perspectives stables de développement, avant que les fonds ne la cèdent au plus offrant.

Rachetée à Telefonica 2,7 milliards d’euros en 2007 pour 75 % du capital, la société de production audiovisuelle Endemol est, depuis cette date, fragilisée par une dette de 2,8 milliards d’euros fin 2011. En 2001, l’opérateur espagnol avait proposé 5 milliards d’euros à son fondateur pour prendre le contrôle de la société. Incapable de faire face aux échéances de remboursement de sa dette, Endemol a dû la restructurer, tout en redéfinissant sa stratégie pour bénéficier, à terme, d’une meilleure valorisation.

En effet, l’offre la plus forte récemment proposée aux actionnaires pour le rachat d’Endemol – qui a été refusée – aura été faite par le groupe américain Time Warner, pour 1 milliard d’euros, soit 5 fois moins qu’en 2001 et presque 3 fois moins qu’en 2007. Les actionnaires d’Endemol depuis 2007, la banque Goldman Sachs, le groupe italien Mediaset et le fonds d’investissement Cyrte, détenu par John de Mol, également fondateur de la société de production en 1994 (voir REM n°4, p.18), ne seront donc pas parvenus à relancer suffisamment l’activité d’Endemol pour qu’elle parvienne à se débarrasser, sans augmentation de capital, de la dette qui limite son développement en rendant difficile toute politique de croissance externe. Avec un chiffre d’affaires de 1,25 milliard d’euros en 2010 pour un bénéfice de 153 millions d’euros, la société se porte bien mais reste incapable de faire face à ses charges financières. Ses actionnaires comptaient, lors de son rachat en 2007, sur une hausse constante des prix des formats des émissions qu’elle commercialise pour financer ses obligations, une perspective contrecarrée par la crise du marché publicitaire fin 2008 et en 2009. En 2011, la société Endemol s’est donc retrouvée dans l’incapacité de faire face à ses échéances et a dû se restructurer. Les repreneurs déclarés pour ce géant de la production audiovisuelle, avec son catalogue de 24 000 heures de programmes, ses 5 000 employés dans 31 pays, ont été nombreux, dont quelques géants des médias comme ITV, Médiaset, déjà actionnaire de la société, mais également le groupe américain Time Warner, qui a proposé un milliard d’euros pour la société en novembre 2011. Mais la solution retenue aura été celle proposée par les créanciers, Royal Bank of Scotland (RBS), Barclays, les fonds américains Canterbridge et Apollo qui ont accepté de convertir une partie de la dette en actions. Le 15 février 2012, un accord de restructuration de la dette d’Endemol était donc trouvé qui a vu arriver au capital de la société audiovisuelle les deux banques et les deux fonds d’investissement, ce qui a dilué automatiquement la part détenue jusqu’ici par Mediaset, Goldman Sachs et Cyrte. Le fonds d’investissement de John de Mol, par rachat de dettes, a toutefois pu maintenir sa position d’actionnaire de référence. Enfin, le fond Apollo a profité de son entrée au capital pour racheter la part détenue par RBS à l’issue de l’augmentation de capital, ce qui lui permet de contrôler 28 % d’Endemol et de se retrouver à 5 points de la minorité de blocage. Mais les fonds n’ayant pas vocation à devenir actionnaires de long terme d’Endemol, un rachat de leur participation est à envisager, les candidats d’abord rejetés pouvant ainsi espérer prendre finalement le contrôle d’Endemol. Ce ne sera pas le cas de Mediaset qui, avec sa participation diluée, a préféré se retirer d’Endemol, le 3 avril 2012, en cédant les 6 % du capital qu’il détenait encore après l’opération de restructuration pour 72 millions d’euros, selon Il Sole 24 Ore. Mais avant toute revente par les fonds, la société devra confirmer son repositionnement stratégique, la question de la dette, passée de 2,4 milliards à 500 millions d’euros grâce à l’augmentation de capital, étant désormais réglée. Le repositionnement stratégique d’Endemol est en effet essentiel. Après avoir inventé au début des années 2000 la téléréalité avec Big Brother, avec sa déclinaison française Loft Story, Endemol a pu bénéficier d’une croissance rapide sur un secteur où elle était seule à l’origine. Depuis, la concurrence s’est organisée et la téléréalité n’a plus le même attrait. Endemol a donc diversifié son offre, la téléréalité ne comptant plus, en 2011, que pour 25 % du chiffre d’affaires, contre 60 % au début des années 2000. Au niveau mondial, la branche fiction, magazines et documentaires pèse également 25 % du chiffre d’affaires. Enfin, les jeux et le divertissement comptent pour 50 % du chiffre d’affaires. Tout l’enjeu pour Endemol est donc de diversifier son offre de programmes pour diversifier sa clientèle, car la téléréalité a historiquement favorisé la dépendance de la société de production envers les grandes chaînes privées.

Aujourd’hui, Endemol privilégie les programmes de stock, la fiction et les documentaires, pour se garantir de nouveaux débouchés. Aux Etats-Unis, la société a créé son propre studio et produit la série Hell on Wheels pour la chaîne AMC. Au Royaume-Uni, Endemol est devenue le premier fournisseur externe de la BBC. Enfin, en France, Endemol produit actuellement ses premières fictions pour Arte et France Télévisions, un positionnement nouveau après les années 2000 où la société avait, entre 2001 et 2006, passé un contrat d’exclusivité avec TF1 garantissant à la chaîne la primeur des nouveaux concepts d’émission de téléréalité. En 2011, TF1 n’a ainsi compté que pour 50 % des revenus d’Endemol France, contre 80 % durant la période d’exclusivité. Endemol France, deuxième filiale du groupe après la filiale britannique, reste toutefois très dépendante de son activité historique, la téléréalité représentant 25 % du chiffre d’affaires, le divertissement 20 %, les jeux 50 %, et la fiction seulement 5 % du chiffre d’affaires.

Sources :

  • « Time Warner s’intéresse de près à la reprise du producteur Endemol », G.P., Les Echos, 7 novembre 2011.
  • « Endemol attise les convoitises », Paule Gonzalès, Le Figaro, 8 novembre 2011.
  • « Time Warner propose un milliard d’euros en cash pour Endemol », latribune.fr, 12 décembre 2011.
  • « Les créanciers devraient monter au capital d’Endemol », N. Ra., Les Echos, 12 décembre 2011.
  • « Endemol s’éloigne de la téléréalité », Paule Gonzalès, Le Figaro, 13 décembre 2011.
  • « Endemol : la stratégie de l’ex-reine de la téléréalité pour redorer son image », Sandrine Cassini, latribune.fr, 14 décembre 2011.
  • « Endemol : Apollo rejoint John de Mol comme actionnaire de référence », Les Echos, 15 mars 2012.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici