Après avoir annoncé, le 16 juillet 2013, la scission en deux entités du groupe Groupe Hersant Media (GHM), l’une détenue par la famille Hersant, l’autre par le Groupe Bernard Tapie (voir REM n°28, p.20), les deux actionnaires ont finalement buté sur les conditions de leur divorce. La famille Hersant et le Groupe Bernard Tapie (GBT) contrôlent en effet à parité GHM depuis l’arrivée de Bernard Tapie au capital du groupe en décembre 2012 (voir REM n°25, p.23). Incapables de s’entendre, les deux actionnaires ont donc opté pour une séparation à peine un an après s’être unis, le protocole d’accord de juillet 2013 prévoyant que GBT contrôlerait la totalité de La Provence, 50 % de Corse Matin et 25 % du Groupe Hersant Media, lequel coifferait donc Nice Matin, Var Matin et le pôle ultramarin France Antilles. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu, notamment parce que la situation du titre Nice Matin a fragilisé l’ensemble GHM.
Le 3 juillet 2013, à l’occasion du conseil d’administration de GHM, Dominique Bernard, son directeur général, indiquait que Nice Matin était devenu déficitaire pour la première fois, la perte étant estimée à 6,5 millions d’euros en 2013 pour un chiffre d’affaires de 96 millions d’euros. Dès lors, un plan de restructuration s’est imposé, qui doit passer par la suppression de 180 à 200 postes (dont 40 à 50 journalistes) sur les 600 postes que compte l’ensemble Nice Matin–Var Matin. S’ajoute au plan de départs un investissement de 10 millions d’euros, dont la moitié consacré à la modernisation des rotatives des titres, l’autre moitié dans le développement de l’offre numérique. En tout, ce sont donc 14 millions d’euros qui sont nécessaires pour relancer Nice Matin, une dépense que Philippe Hersant ne souhaite pas financer, ce qui l’a conduit à demander à Bernard Tapie de contribuer au financement du plan de départs. Bernard Tapie s’est dit prêt à s’engager à hauteur de 20 à 25 millions d’euros, mais à condition de prendre le contrôle de Nice Matin. Dès lors, les positions des deux actionnaires étaient inconciliables et rendaient impossible l’application de l’accord de juillet 2013.
Faute d’un accord entre les deux parties, un conciliateur a été nommé en septembre pour trouver le meilleur équilibre entre les participations croisées des deux actionnaires de GHM, en tenant compte désormais des difficultés de Nice Matin. En effet, l’accord de juillet valorisait beaucoup plus fortement Nice Matin, comparé à La Provence, alors que le titre est désormais déficitaire, ce qui avait conduit le Groupe Bernard Tapie à disposer d’une participation minoritaire dans GHM (25 % du capital) une fois ce dernier amputé de La Provence. L’accord finalement trouvé le 20 décembre 2013 inverse complètement le rapport de forces. En effet, dans le nouveau compromis, GBT n’a pas de participation au sein de GHM, qui fédère toujours Nice Matin, Var Matin et France Antilles. En revanche, GHM dispose d’une participation de 20 % dans La Provence. Enfin, Corse Matin reste détenu à parité entre La Provence et GHM. Autant dire que ce compromis évite à Bernard Tapie d’avoir à financer le plan de restructuration de Nice Matin, en contrepartie de quoi il se retrouve avec une participation de 20 % de GHM au capital de La Provence.
Pour le groupe La Provence, l’accord du 20 décembre 2013 ouvre la page de son indépendance retrouvée, Bernard Tapie s’étant engagé à investir jusqu’à 10 millions d’euros afin de diversifier ses activités autour de la marque « La Provence », notamment dans le numérique. Cette stratégie sera menée par Marc Auburtin, promu PDG du groupe le 10 décembre 2013, alors qu’il était auparavant directeur général délégué de La Provence aux côtés d’Olivier Mazerolle, par ailleurs directeur de la rédaction. La prise de contrôle par GBT du groupe La Provence est effective depuis le 10 janvier 2014, ce qui ouvre la clause de cession.
Sources :
- « La Provence et Nice Matin réinventent leur avenir séparément », Paul Molga et Chrsitine Navas, Les Echos, 25 juillet 2013.
- « Bras de fer Hersant-Tapie autour de Nice Matin et Corse Matin », Alexandre Debouté, Le Figaro, 21 octobre 2013.
- « Bernard Tapie se dit prêt à prendre le contrôle de Nice Matin », Alexandre Debouté, Le Figaro, 23 octobre 2013.
- « Presse : Bernard Tapie et Philippe Hersant se séparent », Nathalie Silbert, Les Echos, 23 décembre 2013.
- « Nice Matin veut éviter le dépôt de bilan », Alexandre Debouté, Le Figaro, 21 janvier 2014.