La constitution du numéro 1 mondial de la publicité, devant l’actuel leader, le britannique WPP, ne passera pas par une fusion entre Publicis et Omnicom, les deux groupes n’étant pas parvenus à s’entendre sur les conditions de cette alliance entre « égaux », chacun souhaitant finalement être un peu plus « égal » que l’autre.
Annoncé le 28 juillet 2013 depuis la terrasse de Publicis sur les Champs-Elysées (voir REM n°28, p.47), la fusion surprise entre les numéros 2 et 3 du marché mondial de la publicité ne verra finalement pas le jour. C’est le 9 mai 2014 que l’échec de la fusion a été officiellement annoncé et expliqué, cet échec étant dû à l’impossibilité de fusionner entre égaux, sans trancher lequel, finalement, du « gros » Omicom ou du plus petit et plus agile Publicis allait l’emporter. En effet, la fusion devait réunir deux groupes aux profils différents, Omnicom étant d’abord positionné sur la publicité traditionnelle, surtout aux Etats-Unis, quand Publicis a su grandir grâce au numérique et aux pays émergents. De l’ancien ou du nouveau, la fusion semblait sur le papier privilégier le nouveau, Publicis devant imposer sa vision des marchés parce qu’il a su, avant ses concurrents, se positionner sur les secteurs aujourd’hui les plus porteurs. D’ailleurs, la fusion entre « égaux » donnait un avantage à Publicis,le numéro 3 du marché réalisant en 2013 un chiffre d’affaires de 6,9 milliards d’euros, contre 10,35 milliards d’euros pour Omicom, le numéro 2 du marché. Or, la fusion faisait aussi émerger un mastodonte de la publicité à la télévision sur le premier marché publicitaire au monde, les Etats-Unis, où Omnicom est très puissant. Dès lors, Omnicom a souhaité intégrer en son sein Publicis plutôt que de partager avec le groupe français une vision stratégique et les postes clés du nouvel ensemble. C’est du moins ce qu’a expliqué Maurice Lévy, président du directoire de Publicis, après l’annonce de l’échec de la fusion. Il a dénoncé la volonté d’Omnicom d’imposer ses hommes à la tête du groupe, en l’occurrence la direction financière et la direction juridique. Dans les faits, une telle organisation aurait fait de New York, actuel siège d’Omnicom, le centre décisionnel de la nouvelle entité. Enfin, et même si cet aspect était acté lors de l’annonce de la fusion en juillet 2013, Omnicom aurait buté sur la très lourde réorganisation que lui imposait la fusion, à savoir aligner sa politique de rémunération sur celle de Publicis, où les salaires sont près de 30 % inférieurs à Omnicom, gage d’une bien meilleure rentabilité.
D’autres facteurs ont également retardé la fusion puis conduit à son échec. Le montage pour une fusion entre égaux est en effet complexe et difficile car, légalement, il faut que l’une des deux entreprises rachète l’autre, un point jamais précisé officiellement et pourtant fortement symbolique. Enfin, Omnicom a expliqué l’échec par la complexité politique du dossier, l’installation du siège social au Pays-Bas afin de bénéficier d’un dispositif fiscal avantageux ayant soulevé des problèmes. C’est d’ailleurs ces difficultés qu’Omnicom a mentionnées dès le 21 avril 2014 pour indiquer une première fois que la fusion était menacée. A cette occasion, le Royaume-Uni a été présenté comme nouvelle résidence fiscale possible pour la nouvelle entité. Les autorités américaines comme françaises, confrontées à ces pratiques de manière récurrente, auront sans doute freiné en coulisse ces velléités d’expatriation fiscale…
Restent donc les enjeux, pour Omnicom comme pour Publicis, qui doivent désormais se développer chacun de son côté. Concernant Omnicom, la réorganisation prévue dans le cadre de la fusion avec Publicis a indiqué qu’une rentabilité plus élevée est possible. Concernant Publicis, la question de la taille, si elle ne se pose pas sur le marché classique de la publicité, ressurgit toutefois sur le marché numérique. En effet, Publicis avait justifié la fusion au nom de la nécessaire course à la taille pour que les agences de communication puissent, demain, résister aux géants de l’internet, la communication devant passer de plus en plus par la récolte, le traitement et l’exploitation à grande échelle des données des clients. De ce point de vue, l’urgence d’une adaptation au nouveau contexte numérique, en l’occurrence en termes de moyens technologiques, est intacte. Maurice Lévy a d’ailleurs insisté tout particulièrement sur ce point quand il a présenté ce que sera la stratégie de Publicis sans Omnicom : l’objectif est de porter de 40 à 50 % la part du numérique dans le chiffre d’affaires du groupe à l’horizon 2018 et de procéder à des acquisitions ciblées dans la technologie et le big data. Un autre objectif sera aussi de trouver un remplaçant à Maurice Lévy à la tête du groupe, ce que réglait la fusion avec Omnicom…
Sources:
- « La fusion Publicis-Omnicom menacée pour des raisons fiscales », Véronique Richebois, Les Echos, 23 avril 2014
- « Les relations dégradées entre Publicis et Omnicom menacent leur fusion », Véronique Richebois, Les Echos, 28 avril 2014.
- « La grande fusion Publicis-Omnicom n’a pas résisté aux luttes de pouvoir », Enguérand Renault, Le Figaro, 10 mai 2014.
- « Publicis-Omnicom : le jour d’après… l’échec », Isabelle Chaperon, Le Monde, 11 mai 2014.
- « Publicis : l’avenir sans Omnicom », Alexandre Counis, Véronique Richebois, Les Echos, 12 mai 2014.