Galileo encore retardé

Le lancement manqué de deux satellites en août 2014 risque de retarder une fois encore la mise en service du système de navigation européen.

Doresa et Milena, les satellites 5 et 6, ne complèteront pas la constellation de Galileo (voir REM n°26-27, p.18). Lancés par la fusée russe Soyouz depuis la base de tir de Kourou en Guyane, le 22 août 2014, les deux engins ont été placés sur une mauvaise orbite, à 17 000 km de la Terre au lieu de 23 500. La défaillance d’un instrument de navigation pourrait en être la cause, entraînant une perte de 140 millions (lancement compris) sur le budget de Galileo. Une enquête en cours précisera les raisons de ce ratage, mais les satellites sont de toute façon perdus pour Galileo. Ces deux satellites, avec les quatre autres prévus en décembre 2014 et en avril 2015, devaient rejoindre les quatre satellites « test » lancés en 2011 et 2012 pour former un ensemble de dix unités, suffisant à la mise en route d’un service partiel dès 2015. Le calendrier de lancement de vingt-deux satellites d’ici à 2018 est donc retardé de plusieurs mois. De plus, la répartition des opérations sera probablement modifiée, entre la fusée russe Soyouz (deux satellites par lancement), programmée initialement pour assurer la mise en orbite des dix prochains satellites, et l’européenne Ariane 5 (quatre satellites par lancement) retenue pour les douze suivants.

Une fois entièrement opérationnel, normalement en 2020, le programme Galileo, piloté par l’Agence spatiale européenne (ASE), comptera trente satellites, pour fournir à l’échelle planétaire des services de navigation d’une précision de quatre mètres pour la version gratuite et d’un mètre pour la version payante, bien supérieure à celle du GPS (Global Positioning System) américain qui couvre la planète depuis 1995. Si le projet Galileo date de 1999, il aura fallu attendre 2007 pour que les Etats membres parviennent à s’entendre afin d’y consacrer un financement public de 5 milliards d’euros. Pour la phase de déploiement en cours, couvrant la période 2014-2020, la Commission européenne s’est engagée à investir 7 milliards d’euros supplémentaires.

Galileo proposera quatre niveaux de prestation de navigation par satellite : un premier service ouvert et gratuit ; un deuxième, payant, plus sophistiqué ; un troisième réservé à la recherche et aux secours et, enfin, un quatrième, crypté, utilisé par les Etats pour la sécurité et la défense. De nombreux secteurs d’activité sont concernés par les services de Galileo, notamment les transports, le commerce électronique et la téléphonie mobile. Selon la Commission européenne, « un système de navigation mondial par satellite constitue, comme Internet, un catalyseur de services plutôt qu’un service autonome ». Les retombées économiques du système de navigation par satellite européen sont chiffrées à 90 milliards d’euros sur les vingt années à venir.

Le programme Galileo subit depuis son lancement une succession de déboires qui se traduit par plusieurs années de retard : manque de financements avec l’échec du partenariat initial public-privé ; divergences politiques des Etats membres face à la pression des Etats-Unis pour maintenir l’hégémonie du GPS ; bataille concurrentielle entre industries nationales (la PME allemande OHB contre Thales Alenia Space et EADS Astrium) ; coûts de développement imprévus ; délais non tenus pour la fabrication des satellites… Pendant ce temps, les grandes puissances émergentes s’activent sur le marché de la géolocalisation. La Russie, la Chine et l’Inde développent leur propre système de navigation par satellite. Opérationnel sur l’ensemble de la planète depuis 2011, le programme russe Glonass est en cours de perfectionnement – quoique victime lui aussi d’échecs techniques – avec pour ambition d’améliorer sa précision à 0,6 mètre en 2020. La Chine est en train de substituer à son premier dispositif, Beidou, lancé en 2012 et limité à la zone Asie-Pacifique, le programme planétaire Compass, à l’échéance de 2020. En Inde, le système de navigation par satellite IRNSS en cours de développement est d’envergure régionale, à l’instar de celui que le Japon construit de son côté, baptisé QZSS. Face au récent scandale des écoutes généralisées de la NSA (voir REM n°28, p.69), les nations cherchent à renforcer leur indépendance, à ne plus dépendre du GPS américain et à bénéficier d’un marché en pleine expansion, évalué à 500 milliards de dollars d’ici à 2020. Disposer de leur propre système de navigation par satellite est un enjeu de souveraineté nationale (voir infra).

Sources :

  • « Galileo : des retombées économiques de 90 milliards d’euros pour l’Europe », Dominique Gallois, Le Monde, 20 août 2014.
  • « Galileo, le GPS européen, commence son déploiement », Bruno Trévidic, Les Echos, 22-23 août 2014.
  • « La Chine et la Russie se placent en concurrents », T.V., Les Echos, 22-23 août 2014.
  • « La mise en place de Galileo, le futur rival du GPS, pourrait prendre jusqu’à six mois de retard », Dominique Gallois, Le Monde, 26 août 2014.
  • « Après le fiasco de Galileo, la responsabilité russe pointée du doigt », Dominique Gallois, Le Monde, 9 septembre 2014.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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