A l’occasion d’une loi qui devait lui rendre le pouvoir de nomination des présidents de l’audiovisuel public, le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) a vu ses prérogatives étendues en direction de la régulation économique de secteur, comme de la régulation des contenus sur l’internet.
Le premier acte de la refonte de la loi audiovisuelle de 1986 s’est très officiellement achevé avec la promulgation de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Ce premier acte devait s’apparenter à la « petite » loi, rapidement adoptée, avant la « grande » loi de régulation de l’audiovisuel prévue en 2014. La loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public avait d’abord pour objectif d’ honorer une promesse électorale du président de la République, la fin de la nomination par l’exécutif des présidents des groupes audiovisuels publics (voir REM n°28, p.22). Le premier projet de loi ne comportait d’ailleurs que trois volets : le premier volet consistait à rendre au CSA le pouvoir de nomination des présidents de l’audiovisuel public ; le deuxième modifiait la composition et les conditions de nomination des membres du CSA (son président reste nommé par le président de la République, le nombre de membres passe de 9 à 7, afin qu’aucun des autres membres ne soit nommé par le président de la République) ; enfin, le troisième volet revenait sur le dispositif de sanctions du CSA à la suite de la découverte d’une faille juridique. Mais, finalement, la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a vu sa portée s’élargir au fur et à mesure des lectures devant l’Assemblée et le Sénat, au point de s’être transformée en première étape de l’instauration du CSA comme régulateur économique de l’audiovisuel français, voire des contenus créatifs sur l’internet.
La transformation du CSA en régulateur économique du secteur audiovisuel est une demande de son président, Olivier Schrameck, lequel considère que les finalités socioculturelles qui sont actuellement celles du CSA ne peuvent être assumées qu’à condition de disposer d’un pouvoir de régulation économique du secteur, ce qui relève du bon sens, mais qui revient à transformer en profondeur le CSA en lui accordant des prérogatives relevant actuellement de la seule Autorité de la concurrence. La loi de régulation et de développement de l’audiovisuel public attendue en 2014 pourrait lui conférer ces nouveaux pouvoirs dans la mesure où la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public vient d’ouvrir une brèche en ce sens. En effet, en accordant aussi au CSA le droit d’autoriser le passage d’une fréquence de TNT payante en fréquence sur la TNT gratuite, la loi lui impose de lancer au préalable une étude d’impact évaluant toutes les conséquences, sur les programmes comme du point de vue économique. Cet intérêt nouveau porté aux conséquences économiques des décisions du CSA, quand son rôle était d’abord de veiller à la qualité et à la diversité des programmes, se retrouve également dans les prérogatives que la ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, accorde implicite- ment au CSA, chargé d’auditionner toutes les deux semaines un représentant de France Télévisions sur la politique du groupe audiovisuel public. Ces auditions se font bien sûr au titre des engagements de France Télévisions en termes de qualité des programmes, sinon que cette dernière passe quand même par des investissements dans les contenus, ce qui a conduit le CSA à produire des notes à forte composante économique sur la stratégie du groupe audiovisuel.
Enfin, la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public renforce les pouvoirs de CSA à l’égard des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Ces derniers, depuis la loi du 5 mars 2009, doivent déclarer leur activité auprès du CSA, lequel sera désormais également chargé du règlement des différends les concernant. Avec cet élargissement de son périmètre, le CSA fait un grand pas vers une régulation des contenus audiovisuels sur internet, un pas que la loi sur la régulation et le développement de l’audiovisuel devrait confirmer en lui confiant les pouvoirs jusqu’ici impartis à la Hadopi. S’il veut continuer à jouer un véritable rôle dans le paysage audiovisuel, le CSA devra en effet étendre son activité à l’internet où se dessine déjà l’avenir de la télévision, qu’il s’agisse des applications vidéo sur les téléviseurs connectés ou du foisonnement des chaînes sur YouTube. Le CSA estime en effet que les contenus vidéo postés sur la Toile relèvent de sa compétence, y compris quand il ne s’agit pas de services listés comme des SMAD, YouTube ou Dailymotion étant par exemple considérés comme des hébergeurs de contenus postés par des tiers, mais également quand il s’agit de sites de radio mettant à disposition des vidéos des émissions, le CSA ayant demandé que ces sites soient déclarés comme des SMAD.
Sources :
- « Comment Olivier Schrameck tisse sa toile au CSA », Fabienne Schmitt, Les Echos, 9 octobre 2013.
- « France Télévisions mis sous étroite surveillance par le CSA et l’exécutif », Grégoire Poussielgue, Les Echos, 31 octobre 2013.
- « Filippeti : « Le CSA est dans son rôle sur le dossier France Télévisions » », Caroline Sallé et Benjamin Ferran, Le Figaro, 11 novembre 2013.
- « Le CSA va tenir l’avenir de LCI entre ses mains », Fabienne Schmitt, Les Echos, 19 novembre 2013.
- « Vidéos sur les sites internet de radio: le CSA veut les encadrer, RTL dépose un recours », Emmanuel Paquette, lexpress.fr, 25 novembre 2013.
- « Le président de Radio France sera désigné le 7 mars », interview d’Olivier Schrameck, président du CSA, par Enguérand Renault, Le Figaro, 16 décembre 2013.