MCN (Multi-channel network)

Labréviation MCN pour l’expression anglo-saxonne multi-channel network, traduite en français le plus souvent par réseau multi-chaînes ou réseau de chaînes, désigne un agrégateur de chaînes, spécialisé dans la valorisation des contenus vidéo sur les plates-formes telles que YouTube ou Dailymotion.

Accompagnant l’essor des services over the top, un réseau multi-chaînes ou MCN est une société aux multiples activités dévolues à la diffusion de contenus sur YouTube ou Dailymotion.

Fédérant de nombreuses chaînes web en bouquet, le MCN assure, selon les cas, les diverses activités de prospection, de production, de marketing, de gestion des droits d’auteur et de régie publicitaire. Afin d’étendre leur audience en touchant ceux des internautes, toujours plus nombreux qui préfèrent regarder leurs programmes en ligne, quand bon leur semble, les chaînes traditionnelles se rapprochent de ces nouveaux acteurs de la création et de la diffusion de contenus en ligne, afin d’accroître leur visibilité sur internet et de comptabiliser ainsi leurs programmes en dizaines, voire en centaines, de millions de vidéos vues par mois.

Aux Etats-Unis, pays dont les MCN sont originaires, de nombreux animateurs vedettes consolident significativement sur le web le succès d’audience de leurs émissions diffusées à l’antenne, recueillant sur leur chaîne YouTube plusieurs centaines de millions de vidéos vues par mois, contre une dizaine de millions de téléspectateurs. Nés en 2008 des premiers partenariats commerciaux proposés par la plate-forme vidéo de Google aux jeunes internautes, créateurs de vidéos humoristiques plébiscitées par des millions d’internautes, les MCN se sont imposés en tant qu’intermédiaires, négociant pour ces YouTubers talentueux, les droits d’exploitation des images utilisées dans les vidéos postées, moyennant le prélèvement d’une commission sur leurs revenus publicitaires. A l’époque, cette nouvelle pratique attisait les convoitises. Certains jeunes internautes y perdront leur liberté de création en se retrouvant liés par des contrats d’une trop longue durée ou deviendront complices, malgré eux, de la stratégie marketing d’une marque.

Indépendants ou liés à un groupe, les MCN sont aujourd’hui nombreux et comptent, pour certains, des milliers de chaînes YouTube affiliées, à l’instar d’AwesomenessTV ou de Fullscreen. Certains sont organisés autour d’une thématique, les jeux vidéo pour Machinima, la mode pour Style Haul, la cuisine pour Tastemade, ce dernier disposant même de ses propres studios de production à Santa Monica en Californie. En mai 2013, le studio de cinéma Dreamwork Animation acquiert l’un des plus importants MCN américains, AwesomenessTV, pour 33 millions de dollars, auxquels s’ajoute une partie variable, en fonction des résultats (earn-out fees), d’un montant de 84 millions de dollars. En avril 2014, AwesomenessTV a annoncé le rachat de son concurrent Big Frame pour 15 millions de dollars. Ensemble, ces deux MCN totalisent 80 millions d’abonnés et près d’un milliard de pages vues par mois. En mars 2014, le groupe Walt Disney a acquis le plus gros MCN américain, Maker Studios et ses 50 000 chaînes YouTube, 15 000 artistes sous contrat – mais ne dégageant encore aucun profit – pour 500 millions de dollars et un montant complémentaire à la performance de 450 millions. A la suite de cette transaction, le groupe français Canal+ revendra sa participation dans ce MCN, prise l’année précédente. Avec 400 millions d’abonnés – 80 % sont âgés de 18 à 34 ans et 60 % hors des Etats-Unis – et 5,5 milliards de vidéos vues par mois, Maker Studios réalise 70 % de son chiffre d’affaires par la publicité, provenant essentiellement des 17 % de commission reversés par Google pour la mise en ligne des messages publicitaires.

Intermédiaires entre les créateurs de contenus et les plates-formes de partage de vidéos, les MCN sont devenus des acteurs économiques importants, générateurs d’audience et de revenus sur les plates-formes de partage de vidéos. A tel point que Google a décidé qu’à partir de janvier 2014 les vidéos mises en ligne par les créateurs affiliés à un MCN seraient désormais passées, comme les autres, avant leur mise en ligne, au crible de Content ID, son outil d’identification des œuvres protégées, alors qu’elles en étaient jusqu’alors exclues.

Structures d’un genre nouveau dans le domaine de la création audiovisuelle, les MCN intéressent aussi, bien évidemment, les groupes de médias européens quelque peu désarmés devant les scores d’audience réalisés sur YouTube, comparés à ceux de leurs classiques chaînes de télévision.

L’antenne américaine de la filiale de production de RTL Group (Bertelsmann), FremantleMedia, l’un des plus importants producteurs de programmes TV au monde, s’est alliée, moyennant 6 millions de dollars, à StyleHaul, MCN américain spécialisé dans la mode, comptant 104 millions d’abonnés et plus de 2 000 chaînes. Premier producteur mondial de contenus (Big Brother, Star Academy, La Ferme des célébrités…), le groupe néerlandais Endemol a annoncé, en novembre 2013, la création d’Endemol Beyond, pour un investissement de 30 millions d’euros. Lancé sur toutes les plates-formes vidéo en ligne, YouTube, Dailymotion, Yahoo!, AOL et MSN, ce MCN regroupant les 100 chaînes YouTube d’Endemol déjà existantes, a noué en quelques mois des partenariats avec 150 autres chaînes qui totalisent 260 millions de vidéos vues par mois.

En France, Webedia, filiale internet du groupe Fimalac qui édite les sites web Purepeople, Puremedias, Purebreak, Allociné et 750g, a repris le MCN français Melberries en février 2014, afin de décliner son offre web de contenus thématiques sur des chaînes YouTube ou Dailymotion. Spécialisé dans la gestion des droits, la rémunération des artistes et des producteurs, ainsi que dans la commercialisation et la promotion des contenus, Melberries est ainsi devenu le seul MCN français disposant de sa régie publicitaire intégrée. Fort du succès de sa première chaîne YouTube créée en novembre 2012, Studio Bagel, premier MCN lancé en France, a été racheté, quant à lui, par le groupe Canal+, en mars 2014. Il commercialise aujourd’hui une quinzaine de chaînes YouTube.

Avec 1 800 chaînes YouTube et plus de 800 millions de vidéos vues par mois, Base79 est le plus important MCN européen indépendant.

Lancé en 2007 sous le nom de My Video Rights, il est présent à Londres, Paris, Berlin, Madrid et Santa Monica en Californie. Son bureau parisien compte notamment parmi ses clients, l’humoriste Rémi Gaillard, l’animateur Sébastien Cauet, ainsi que la Fédération française de football, les clubs Paris Saint-Germain et AS Monaco et la 20th Century Fox France. A travers sa filiale Brand79, ce MCN s’est aussi spécialisé, comme d’autres, dans la production de contenus destinés aux annonceurs (brand contents), qui utilisent de plus en plus la vidéo en ligne pour promouvoir leur marque. Wizdeo ou Believe Digital sont deux autres MCN français indépendants parmi les mieux implantés.

Devant le succès planétaire de YouTube qui engendre environ 5,6 milliards de dollars de recettes publicitaires (dont 2 milliards nets pour son propriétaire Google) avec un milliard d’utilisateurs et 6 milliards d’heures de vidéos vues par mois, la plupart des grands diffuseurs ont développé leur MCN regroupant des chaînes destinées aux plates-formes vidéo, nourries de leurs émissions diffusées à l’antenne ou de contenus produits spécialement pour le Net, comme la BBC, Euronews, France Télévisions et M6. Les professionnels de la télévision ont compris qu’ils devaient prendre au sérieux ces jeunes créateurs YouTubers qui comptent leurs fans en millions (Cyprien, Norman, les membres du Studio Bagel et de Golden Moustache sont parmi les plus populaires du web français), capables de séduire leur public. Néanmoins, la faiblesse des tarifs de la publicité sur le Net, doublée du partage des revenus publicitaires avec Google, ne permet qu’à une poignée d’entre eux de vivre de leurs créations sur le web. De même, ces nouvelles mini-majors du Net que sont les MCN diversifient leurs activités pour espérer être rentables. Concentrant une part importante de la consommation vidéo sur le Net, les MCN n’en constituent pas moins des acteurs majeurs sur ce nouveau marché très segmenté des chaînes web, viable grâce au moins à leur notoriété. L’intérêt bien compris des producteurs et des diffuseurs classiques est donc de s’allier à ces nouveaux acteurs internet, pour assurer la promotion de leurs programmes, proposer de nouveaux formats, s’adapter aux nouveaux modes de consommation TV, étendant ainsi leur audience quel que soit le mode de diffusion. Selon une étude sur l’avenir de la télévision « TELE(vision) » réalisée par le département d’expertise prospective, We Believe, du groupe de communication Dentsu Aegis Network, les contenus délinéarisés verront leur part d’audience augmenter de 4 % d’ici à 2018 au détriment de la diffusion des programmes en direct, tandis que les chaînes traditionnelles perdront 3 % de part du marché de l’audience.

Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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