Numéro 23 sauvée par le Conseil d’État

Après la décision du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), le 14 octobre 2015, d’abroger l’autorisation d’émettre de Numéro 23 (voir La rem n°37, p.5), l’affaire semblait entendue pour la chaîne à qui il était reproché d’avoir conclu un pacte d’actionnaires avec le russe UTH et d’avoir « cherché avant tout à valoriser à son profit l’autorisation obtenue, dans la perspective d’une cession rapide ». Numéro 23 avait en effet annoncé son rachat par NextRadioTV en avril 2015 pour quelque 90 millions d’euros(voir La rem n°34-35, p.27).

Mais le Conseil d’État, devant qui la chaîne Numéro 23 s’était tournée, n’a pas eu la même lecture du pacte d’actionnaires conclu avec UTH. Dans un premier temps, le rapporteur public a confirmé la décision du CSA, le 25 mars 2016, en reconnaissant que le pacte d’actionnaires ne consistait pas à faire entrer un minoritaire au capital, mais se traduisait bien par un « contrôle conjoint » de la chaîne, lequel avait été dissimulé au CSA. En revanche, le rapporteur public n’a pas retenu la notion de « fraude » avancée par le CSA, qui reposait sur l’intention de cession à la conclusion du pacte d’actionnaires afin de réaliser une plus-value rapide.

Le 30 mars 2016, le Conseil d’État n’a pas suivi les conclusions de son rapporteur et a annulé la décision du CSA concernant le retrait de l’autorisation d’émettre de Numéro 23. Considérant que la fraude n’est pas avérée, le retrait de l’autorisation n’est plus possible selon le Conseil d’État. Ce dernier reproche au CSA – en filigrane – d’avoir pris une décision d’ordre plus politique que juridique puisqu’il indique que « le raisonnement du CSA, qu’il soit fondé ou pas, ne suffit de toute façon pas à démontrer que l’intéressé aurait eu pour seul objectif de réaliser une plus-value lorsqu’il a présenté sa candidature ».

Après un premier désaveu du CSA concernant LCI, cette deuxième décision du Conseil d’État fragilise de nouveau l’autorité indépendante de régulation. Le CSA a ainsi précisé, à la suite de la décision du Conseil d’État, « qu’en l’état de la législation, il ne lui est pas possible de remplir pleinement sa mission en sanctionnant les comportements des chaînes contraires à ces objectifs ». Las, le CSA n’a pu que constater ensuite la montée de NextRadioTV au capital de Numéro 23, à hauteur de 39 %, soit en position minoritaire, une annonce faite par Pascal Houzelot, l’actionnaire majoritaire de la chaîne, dans les colonnes du Monde le 12 avril 2016. L’arrivée de NextRadioTV au capital de Numéro 23 règle dans un premier temps la question des autres actionnaires minoritaires, que NextRadioTV remplace. Enfin, la conservation de sa fréquence par Numéro 23 a douché les espoirs de Paris Première d’accéder à la TNT en clair, comme elle a obligé la future chaîne d’information publique à trouver des voies nouvelles pour accéder directement à l’écran de télévision des Français.

Le Conseil d’État a encore eu l’occasion de revenir sur une décision du CSA concernant cette fois-ci le refus de passage en clair de Paris Première. À la suite du recours du groupe M6, le rapporteur du Conseil d’État a recommandé d’annuler la décision du CSA du fait d’une erreur de droit sur la prise en compte du périmètre de marché pour l’analyse de la demande de Paris Première, l’autorité de régulation ayant pris en compte la diffusion par câble et non les opérateurs de télécommunications. Le Conseil d’État, toutefois, n’a pas suivi son rapporteur et, le 16 juillet 2016, a confirmé la décision initiale du CSA sur Paris Première.

Sources :

  • « Nouveau revers pour la chaîne Numéro 23 », Marina Alcaraz, Les Echos, 29 mars 2016.
  • « Numéro 23 : le Conseil d’État désavoue le CSA », Alexandre Piquard, Le Monde, 30 mars 2016.
  • « Numéro 23 : NextRadioTV devient un partenaire minoritaire avec 39 % du capital », interview de Pascal Houzelot, actionnaire majoritaire de Numéro 23, par Alexandre Piquard, Le Monde, 12 avril 2016.
  • « Paris Première peut espérer un passage en clair », Caroline Sallé, Le Figaro, 2 juillet 2016.
  • « Le Conseil d’État rejette le recours contre les décisions du CSA autorisant le passage de LCI sur la TNT gratuite et le refusant à Paris Première », communiqué du Conseil d’État, 13 juillet 2016.
  • « Le Conseil d’État laisse Paris Première en payant », Caroline Sallé, Le Figaro, 14 juillet 2016.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

2 Commentaires

  1. Bonjour,
    Mon commentaire précédent n’était pas assez politiquement correct ?
    Il apportait pourtant un éclairage, me semble-t-il, différèrent.
    C’est dommage de ne citer que des sources favorables à Pascal Houzelot et de ne pas aborder cette affaire sous le seul angle qui convienne dans une revue comme la votre, à savoir celui d’une escroquerie à 100 millions d’euros avec revente prévue dès le premier jour (avant même l’appel à candidatures) et pacte de corruption à la clé.
    Bien cordialement,
    Didier Maïsto

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