La Commission européenne envisage une territorialisation européenne des aides au cinéma

Après un premier échec en 2004, la Commission européenne envisage de nouveau de revenir sur le principe de la territorialisation nationale des aides publiques au cinéma. Elaborée en 2001 et revue en 2004, l’actuelle communication cinéma, dite communication Monti-Reding, expire en juin 2007. A l’occasion de sa révision, Viviane Reding, la commissaire chargée de la Société de l’information, et Neelie Kroes, chargée de la concurrence, souhaitent qu’une territorrialisation européenne des aides remplace l’actuelle territorialisation nationale qui fait régulièrement l’objet de condamnations pour atteinte à la libre concurrence sur le marché intérieur des services. Les deux commissaires reprochent au système actuel de fragmenter le marché européen, interdisant ainsi des coproductions européennes de grande ampleur qui permettraient aux films européens de rivaliser avec les productions hollywoodiennes. Elles proposent une territorialisation européenne des aides publiques au cinéma en échange d’un « règlement d’exemption » qui sanctuariserait définitivement le principe des aides au cinéma et les conditions juridiques de son application. En effet, ces dernières ont été jusqu’ici assez instables, du fait des révisions régulières de la communication cinéma.

Le principe de territorialisation nationale des aides, encore en vigueur, tend en effet à empêcher les coproductions à parts égales entre partenaires de pays différents, puisqu’il autorise les Etats membres à imposer aux producteurs de dépenser jusqu’à 80 % du budget de leur film sur le territoire national pour pouvoir bénéficier des aides publiques. Alors même que les aides ne représentent en moyenne que 20 % du coût total du film, leur octroi détermine souvent le pays dans lequel sera tourné le film. En conséquence, chaque pays produit des films pour son marché national. Au nom du principe de territorialisation nationale, les Etats et les régions ont également développé des dispositifs particuliers qui rendent difficile toute délocalisation d’une partie de la production. Ainsi, le 1er janvier 2004, la France a mis en place un crédit d’impôt pour les films tournés et réalisés techniquement sur le territoire national. Les régions participent également au financement de certains films en contrepartie d’un tournage sur place.

Si elles entravent l’émergence d’une industrie cinématographique européenne intégrée, ces dispositions évitent toutefois de nombreuses délocalisations des tournages vers les pays à bas coûts d’Europe, notamment les pays d’Europe de l’Est. Elles maintiennent sur le territoire national des pays européens les plus riches des savoir-faire et des techniques sans lesquelles la production nationale disparaîtrait et, avec elle, une partie de la diversité culturelle en Europe. Reste à savoir si la territorialisation européenne des aides, qui rend sans intérêt le versement d’aides par les régions ou le crédit d’impôt dès lors qu’il n’y a plus de contrepartie sur le plan économique, permettra quand même à une véritable industrie européenne du cinéma d’émerger, constituée au- tour de projets communs plutôt qu’en fonction de considérations financières. Quoi qu’il en soit, Viviane Reding a annoncé au Parlement européen que le système actuel d’aides nationales est prorogé jusqu’en 2009.

Sources :

  • « Bruxelles se penche sur le financement du cinéma », Paule Gonzales, Le Figaro, 23 octobre 2006.
  • « Bruxelles prolonge les règles d’aides au cinéma », Grégoire Pinson, La Tribune, 19 décembre 2006.
  • « Cinéma : Bruxelles veut modifier en profondeur le régime des aides », Karl de Meyer, Les Echos, 20 décembre 2006.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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