L’audiovisuel en France : les lois du 5 mars 2009

L’adoption des lois du 5 mars 2009 marque un véritable tournant pour le service de l’audiovisuel public. Elle fait suite à une obligation de mise en conformité de la législation française avec la directive européenne du 11 décembre 2007 visant les services de médias audiovisuels (SMA). Elle procède aussi de la volonté du gouvernement français de créer d’une part, une nouvelle gouvernance du service public de l’audiovisuel et, d’autre part, une nouvelle forme de coexistence entre le secteur public et le secteur privé de l’audiovisuel.

Après plus d’un an de travail et conformément à l’annonce faite par le président de la République le 8 janvier 2008, la Commission présidée par Jean-François Copé, chargée de proposer une réforme de l’audiovisuel public, a élaboré le projet de loi qui, adopté en février 2009 et, pour l’essentiel, validé par le Conseil constitutionnel a été promulgué le 5 mars 2009. Il s’agit en réalité d’un ensemble de deux lois, l’une organique et la seconde ordinaire, datées du 5 mars 2009.

L’adoption de ces deux lois qui redessinent profondément le paysage audiovisuel français, jusqu’à présent en grande partie régi par une loi datant du 30 septembre 1986, a fait couler beaucoup d’encre.

Si ces lois sont d’abord novatrices en ce qui concerne le régime de la publicité à la télévision, elles instaurent également toute une série de mesures bouleversant le cadre juridique de l’audiovisuel en France.

La publicité à la télévision

La suppression partielle puis totale de la publicité sur les chaînes publiques est une des mesures qui ont suscité les réactions les plus nombreuses. Désormais, entre 20 heures le soir et 6 heures le lendemain matin, la publicité sur les chaînes publiques disparaît, entraînant un décalage des programmes télévisés du soir fixés jusqu’alors à 20 h 50. La ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, a aussitôt encouragé cette nouvelle mesure en précisant, que les téléspectateurs allaient ainsi bénéficier d’une plus grande diversité de programmes.

Cette suppression partielle de la publicité sur les chaînes publiques n’est que la première étape avant la suppression totale prévue pour le 30 novembre 2011. Cette date correspond au basculement complet de la télévision analogique vers le numérique. Il faut cependant préciser qu’en ce qui concerne la chaîne RFO, cette suppression se fera de manière plus progressive encore. Le rythme de passage au numérique, plus étalé dans le temps, mais aussi l’important développement d’un secteur privé non crypté concurrentiel dans les zones de couverture de RFO, expliquent cette différence de traitement. De la même façon, et pour respecter la singularité de la chaîne France 3, la publicité y restera autorisée pour des décrochages régionaux. Le caractère particulier de France 3, qui est d’être la chaîne des régions, se trouve par la même occasion clairement réaffirmé par la loi.

L’apport financier de la publicité, qui représentait une source de financement importante pour les chaînes publiques, soit environ 30 % du budget global de France Télévisions, sera remplacé par un dispositif de financement nouveau instauré par la loi ordinaire du 5 mars 2009. La mise en place de ce dispositif a néanmoins suscité auprès du Conseil constitutionnel quelques réticences.

Pour compenser la perte des recettes publicitaires, la loi prévoit l’indexation sur l’inflation de la redevance audiovisuelle (rebaptisée pour l’occasion « contribution à l’audiovisuel public »), ainsi que l’instauration de nouvelles taxes : une taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications et une taxe plafonnée à 3 % sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision privées après 2011. Cette taxe voit son taux fixé à 1,5 % en 2009 et progressera de 0,5 % supplémentaire chaque année jusqu’à atteindre un plafond de 3 %. Chaque loi de finances aura donc comme objectif de fixer le montant de la compensation financière dont l’Etat devra s’acquitter pour combler le manque à gagner du secteur de l’audiovisuel public dû à la dispari- tion des recettes publicitaires.

La contrepartie de la suppression de la publicité sur les chaînes du service public est l’aménagement législatif d’une seconde interruption publicitaire des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles au profit des chaînes privées. Initialement la coupure pouvait avoir lieu par tranches de 60 minutes et pour une durée de 6 minutes pendant la diffusion des films, elle est désormais possible pour une durée de 9 minutes calculées sur le mode de « l’heure d’horloge ». Alors qu’habituellement les coupures publicitaires étaient déterminées selon le mode de « l’heure glissante », cette nouvelle méthode de calcul donne la possibilité de prévoir davantage de messages publicitaires aux heures où les téléspectateurs sont les plus nombreux devant leur écran. Cette mesure, souvent perçue comme un avantage donné aux chaînes privées hertziennes, peut néanmoins leur être préjudiciable parce que la publicité peut lasser les téléspectateurs, d’autant plus qu’au même moment, les chaînes privées payantes et les chaînes publiques seront interdites de coupures publicitaires pendant la diffusion d’œuvres cinématographiques.

Un cadre juridique nouveau pour l’audiovisuel public

Une autre mesure importante de cette réforme est l’instauration d’une nouvelle gouvernance de l’audiovisuel public, principalement opérée par le biais de la loi organique du 5 mars 2009 et inscrite dans le cadre plus général de l’article 13 de la Constitution. Les sociétés publiques de l’audiovisuel sont désormais réorganisées : France Télévisions devient une entreprise unique qui vient remplacer les sociétés qui composaient la holding. Désormais composée de différentes antennes et chargée de programmer ce qui était jusqu’à cette date édité par les sociétés France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO (article 3 de la loi), France Télévisions, mais aussi Radio France, ainsi que la société chargée de l’audiovisuel extérieur de la France, seront présidées par des personnalités nommées par le président de la République qui procédera par voie de décret. Les critiques, qui voyaient dans cette disposition une atteinte à la liberté de communication des pensées et des opinions, ont obtenu un certain nombre de garanties. La loi organique prévoit à cet effet que les nominations ne puissent intervenir qu’après l’avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et des commissions parlementaires compétentes. En ce qui concerne la révocation de ces pré- sidents nommés pour une période de cinq ans, elle ne devait initialement se faire que sur décret motivé après avis conforme et motivé du CSA et d’un avis des commissions parlementaires compétentes. Ces dernières auraient par conséquent pu exercer un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Quoi qu’il en soit, le Conseil constitutionnel, par une décision du 3 mars 2009, a jugé que l’indépendance du service public de radio-télévision n’était pas mis en péril par ce nouveau mode de nomination des présidents et que la liberté de communication n’était pas, par conséquent, en danger. Il a cependant considéré que le « droit de veto » accordé en matière de révocation n’était pas conforme aux hypothèses envisagées par l’article 13 de la Constitution pour les lois organiques. Cette dernière disposition de la loi a par conséquent été censurée par le Conseil. Cela a paradoxalement eu pour effet de déséquilibrer au profit du président de la République le dispositif de nomination et de révocation des présidents de l’audiovisuel public.

Une dernière ambition de cette réforme est également de transposer la directive communautaire « Services de médias audiovisuels » (SMA) du 11 décembre 2007 dans le domaine des « Services de médias audiovisuels à la demande » (SMAD). Ce texte, qui a pour but d’harmoniser les différentes législations des Etats membres pour faire face notamment aux évolutions commerciales que connaît l’Union européenne, instaure un cadre juridique pour les services de médias audiovisuels à la demande, en simplifiant les règles relatives à l’insertion de la publicité et du téléachat dans les programmes des services de télévision. La transposition en droit interne de cette directive SMA aura donc été l’occasion d’étendre les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 par le biais de la loi du 5 mars 2009 aux SMAD, tenus jusqu’à présent hors du champ d’application des dispositions de cette loi.

Pour Christophe Haquet, membre de la direction des affaires juridiques de France Télévisions, les lois du 5 mars 2009 ont pour objectif de « réaffirmer l’identité de la télévision publique en la libérant de toute logique commerciale ». L’avenir dira si, en France, un service public de l’audiovisuel, privé de ressources publicitaires, peut être une structure viable comme c’est le cas en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, ou si les ressources de remplacement qui lui seront allouées se révéleront incapables de compenser la disparition, même graduelle, de la publicité, mettant ainsi en péril les missions de service public qui sont les siennes.

Sources :

  • Directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 modifiée par la Directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007.
  • Loi organique n°2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés du secteur public.
  • Loi n°2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
  • Décisions du Conseil constitutionnel n°2009-576 DC et n°2009-57 DC du 3mars 2009
  • Communication relative au nouveau service public de l’audiovisuel présentée en Conseil des ministres, Christine Albanel, 11 mars 2009.
  • « Aperçu rapide », Emmanuel Derieux, La Semaine juridique Entreprise et affaires n°12, 19 mars 2009.
  • « Etude », Communication Commerce électronique, n°4, avril 2009.
  • « La loi du 5 mars 2009 et le nouveau service public de la télévision : une régénération controversée », Serge Regoud, Légipresse, n°260, avril 2009.
Avocat, docteur en sciences de l’information et de la communication

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