Hors film

L’expression désigne les manifestations culturelles ou sportives faisant l’objet d’une projection publique sur grand écran dans les salles de cinéma. Exceptionnelle il y a encore quelques années, cette pratique se répand. Face à la baisse des recettes due à une fréquentation insuffisante, des exploitants toujours plus nombreux organisent la projection de concerts, matchs de football ou de rugby sur grand écran dans près de 300 salles simultanément. Quelques exemples : en avril 2008, deux représentations en direct du Metropolitan Opera de New York, La Bohème de Giacomo Puccini et La Fille du régiment de Gaetano Donizetti, ont été proposées aux amateurs d’opéra dans une salle de cinéma, à Paris, et dans 16 autres salles en province, pouvant accueillir chacune entre 300 et 700 personnes, au prix de 18 euros la place.

Menée pour la saison 2007-2008, l’opération « Metropolitan Opera : Live in HD » a concerné huit représentations, dans environ 600 salles de cinéma en Amérique du Nord, en Europe, au Japon et en Australie, pour une audience potentielle d’un million de spectateurs. En France, la société CielEcran s’est spécialisée dans l’organisation de ce type de manifestation grâce à la mise en œuvre d’un système de vidéotransmission par satellite en haute définition, procédé qu’elle avait expérimenté auparavant pour la retransmission de matchs de football au cinéma.

En décembre 2008, le concert d’Elton John au Palais omnisports de Paris-Bercy a été retransmis en direct dans 36 salles de cinéma en France, et 72 salles en Europe (Suisse, Belgique, Espagne, Pays-Bas, Italie). Le prix des places était d’environ 17 euros, contre 9 euros habituellement pour un film, mais entre 73 euros et 194 euros à Bercy. Plus récemment, les finales du Tournoi des six nations, en mars 2010, et de la Coupe d’Europe de rugby en mai 2010 ont été diffusées en 3D relief, en partenariat avec la société CielEcran, dans une trentaine de salles de cinéma de grandes villes en France (voir infra).

L’avènement du numérique a évidemment contribué à accélérer cette évolution. Soucieux d’amortir les frais d’équipement numérique estimés à 100 000 euros par salle, les propriétaires de salles sont tentés de diversifier ainsi leur programmation, d’autant que le prix du billet de ces séances spéciales est doublé, pour atteindre environ 20 euros la séance. Le premier effet négatif du hors film est de chasser les films des écrans, et plus particulièrement les films d’auteur. Le grand nombre de sorties hebdomadaires, doublé de la programmation des grosses productions dans près de 800 salles, provoque déjà des embouteillages chaque mercredi, laissant peu de place aux « petits films », distribués avec moins de 120 copies chacun, dont la durée de vie en salle se trouve par conséquent extrêmement réduite.

Le second effet négatif de cette nouvelle programmation dite hors film est lié au mécanisme d’aide dont bénéficient également les exploitants. La taxe spéciale additionnelle (TSA), qui correspond à 10,72 % du prix du billet, alimente le compte de soutien à l’industrie cinématographique géré par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Une partie de cette taxe est reversée aux 5 500 salles que compte le parc cinématographique français. Le développement du hors film détourne ainsi du cinéma une partie de cette subvention calculée sur le prix du billet, par ailleurs vendu beaucoup plus cher.

A la veille de la Coupe du monde de football, accompagnée de l’avènement de la 3D relief (voir infra), le CNC souhaite encadrer la pratique du hors film afin de limiter les effets négatifs subis par l’exploitation de films dus à la concurrence de ces programmes autres que des œuvres cinématographiques. Un projet de décret est à l’étude pour réserver le versement de l’aide exclusivement à la projection de films, privant ainsi les salles d’un soutien financier calculé sur les billets d’entrée du hors film. En revanche, la projection de programmes autres que des films resterait assujettie à la taxe sur les billets qui alimente le compte de soutien du CNC.

Arguant du fait que le passage au numérique devrait s’accompagner de sources de revenus supplémentaires pour les exploitants, la Fédération internationale de football (Fifa) envisage de lancer un appel d’offres pour la retransmission de certains matchs dans les salles de cinéma. En outre, près d’un quart des Français seraient intéressés par ces retransmissions en 3D relief, selon une enquête de Médiamétrie. Même si cette activité reste marginale, redonnera-t-elle pour autant le goût aux amateurs de rugby ou d’opéra de voir des films sur les grands écrans des salles obscures ?

Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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