La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur avait défini le cadre réglementaire pour le développement de la TNT en France, deux ans après son lancement. Outre le basculement définitif de la télévision analogique en numérique au plus tard en novembre 2011, la loi prévoit l’octroi aux chaînes privées historiques d’une chaîne bonus en contrepartie de l’expiration de leur licence analogique en 2011 au lieu de 2012. TF1, M6 et Canal+ disposeront donc, en novembre 2011, une fois les fréquences analogiques libérées, d’une fréquence supplémentaire pour diffuser une chaîne par la voie numérique terrestre. L’octroi automatique de cette chaîne bonus est contesté par les services de la concurrence de la Commission européenne qui ont, le 24 novembre 2010, adressé une lettre de mise en demeure à la France, considérant la compensation accordée aux chaînes historiques potentiellement discriminatoire et disproportionnée.
Pour la Commission européenne, la France aurait dû au préalable estimer la valeur de marché de la compensation accordée, ainsi que celle du préjudice subi. En effet, la Commission européenne pointe un risque de surcompensation, les chaînes historiques ayant déjà reçu un canal bonus lors du lancement de la TNT, en 2005. Enfin, « la Commission doute qu’une telle compensation, à la supposer justifiée, puisse intervenir par l’octroi d’une chaîne en dérogation des dispositions normalement applicables » (directive 2002/77/CE du 16 septembre 2002, laquelle précise les conditions d’attribution des fréquences hertziennes), c’est-à-dire sans mise en concurrence préalable des différents éditeurs, comme ce fut le cas pour les chaînes de la TNT attribuées aux nouveaux entrants (les groupes AB, Bolloré, Lagardère, NextRadio TV, NRJ et Pathé).
La France dispose de deux mois pour répondre à la Commission européenne. Dès le mois de décembre 2010, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, précisait que l’octroi des chaînes bonus poursuit des objectifs d’intérêt général, en particulier le soutien à la création avec des engagements renforcés en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle, européenne et française. Reste que l’Italie a déjà dû, en 2008, modifier son dispositif d’attribution des nouvelles fréquences après une mise en demeure de la Commission européenne. La France cependant n’est pas dans une situation comparable, notamment parce qu’elle a ouvert de nouveaux canaux à l’occasion du lancement de la TNT. Enfin, sur le plan national, les chaînes historiques militent à l’inverse pour l’obtention de canaux supplémentaires alors que Canal+ et TF1 ont chacune atteint le seuil autorisé de sept chaînes sur la TNT (TF1, TMC, NT1 et la chaîne bonus pour les chaînes en clair du groupe TF1, ainsi que LCI, Eurosport et TF6 sur la TNT payante ; Canal+, Canal+ Sport, Canal+ Cinéma, Planète et TPS Star pour le groupe Canal+ sur la TNT payante, ainsi que iTélé en clair et un canal bonus). Canal+ considère notamment que la TNT payante, qui peine à se développer en France, ne rencontrera le succès qu’à la condition de proposer une offre élargie de chaînes, ce que la limitation à sept du nombre de canaux autorisés empêche. Le groupe M6, avec cinq chaînes sur la TNT (M6 et W9 en clair, Paris Première et TF6 sur la TNT payante, ainsi qu’une chaîne bonus), quant à lui, n’est pas encore concerné par le dispositif anticoncentration.
Sources :
- « Canal Plus veut des règles anticoncentration allégées », Jamal Henni, La Tribune, 10 novembre 2010.
- « Bruxelles juge illégales les chaînes bonus de TF1, M6 et Canal Plus », Jamal Henni, La Tribune, 30 novembre 2010.
- « Les chaînes bonus de la TNT sont d’intérêt général selon Mitterrand », Libération avec AFP, 14 décembre 2010.