La fin de la TVA à 5,5 % sur la moitié des abonnements ADSL aura été l’occasion pour tous les fournisseurs d’accès à Internet d’augmenter les tarifs des abonnements en proposant une déclinaison de l’offre standard à 30 euros. Ce faisant, ils annoncent des forfaits aux performances différentes, mêlant communication en direction des mobiles, offres quadruple play et services, sur un marché où la concurrence doit s’amplifier avec le développement des téléviseurs connectés et l’arrivée de Free Mobile en 2012.
L’abandon le 1er janvier 2011 du taux réduit de TVA à 5,5 %, instauré en 2007, sur la moitié du montant des forfaits d’accès Internet triple play pour la partie concernant l’acheminement de services de télévision, ainsi que sur certains forfaits mobiles donnant accès à Internet et donc à des services audiovisuels à la demande, a été l’occasion, pour les opérateurs français, d’abandonner le standard du triple play à 30 euros par mois instauré par Free en 2003. En effet, les fournisseurs d’accès à Internet par ADSL, Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom, ne se sont pas contentés d’augmenter le prix du forfait triple play du montant de la hausse de la TVA. Ils ont également profité de cette occasion pour décliner leurs offres et mettre fin à l’uniformisation tarifaire, reproduisant ainsi sur le fixe le modèle différencié adopté pour les offres de téléphonie mobile. En optant pour cette solution, les opérateurs brouillent la lisibilité de l’offre pour le consommateur et l’incitent à choisir des forfaits en fonction des performances proposées et des services fournis dans une gamme élargie d’offres. La recomposition des offres s’effectue en outre dans un contexte particulier, celui du développement des forfaits quadruple play et de l’arrivée prévue de Free sur le marché du mobile en 2012, le fournisseur d’accès à Internet s’étant emparé de fréquences lors de la mise aux enchères de la 4e licence UMTS. De manière générale, les nouvelles offres font baisser le coût de la communication mobile et augmenter celui de l’accès à l’ADSL, ce qui permettra sans aucun doute aux opérateurs de financer le développement en très haut débit de leurs réseaux et de régler en partie, par le marché, les problèmes posés par la neutralité du Net (voir le n°16 de La revue européenne des médias, automne 2010).
Ce sont les outsiders qui pratiquent les offres les plus agressives. Le premier à avoir innové est Bouygues Télécom, qui ne propose des offres d’accès à Internet que depuis 2008, alors qu’il est historiquement un opérateur de téléphonie mobile. Ainsi, le 25 mai 2009, Bouygues Télécom lançait Ideo, le premier forfait quadruple play en France, avec facture unique, à partir de 44,90 euros par mois, garantissant une économie certaine aux foyers en échange d’un engagement de l’abonné auprès de l’opérateur pour l’ensemble de ses services de communication. Enfin, Bouygues Télécom innovait encore le 24 mai 2010 en proposant pour la première fois la téléphonie mobile en illimité à ses abonnés quadruple play avec l’offre Ideo 24/24, facturée 99,80 d’euros par mois. Cette offre agressive sur le mobile doit permettre à Bouygues d’attirer des clients quadruple play et de les fidéliser avant que Free ne soit en mesure de proposer à son tour les forfaits mobiles qu’il a promis beaucoup moins chers que ceux de ses concurrents. La même stratégie est déployée par Orange, le numéro un du mobile et de l’Internet en France, qui a opté pour une baisse du prix de ses offres triple play en leur donnant également une composante mobile afin de barrer la route à l’arrivée de Free sur ce marché. Orange a ainsi lancé, le 10 juin 2010, son offre Net Plus qui, outre le triple play, propose également, pour 29,90 euros par mois et hors abonnement à la ligne fixe (16 euros par mois), une heure de communications par mois de sa ligne téléphonique fixe vers les mobiles. Enfin, après avoir été autorisé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) à proposer également des offres quadruple play à ses clients, notamment en croisant les bases de données commerciales de ses abonnés ADSL et mobiles, Orange a à son tour lancé une offre tout-en-un le 19 août 2010, baptisée Open Orange, pour 109,90 euros par mois.
SFR, numéro deux du marché d’Internet, qui dispose d’offres alignées sur le standard à 30 euros par mois, a de son côté opté pour une offre complémentaire plus chère. Il rejoint ainsi Orange qui était jusqu’alors le seul opérateur à proposer des forfaits ADSL à tarifs différenciés. Le 16 novembre 2010, SFR a ainsi dévoilé la Neufbox Evolution, qui propose notamment une interface simplifiée et conviviale pour accéder à des services en ligne depuis son téléviseur, qu’il s’agisse de l’enregistreur numérique, de vidéo à la demande ou du guide des programmes. Pour ceux qui voudront s’équiper de la Neufbox Evolution, le forfait mensuel augmentera de cinq euros par mois pour s’élever à 34,90 euros, avant répercussion de la hausse de la TVA. Pour ses offres mobiles, SFR propose également une baisse du coût du forfait pour les foyers avec une stratégie alternative au quadruple play. Pour des abonnements « Multi-packs », c’est-à-dire plusieurs forfaits pour une même famille, SFR accorde pour chaque abonnement supplémentaire (NeufBox, deux mobiles et plus, clés 3G, forfait iPad) des réductions pouvant aller jusqu’à 20 % du prix de vente. Enfin, SFR propose également les appels mobiles illimités avec ses forfaits mobiles « Illimythics Absolu » à 99,80 euros par mois, mais sans les coupler à l’offre triple play. Complétée d’une ristourne de 20 euros pour ses abonnés souscrivant également à une offre triple play, cette offre abaisse à 109,80 euros par mois l’accès à l’ADSL avec communication mobile illimitée, soit finalement l’équivalent des offres Ideo et Open Orange, mais sans l’offre groupée du quadruple play.
Finalement, c’est Free lui-même qui a mis fin au modèle du tarif unique pour les offres triple play en diversifiant à son tour son offre. Avec le lancement, le 3 janvier 2011, de la Freebox Revolution, Free a joué, comme SFR, la carte de la box améliorée et plus chère, tout en se positionnant, en même temps, sur le marché du mobile qu’il compte investir dès 2012. Si le tarif affiché pour un abonnement avec une Freebox Revolution reste inchangé à 29,99 euros, le coût du dégroupage total n’y est plus inclus ce qui, automatiquement, fait augmenter de 5,99 euros par mois la facture minimale qu’un abonné doit payer. Enfin, la Freebox Révolution et le forfait qui l’accompagne répondent aux enjeux auxquels Free est confronté, qu’il s’agisse de la concurrence des offres quadruple play qu’il n’est pas encore en mesure de proposer ou du développement des téléviseurs connectés qui peuvent menacer les recettes de ses services sur IPTV.
Afin de se positionner sur le marché du mobile, Free s’apprête à révolutionner de nouveau le marché des télécommunications : le forfait associé à la Freebox Revolution inclut pour la première fois les appels illimités de la box vers les mobiles. Il s’agit d’abord d’une révolution pour Free qui s’était toujours refusé à inclure le mobile dans ses offres afin de bénéficier des recettes liées aux terminaisons d’appel (prix qu’un opérateur de télécommunications doit payer à un autre en cas d’appel d’un de ses abonnés vers un abonné d’un autre réseau). Sauf qu’à l’heure des offres quadruple play, Free est désormais le seul fournisseur d’accès à Internet dans l’impossibilité de se positionner sur ce nouveau type d’offres. Il abandonne donc une partie de ses recettes pour se positionner sur le mobile à un moment où, quoi qu’il en soit, le coût des appels d’un poste fixe vers un mobile doit de toute façon baisser. En effet, la Commission européenne impose depuis 2002 une baisse du coût des terminaisons d’appel, ce dernier étant passé de 20 centimes d’euros en 2002 à 3 centimes depuis le 1er janvier 2011, avant de passer à 1 centime en 2012. Mais avec cette offre innovante, l’avantage de Free n’a été que de courte durée : le 11 janvier 2011, SFR a annoncé inclure à son tour les appels illimités d’un fixe vers les mobiles à partir du 18 janvier 2011. Les appels illimités seront inclus dans le forfait pour les acheteurs de sa Neufbox Evolution, sans hausse supplémentaire du forfait, soit 37,90 euros par mois après répercussion de la hausse de la TVA. En revanche, pour les détenteurs d’une Neufbox traditionnelle, l’option téléphonie mobile illimitée vers les mobiles sera facturée 3 euros par mois, ce qui fait monter le coût du forfait à 34,90 euros mensuels avec la répercussion de la hausse de la TVA.
Enfin, la Freebox Revolution est une riposte aux téléviseurs connectés. Dessinée par Philippe Starck, elle propose comme la Neufbox Evolution une interface intuitive, mais elle se distingue de sa concurrente par une stratégie de media center. En effet, la Freebox Revolution inclut un lecteur CD, un lecteur DVD et un lecteur Blu-Ray. Elle dispose également d’un disque dur de 250 Go et elle est équipée d’un processeur Intel de 1,2 Ghz, le tout accessible depuis un navigateur développé par Free, ce qui fait de la Freebox Revolution un ordinateur relié à la télévision. Sans surprise, elle offre des services et des applications directement depuis la télécommande Freebox, mais également des jeux vidéo, la Freebox Revolution proposant, comme la Wii de Nintendo, une télécommande avec reconnaissance de mouvements. Alors que les fournisseurs d’accès à Internet sont menacés par le développement des téléviseurs connectés qui permettent de contourner l’interface de la box pour accéder depuis son poste de télévision à des services en ligne (voir infra), cette offre intégrée de Free se veut une alternative plus simple et plus intuitive pour le consommateur, à qui elle propose les fonctionnalités de la télévision connectée et un système technique unique pour l’ensemble des terminaux (lecteur DVD, Blu-Ray, magnétoscope numérique) qui entouraient jusqu’ici le téléviseur. Avec cette offre, Free espère également regagner des parts de marché face à ses concurrents : après le succès de sa dernière box, lancée en 2006, Free est en effet en perte de vitesse face aux nouvelles offres plus agressives de SFR et de Bouygues Télécom qui ont conquis, chacun, plus de 300 000 nouveaux abonnés pendant les neuf premiers mois de l’année 2010, contre 72 000 pour Free.
Si toutes ces offres nouvelles proposent un forfait d’environ 35 euros, ce nouveau modèle est condamné à disparaître rapidement avec l’incorporation du coût de la hausse de la TVA, le forfait triple play avec appels illimités vers les mobiles s’établissant en réalité à environ 37 euros. Depuis le 1er février 2011, Orange a augmenté ses forfaits de 1 à 3 euros selon les options de ses clients. La même stratégie est appliquée par SFR. Free a, quant à lui, annoncé une augmentation de 2 euros par mois et par forfait, ce qui correspond à la répercussion exacte de la hausse de la TVA. Free a également mis en avant une option TV à 1,99 euro par mois, taxée encore à 5,5 %. Pour les clients qui n’utilisent pas leur box pour regarder la télévision, il sera donc possible, en refusant cette option, d’annuler le coût de la hausse de la TVA. Bouygues a de son côté adopté une stratégie plus agressive. Ses forfaits ADSL augmentent de 1,88 euro par mois et aucun de ses forfaits mobiles n’augmente, alors que ses concurrents SFR et Orange ont augmenté le prix des forfaits mobiles pour respectivement 5,2 et 3 millions de leurs abonnés. L’objectif de Bouygues Télécom est évidemment de profiter des résiliations autorisées pendant les quatre mois suivant l’augmentation des forfaits pour gagner le plus grand nombre possible de clients avant l’arrivée de Free sur le marché du mobile.
Sources :
- « Bouygues Télécom promet le tout illimité », G. de C., Les Echos, 18 mai 2010.
- « Le marché du mobile s’anime avant l’arrivée de Free prévue en 2012 », G. de C., Les Echos, 19 mai 2010.
- « France Télécom lance sa contre-offensive tarifaire dans l’ADSL », G. de C. et S.G., Les Echos, 3 juin 2010.
- « Les opérateurs menacent d’augmenter les prix des forfaits Internet », Olivier Pinaud, La Tribune, 10 septembre 2010.
- « Fixe-mobile : SFR prend le contre-pied de ses concurrents », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 8 octobre 2010. –
- « Avec Neufbox Evolution, SFR coupe l’herbe sous le pied de la télé- vision connectée », interview de Frank Esser, PDG de SFR, par Marie-Cécile Renault et Enguérand Renault, Le Figaro, 17 novembre 2010.
- « SFR lance le combat de box sur le marché du haut débit », Olivier Pinaud, La Tribune, 17 novembre 2010.
- « SFR lance sa nouvelle box et passe le cap des 30 euros », G. de C., Les Echos, 17 novembre 2010.
- « Internet : la fin des forfaits illimités à 30 euros », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 6 décembre 2010.
- « Free déclare la guerre aux opérateurs mobiles avec sa nouvelle box », G. de C., Les Echos, 15 décembre 2010.
- « Free fait sa révolution mobile avant l’heure », Delphine Cluny, La Tribune, 15 décembre 2010.
- « Free rend gratuit les appels vers les mobiles », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 15 décembre 2010.
- « Opérateurs de télécommunication : vers une hausse modérée des tarifs », Cécile Ducourtieux, Le Monde, 22 décembre 2010.
- « La hausse de la TVA va permettre à certains abonnés au téléphone mobile de casser leur contrat avant son terme », Joël Morio, Le Monde, 28 décembre 2010.
- « TVA : Bercy met Free en garde », Enguérand Renault, Le Figaro, 28 décembre 2010.
- « TVA Internet : Free met la télévision en option à 1,99 euro », Enguérand Renault, Le Figaro, 30 décembre 2010.
- « Internet : le relèvement de la TVA entraîne une hausse généralisée des tarifs des fournisseurs d’accès », G.P. et N.S., Les Echos, 30 décembre 2010.
- « Les abonnés à Free paieront la télévision en option », Nathalie Brafman, Le Monde, 30 décembre 2010.
- « Après Free, SFR dégaine son offre illimitée vers les mobiles », G. de C., Les Echos, 12 janvier 2011.
- « SFR riposte à Free dans la guerre des prix des Box Internet », Delphine Cluny, La Tribune, 12 janvier 2011.
- « Les dessous du téléphone illimité », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 12 janvier 2011.
- « TVA : Bouygues Télécom frappe un gros coup dans le mobile », G. de C., Les Echos, 14 janvier 2011.