Sur le marché mondial du satellite, qui compte peu d’acteurs, les entreprises européennes occupent une place importante à la fois en tant que constructeur, lanceur, et bien sûr, opérateur (voir REM n°17, p.12). L’Europe ne dispose pourtant pas encore de son propre système de radionavigation par satellite. Les Européens utilisent le système militaire américain, inventé en 1986, GPS (Global Positioning System), appellation commerciale désormais passée dans le langage courant. Qu’en est-il donc de Galileo, programme civil européen lancé en 2007 ?
Deux premiers satellites de la constellation du système de radionavigation Galileo doivent être lancés en octobre 2011, depuis la plate-forme de Kourou, en Guyane, par une fusée russe Soyouz. Sur les 30 satellites prévus, 18 ont été achetés, la plupart au constructeur allemand OHB et quatre à EADS Astrium. Au budget initial de 3,4 milliards d’euros pour la période 2007-2013, il faut ajouter 1,9 milliard pour payer des coûts de développement imprévus, ainsi que la hausse du prix des services de lancement, afin d’assurer la seconde phase de déploiement de Galileo tout au long de la période 2014-2020, soit 1,2 milliard pour les satellites complémentaires, 320 millions pour l’infrastructure terrestre, et 400 millions de marge de sécurité inhérente à cette industrie à haut risque. Face à la réticence des Etats membres à engager une telle somme avant le 1er janvier 2014, des économies seront réalisées sur le premier volet budgétaire pour lequel 881 millions doivent encore être débloqués, grâce à l’engagement des industriels, Thales Alenia Space, EADS Astrium, Arianespace et l’Agence spatiale européenne, de baisser le montant de la facture. Les Etats membres comptent également sur un engagement plus généreux de la part de la Suisse.
Lorsque Galileo sera opérationnel, l’Union européenne devra débourser 800 millions d’euros annuels de frais de maintenance : 590 millions pour Galileo, et 110 millions pour Egnos (European Geostationary Navigation Overlay Service). Le coût d’exploitation annuel du GPS américain est d’un milliard de dollars par an. Premier système de navigation par satellite européen lancé en 2005, Egnos est le fruit d’une collaboration entre l’Agence spatiale européenne (ESA), la Commission européenne et Eurocontrol, l’organisme européen chargé de la sécurité et du contrôle aériens. Il utilise les ressources d’un réseau de plus de trente stations installées sur l’ensemble du territoire européen pour analyser en permanence le signal de quatre centres de contrôle, à Madrid, Francfort, Rome et Southampton, afin de le corriger, ainsi que de trois satellites européens pour le retransmettre. Egnos permet d’affiner le signal GPS au mètre près.
Le programme civil Galileo a déjà quatre ans de retard mais, grâce aux économies ainsi réalisées, au moins six satellites devraient être commandés avant mi-2012. Avec, à terme, 18 satellites lancés, Galileo entrera en service en 2014. La constellation de 30 satellites nécessaires pour un signal optimal sera complète en 2020, avec une précision des signaux mesurée en centimètres, contre un à dix mètres pour le GPS actuellement. A cette date les Etats-Unis, quant à eux, lanceront un nouveau système de GPS tout aussi performant que le modèle européen. Les applications de navigation par satellite sont un marché prometteur sur lequel l’Union européenne veut renforcer sa compétitivité ainsi que son indépendance face aux Etats-Unis, et avant que la Russie, la Chine, le Japon ne déploient à leur tour leur propre système. Depuis son lancement, le programme Galileo a fait l’objet de négociations difficiles entre les Etats membres de l’Union européenne, particulièrement au sujet de son financement. Le directeur général d’OHB System, un des deux opérateurs de Galileo, Berry Smutny, a été suspendu de ses fonctions pour avoir qualifié le projet, en décembre 2009, « d’idée stupide, qui sert en premier lieu les intérêts français », selon un télégramme diplomatique américain révélé en novembre 2010 par WikiLeaks (voir REM n°17, p.48).
Sources :
- « Egnos, le GPS au mètre près », Laurent Barbotin,lexpansion.lexpress.fr, 1er mai 2005.
- « Galileo coûtera 1,9 milliard d’euros de plus que prévu », avec AFP, lexpansion.lexpress.fr, 18 janvier 2011.
- « Bruxelles demande encore 1,9 milliard d’euros pour finir le GPS européen », Alexandre Counis et A. R., Les Echos, 18 janvier 2011.
- « Galileo : Bruxelles demande à l’industrie de comprimer les coûts », Alexandre Counis, Les Echos, 24 mars 2011.
- « Lancement des deux premiers satellites de Galileo en octobre à Kourou », AFP, tv5.org, 23 mai 2011.
- « Galileo : Bruxelles pourrait avancer la prochaine commande de satellites », Alexandre Counis et Alain Ruello, Les Echos, 24 mai 2011.