Afin de favoriser les coproductions internationales et la localisation de tournages ou de prestations de services sur leur territoire, nombreux sont les pays qui ont instauré des réglementations fiscales adaptées au secteur de la production cinématographique et audiovisuelle. Parmi eux, la France, pays souvent cité en exemple pour les mécanismes d’aides à cette industrie qu’il a su mettre en place, a établi des dispositions d’incitation fiscale applicables à la production cinématographique et audiovisuelle nationale et internationale. Ces crédits d’impôt représentent pour les producteurs français un avantage économique important. Pourtant, certains d’entre eux choisissent de produire leur film hors du territoire national, notamment au Luxembourg ou en Belgique. Cette étude du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) s’attache à comparer le fonctionnement de ces systèmes d’incitation fiscale dans six pays d’Europe, Belgique, Luxembourg, Allemagne, Irlande, Hongrie, Royaume-Uni et au Canada, tout en mettant en regard ces dispositifs avec celui de la France. Pour chacun de ces pays, le contexte et l’environnement général du pays ainsi que le paysage du secteur cinématographique et audiovisuel sont présentés. L’ensemble des dispositifs fiscaux fait l’objet d’une présentation détaillée pour chaque pays : les objectifs, les conditions d’application, les bénéficiaires, les conditions de localisation géographique, la nature des dépenses éligibles, la compatibilité avec d’autres aides publiques nationales ou étrangères, le plafonnement des dépenses… Cette comparaison internationale permet d’évaluer l’attractivité des mécanismes fiscaux étrangers sur la production française. Elle fournit notamment des informations sur les retombées économiques et fiscales inhérentes à ces aides.
Si l’objectif est globalement le même pour l’ensemble des pays étudiés, les modalités de fonctionnement de leurs dispositifs d’incitation fiscale respectifs diffèrent, notamment quant aux œuvres et aux dépenses éligibles. Certains pays comme la Belgique et le Luxembourg appliquent les mêmes dispositifs aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Seuls les dispositifs d’incitation fiscale réservés aux œuvres cinématographiques sont présentés dans ce résumé. En France, les crédits d’impôt consistent en une réduction du montant imposable à hauteur de 20 % de certaines dépenses pour les sociétés de production. En Belgique et en Irlande, les mécanismes fiscaux mis en place sont destinés à attirer les investissements privés dans la production. Au Royaume-Uni, le système proposé combine abattement fiscal et crédit d’impôt. En Allemagne, l’aide fiscale s’apparente plutôt à un mécanisme de fonds de soutien. Concernant les œuvres et les dépenses afférentes à celles-ci, le dispositif hongrois est le seul à prévoir que 25 % des dépenses effectuées à l’étranger par le producteur hongrois peuvent être pris en compte (dispositif suspendu depuis mai 2011). L’obtention du crédit d’impôt à la production est plus simple au Luxembourg où il suffit de tourner au moins 50 % du film sur le territoire national, tandis que le simple fait de délocaliser une journée pour des raisons autres qu’artistiques fait perdre l’intégralité du bénéfice du crédit d’impôt selon le dispositif français pour lequel les œuvres éligibles doivent être réalisées « principalement sur le territoire français ». En Belgique, et non en France, toute œuvre admise au bénéfice de l’accord de coproduction franco-belge signé en 2004 est éligible. Il en est de même pour le Canada avec l’accord de coproduction franco- canadien de 1983.
En France, le montant du crédit d’impôt est plafonné à un million d’euros et la somme totale des aides publiques accordées (crédit d’impôts et autres subventions) ne doit pas dépasser 50 % du coût total de production. Certains pays prévoient un montant de crédit d’impôt nettement supérieur au dispositif français. Le plafonnement atteint 2,5 millions d’euros au Luxembourg et 4 millions, voire 10 millions selon les cas, en Allemagne. En Belgique et au Canada, le plafond est déterminé en fonction du budget du film. Il correspond à 50 % du coût total de production en Belgique et, respectivement, à 15 % et 32,5 % de celui-ci selon les dispositifs fédéraux et provinciaux. En Irlande, le plafond du dispositif correspond à 80 % des dépenses de production dans le pays, dans la limite de 50 millions d’euros. La base de calcul est la même au Royaume-Uni, mais sans limitation en valeur absolue. Le système de loin le moins contraignant est celui établi par la Hongrie : il n’impose aucun plafonnement. L’étude publiée par le CNC montre que, comparé aux autres systèmes étrangers, le dispositif français est le moins performant. Avec seulement 20 % des dépenses de production éligibles, contre 29 % à 39% en Belgique et 25% à 65% au Québec, il est également le plus restrictif quant à sa compatibilité avec les systèmes étrangers parce qu’il impose que le tournage et la post-production se déroulent en France. Alors que le crédit d’impôt équivaut à 12 % du budget d’un film irlandais, 13 % d’un film allemand, 18 % d’un film belge et 22 % d’un film canadien, il ne dépasse pas 8 % du coût de production des films d’initiative française agréés en 2010. Enfin, en cas de délocalisation du tournage, la majeure partie des aides publiques accordées aux producteurs français sont maintenues, à l’exception du crédit d’impôt. Ainsi, quitte à perdre les avantages de ce dernier, par ailleurs aux conditions d’obtention des plus contraignantes, les coproductions internationales permettent aux producteurs de cumuler les aides régionales, nationales et européennes. Au-delà de la performance d’un système fiscal, d’autres critères viennent s’ajouter, qui contribuent à la délocalisation des tournages : proximité géographique, langue employée, capacités de tournage (infrastructure, main-d’œuvre, prestataires techniques) ou encore coût de la main- d’œuvre et crédits bancaires.
L’enjeu économique majeur que représentent, à l’échelle d’un pays, les mesures d’incitation fiscale appliquées à l’industrie cinématographique peut être notamment démontré avec l’exemple du Royaume- Uni, destination privilégiée des productions américaines (NDLR : plus de 80 % de l’investissement total dans la production cinématographique britannique proviennent de capitaux étrangers en 2010 selon le bilan annuel du CNC de mai 2011). Selon une étude de l’institut Oxford Economics datant de 2010, en l’absence de crédit d’impôt, la production cinématographique britannique atteindrait seulement le quart de son niveau actuel, soit une réduction du PIB britannique de 1,4 milliard de livres par an et une baisse des recettes fiscales annuelles de 400 millions de livres. Toujours selon cette étude qui a été reprise par le gouvernement britannique, 1 livre de crédit d’impôt générerait 13 livres de PIB. Malgré la fermeture de l’UK Film Council (voir REM n°16, p.16), organe chargé de l’aide au finance- ment de la production cinématographique, le gouvernement s’est engagé à reconduire le système de crédit d’impôt. En France, 137 films ont bénéficié d’un crédit d’impôt engendrant une baisse fiscale de 58,3 millions d’euros et 310 œuvres audiovisuelles pour un montant fiscal de 48,7 millions d’euros en 2010. Le dispositif de crédit d’impôt international a concerné 17 productions pour une baisse fiscale de 7,3 millions d’euros.
Etude comparative des systèmes d’incitation fiscale à la localisation de la production audiovisuelle et cinématographique, Cabinets Hamac Conseils et Mazars, Les études du CNC, Centre national du cinéma et de l’image animée, 131 p., cnc.fr, septembre 2011