France : transposition du « paquet télécom » et autres dispositions

Par une ordonnance du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, ont été transposées, en droit français, les directives européennes de 2009, modifiant et complétant celles de 2002, constitutives dudit « paquet télécom » (voir REM n°14-15, p.5). Y ont été adjointes quelques autres dispositions relatives à l’usage de ces moyens. Ce texte, complexe tout autant en raison de la technicité des questions traitées que de la multiplicité des dispositions concernées, réparties dans divers codes (des postes et des communications électroniques, de la consommation, pénal) et lois (notamment du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) partiellement modifiés, est fort utilement accompagné d’un Rapport explicatif adressé au président de la République. Publié, le même jour, au Journal officiel du 26 août 2011, ses éclaircissements sont plus que nécessaires. Retenant ici surtout ce qui est plus directement en relation avec l’usage grand public des communications électroniques, seront particulièrement dégagées les dispositions relatives à la protection des consommateurs et des utilisateurs de services de communication et celles concernant la protection de la vie privée et des données personnelles.

Protection des consommateurs et des utilisateurs de services

Les dispositions nouvelles relatives à la protection du public des consommateurs et des utilisateurs de services concernent notamment le libre accès aux réseaux et le droit de ne pas recevoir de messages.

S’agissant du libre accès aux réseaux, est introduit dans le code des postes et des communications électroniques (CPCE) un article L. 33-3-1 aux termes duquel sont prohibées « l’importation, la publicité, la cession (…) la mise en circulation, l’installation, la détention et l’utilisation de tout dispositif destiné à rendre inopérants des appareils de communications électroniques de tous types, tant pour l’émission que pour la réception ». Le rapport explicatif mentionne que, pour mettre le droit français « en conformité avec l’acquis communautaire », il s’agit notamment « d’abroger le régime de libre utilisation des installations radioélectriques permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles dans les salles de spectacles et d’encadrer strictement (…) l’utilisation de tous les types de brouilleurs, en vue de ne les autoriser que pour les besoins de l’ordre public, notamment dans les salles de spectacles, de la défense et la sécurité nationale ou du service public de la justice ». Introduisant cette dérogation, le texte de l’ordonnance ne fait pas mention des « salles de spectacles » où leur usage semble prohibé.

Autre manifestation du souci de protection des droits des consommateurs, à l’article L. 34-5 modifié du même CPCE, il est désormais posé qu’« est interdite la prospection directe au moyen de systèmes automatisés d’appel ou de communication, d’un télécopieur ou de courriers électroniques utilisant les coordonnées d’une personne physique (…) qui n’a pas exprimé préalablement son consentement ». Est ainsi consacré le droit de ne pas recevoir de mes- sages commerciaux. De façon à élargir la prise en compte des techniques et de la diversité des moyens par lesquels de telles publicités peuvent être adressées, dans le même article, « les mots “d’automates d’appel” sont remplacés par les mots “de systèmes automatisés d’appel ou de communication”».

Protection de la vie privée et des données personnelles

La protection de la vie privée et des données personnelles constitue une autre préoccupation ayant conduit à l’adoption de dispositions nouvelles. En sont ainsi renforcées les garanties. Y sont cependant apportées certaines limites.

Aux mesures préexistantes de la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés », d’autres ont été ajoutées qui concernent des informations qui doivent être transmises aux intéressés ou des notifications à faire aux autorités.

Ainsi, par le nouvel article 32 de ladite loi, il est posé que « tout utilisateur d’un service de communications électroniques doit être informé de manière claire et complète (…) de la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations stockées dans son équipement de terminal ».

Le même article ajoute que, « en cas de violation de données à caractère personnel, le fournisseur de services de communications électroniques accessibles au public avertit » la Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL) et que, « lorsque cette violation peut porter atteinte aux données à caractère personnel ou à la vie privée d’un abonné ou d’une autre personne physique, le fournisseur avertit également, sans délai, l’intéressé ». Le non-respect de ces obligations est passible de sanctions pénales.

Dans le code pénal sont également introduites d’autres dispositions relatives aux « atteintes à la vie privée et à la sécurité des systèmes d’information ». Ainsi, sont désormais réprimées « la fabrication, l’importation, la détention, l’exposition, l’offre, la location ou la vente d’appareils ou de dispositifs techniques conçus pour réaliser les opérations pouvant constituer l’infraction prévue par le second alinéa de l’article 226-15 » (violation du secret des correspondances) « ou qui, conçus pour la détection à distance des conversations, permettent de réaliser l’infraction prévue par l’article 226-1 » (violation des paroles ou de l’image) « ou ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l’article 706-102-1 du code de procédure pénale » (CPP).

Au titre des possibles atteintes à la protection de la vie privée et des données personnelles, ledit article pose que, « lorsque les nécessités de l’information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 » du CPP (meurtre commis en bande organisée, tortures et actes de barbarie, trafic de stupéfiants, enlèvement et séquestration…) « l’exigent, le juge d’instruction peut (…) autoriser (…) les officiers et agents de police judiciaire (…) à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre ». De telles situations correspondent sans doute à l’« impératif prépondérant d’intérêt public », évoqué, par l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, tel qu’introduit par la loi du 4 janvier 2010, justifiant qu’il soit porté atteinte à la protection des sources d’information des journalistes dès lors qu’il est tenu compte « de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ».

Au titre des limites apportées à la protection des données personnelles, il est ajouté, pour faire prévaloir quelques exigences supérieures, à l’article L. 33-1 CPCE, que « les opérateurs de services de communications électroniques sont tenus de permettre l’accès par les autorités judiciaires, les services de la police et de la gendarmerie nationale, les services d’incendie et de secours et les services d’aide médicale d’urgence, agissant dans le cadre de missions judiciaires ou d’interventions de secours, à leurs listes d’abonnés et d’utilisateurs ».

Professeur à l’Université Paris 2

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