En Allemagne, en avril 2012, la justice a ordonné au site de partage de vidéos YouTube, propriété de Google, de retirer de ses serveurs des vidéos musicales protégées par le droit d’auteur. Passé entre Google et la Gema, société de gestion collective des droits d’auteur, l’accord concernant la diffusion de clips vidéo, incluant une rémunération forfaitaire, était arrivé à échéance en 2009. Il n’avait pas été reconduit, faute d’entente entre les deux parties, la réclamation par la Gema d’une rémunération au nombre de visionnage, 12 centimes par clic, ayant été refusée par Google. Cette décision de justice fait suite à une plainte déposée par la Gema, afin d’obtenir le retrait de la plate-forme de douze clips vidéo. Le jugement du tribunal de première instance de Hambourg ne s’appliquera finalement qu’à sept d’entre eux, les cinq autres n’étant plus diffusés sur le site. Selon la législation allemande, YouTube encourrait une amende d’un montant de 250 000 euros pour chaque vidéo qui ne serait pas retirée. Un jugement qui pourrait coûter cher à Google s’il se traduisait par une demande de rétribution « au coût par clic » de la part des sociétés de gestion collective des droits d’auteur. Le porte-parole de Google Deutschland, Kay Oberbeck, s’est déclaré ouvert à une reprise des négociations avec la Gema.
En France, dans l’affaire qui oppose depuis quatre ans la chaîne TF1 et la plate-forme YouTube, le juge vient de donner raison à cette dernière. En 2008, TF1 avait saisi la justice pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitaire pour la diffusion sans autorisation par YouTube de contenus lui appartenant (la série Heroes, une interview de Mylène Farmer au journal télévisé, un commentaire du journaliste Christophe Barbier sur la chaîne d’information LCI, des extraits de la série Grey’s anatomy et un spectacle de l’humoriste Gad Elmaleh). Après que le tribunal de commerce saisi pour cette affaire s’est déclaré incompétent, le tribunal de grande instance de Paris devant lequel avait été portée l’affaire, a débouté la chaîne, en mai 2012, arguant du statut d’hébergeur de YouTube et l’exonérant ainsi de toute responsabilité a priori quant au contenu des vidéos postées sur sa plateforme. Il n’existe en effet aucune obligation de contrôle préalable du contenu des vidéos mises en ligne. Cette décision rejoint celle dont a déjà bénéficié YouTube dans une affaire similaire l’opposant à la chaîne espagnole Telecinco en 2010 (voir REM n°16, p. 8). En outre, pour certains programmes, la chaîne n’a pas démontré être titulaire des droits.
TF1 contestait également le délai de cinq jours pris par YouTube pour retirer les vidéos de sa plateforme, ce qui ne constitue pas une faute au regard du code de la propriété intellectuelle, comme l’a expliqué le tribunal dans son jugement, car l’accès au site n’est pas payant. Enfin, le tribunal rappelle que YouTube met à la disposition des ayants droit un système de marquage de leurs œuvres baptisé Content ID, permettant d’empêcher leur mise à disposition sur la plate-forme, outil auquel TF1 n’a eu recours qu’à partir de décembre 2011.
Alors que TF1 déplorait une mise en ligne des contenus avant même que ces derniers aient pu être diffusés ou commercialisés, le tribunal a estimé qu’aucune perte de ventes de vidéos n’avait pu être démontrée, notamment pour la reprise des journaux télévisés ou des émissions de téléréalité qui ne font pas l’objet d’une commercialisation sous forme de DVD, tout en argumentant que les extraits de quelques minutes proposés sur YouTube ne permettaient pas de visionner un épisode de série ou une émission en une seule fois, contrairement à un DVD ou à un service de vidéo à la demande. La contrefaçon des marques TF1 et LCI n’a pas non plus été prouvée, selon le tribunal, YouTube ne faisant pas d’usage commercial des logos de ces entreprises pour son propre service en ligne. Espérant recevoir environ 150 millions d’euros en réparation, TF1 et ses filiales TF1 Vidéo, TF1 droits audiovisuels, LCI et e-TF1 devront finalement verser la somme de 80 000 euros à YouTube au titre des frais de justice. TF1 pourrait faire appel de ce jugement. Sur la question des droits d’auteur, la chaîne TF1 a récemment réglé l’équivalent de six années d’arriérés aux diverses sociétés de gestion collective (SACD, SCAM, ADAGP) pour la diffusion d’œuvres, sans négociation préalable, sur son site de partage de vidéos WAT depuis le lancement de celui-ci en 2006, comme l’indique le journaliste Emmanuel Paquette sur son blog Tic et Net.
Désireux de poursuivre sa stratégie d’acquisition légale de contenus (voir REM n°17, p.7), Google a conclu fin mars 2012 un partenariat avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA) pour la diffusion de 57 000 vidéos sous la forme de chaînes thématiques ou événementielles, incluant un partage des revenus publicitaires. Les deux entreprises sont pourtant toujours en procès, YouTube ayant fait appel d’une décision de justice qui le condamnait, en 2010, à indemniser l’INA à hauteur de 150 000 euros pour exploitation sans autorisation de ses contenus.
Aux Etats-Unis, la procédure judiciaire engagée par le groupe Viacom en 2007 pour la diffusion de plus de 100 000 clips vidéo sur YouTube a repris en avril 2012 devant une cour d’appel américaine. Réclamant un milliard de dollars de dommages et intérêts, le groupe de médias avait été débouté en première instance en juin 2010 (voir REM n°16, p.30).
Sources :
- « L’INA fait la paix avec YouTube », Paule Gonzalès, Le Figaro, 26 mars 2012.
- « TF1 signe avec YouTube, mais le procès à 141 millions d’euros continue », Emmanuel Paquette, lexpress.fr/tic-et-net, 3 avril 2012.
- « YouTube perd un procès sur les droits d’auteur en Allemagne », AFP, tv5.org, 20 avril 2012.
- « TF1 et ses filiales déboutées par la justice après sa plainte contre YouTube », AFP, tv5.org, 29 mai 2012
- « YouTube marque un point face à TF1 dans la bataille des droits d’auteur », Fabienne Schmitt, Les Echos, 30 mai 2012.