Avec Flammarion, Gallimard devient le 3e groupe d’édition français

L’autorité française de concurrence a donné son feu vert pour le rachat de Flammarion par Gallimard le 30 août 2012. Gallimard prend place dans le trio de tête de l’édition française, après Hachette Livre et Editis.

Nombreux étaient les prétendants au rachat de la maison Flammarion : le groupe américain HarperCollins, l’italien Feltrinelli, Editis, Média-Participations, Albin Michel allié au départ à Actes Sud et, enfin, Gallimard. Le prix de vente annoncé par le vendeur en janvier 2012 était de 300 millions d’euros. Il n’aura pas fallu moins de six mois pour que le groupe dirigé par Antoine Gallimard, petit-fils du fondateur de la maison d’édition, acquière Flammarion, fin juin 2012, pour 230 millions d’euros (dette de 45 millions comprise et déduction faite des parts des minoritaires), auprès de l’italien RCS MediaGroup (Rizzoli Corriere della Sera), cédé par Charles-Henri Flammarion en 2000 pour 183 millions d’euros. Tous deux nés de maisons d’édition aujourd’hui centenaires, les groupes Gallimard et Flammarion se trouvent réunis au sein du holding familial Madrigall, possédant 98 % de Gallimard, et détenu à 60 % par Antoine Gallimard.

 Gallimard, c’est un catalogue de 30 000 titres essentiellement de littérature, 253 millions de chiffre d’affaires avec une dizaine de maisons d’édition dont NRF, Denoël, la Pléiade, POL, Mercure de France, Verticales, Joëlle Losfeld et la collection de livres de poche Folio, soit 1 500 nouveautés par an, le jackpot de son département jeunesse avec la publication des aventures d’Harry Potter vendues à plus de 26 millions d’exemplaires et le prix Goncourt 2011, L’Art français de la guerre d’Alexis Jenni.

Flammarion apporte un catalogue de 25 000 titres mélangeant littérature, essais, beaux livres, livres pratiques, 220 millions d’euros de chiffre d’affaires (hors activité de distribution) avec les éditions Autrement, GF, Arthaud, Aubier, Skira, la collection de livres de poche J’ai Lu, la bande dessinée avec Casterman (Tintin, Tardi, Pratt, Bilal…), 27 % des éditions Actes Sud et La Carte et le territoire de Michel Houellebecq, prix Goncourt 2010, vendu à 600 000 exemplaires papier en langue française et environ 3 000 copies numériques ou encore les ouvrages à succès du médecin nutritionniste Pierre Dukan.

Avec 1 700 salariés, l’ensemble représente un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros, les deux maisons dégageant chacune un excédent brut d’exploitation de l’ordre de 23 millions d’euros. Détenteur d’un catalogue illustre, le groupe Gallimard est désormais présent sur tous les segments du marché de l’édition, à l’exception de l’édition scolaire et des dictionnaires.

Directrice éditoriale pendant seize années consécutives chez Gallimard, Teresa Cremisi reste PDG de Flammarion, poste qu’elle occupe depuis 2005. Chacune des maisons d’édition conservera à la fois ses équipes et son autonomie éditoriale. Selon Antoine Gallimard, les deux collections de livres de poche, Folio et J’ai Lu, détenant respectivement 12 % et 7 % du marché, sont suffisamment complémentaires pour ne pas être concurrentes, la première éditant des ouvrages classiques, ainsi que les succès de la maison Gallimard, tandis que la seconde est davantage tournée vers le grand public. Des regroupements seront en revanche mises en place dans les activités de fabrication, d’achat de papier, d’achat de licences et de dépenses publicitaires. La question du rapprochement des deux entités de distribution, Union Distribution (Flammarion) et Sodis (Gallimard), se révèle plus délicate. En outre, Flammarion et Gallimard sont partenaires, avec le groupe La Martinière, au sein de la plate-forme de distribution de livres numériques, Eden Livres. L’avenir dira également si Gallimard conservera la participation de Flammarion dans les éditions Actes Sud que son PDG et actionnaire majoritaire, Françoise Nyssen, pourrait préférer racheter à la suite et en raison du changement d’actionnariat.

Devenu le premier groupe français d’édition indépendant, Gallimard se place au 27e rang mondial, loin derrière Hachette Livre, propriété du groupe Lagardère, 2e éditeur mondial (2 milliards d’euros de chiffre d’affaires global en 2011, dont 774 millions d’euros pour l’édition en langue française), suivi par Editis (706 millions d’euros de chiffre d’affaires), filiale française de l’espagnol Planeta, 3e éditeur mondial (1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires), hors édition professionnelle.

Alors que le chiffre d’affaires de l’édition traditionnelle stagne (2,8 milliards en 2011, soit -1,2 %) et que les œuvres de grands écrivains tombent peu à peu dans le domaine public, le rapprochement des deux maisons Gallimard et Flammarion est un défi à l’heure où le numérique fragilise l’ensemble des acteurs de la filière du livre. L’édition numérique ne représente encore que 2 % du chiffre d’affaires des éditeurs en 2011. A l’occasion de l’assemblée générale du Syndicat national de l’édition de juin 2012, son président sortant, Antoine Gallimard, déclarait que « seul un Internet raisonné, régulé par la volonté politique pourrait rapprocher le réseau de son inspiration et de son architecture premières, inconciliables avec l’emprise qu’y exercent aujourd’hui quelques opérateurs », appelant les éditeurs à agir ensemble pour défendre, notamment auprès des instances européennes, la conception française du métier d’éditeur.

Sources :

  • « L’enjeu de la vente des Editions Flammarion », Sabine Audrerie, La Croix, 29 mai 2012.
  • « Gallimard double de taille avec le rachat de Flammarion », Anne Feitz, Les Echos, 28 juin 2012.
  • « Avec l’achat de Flammarion, Gallimard crée le troisième groupe d’édition français », Alain Beuve-Méry, Le Monde, 28 juin 2012.
  • « Comment Antoine Gallimard voit l’avenir de Flammarion », Anne Feitz, Les Echos, 6-7 juillet 2012.
  • « Gallimard et Flammarion : deux bateaux qui s’aident », E.R, Le Figaro, 7 juillet 2012.
  • « Le pari très calculé d’Antoine Gallimard », Nathalie Silbert, Les Echos, 6 septembre 2012.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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